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Défense

Bush dénonce le traité ABM de 1972

Avec pour objectif de faire avancer le projet américain de bouclier antimissile, George Bush a notifié jeudi à la Russie le retrait unilatéral des États-Unis du traité antibalistique ABM qu'il considère comme «une relique de la guerre froide». Et un obstacle sur sa route.
De notre correspondant à New York

Voilà qui devrait sérieusement refroidir les relations russo-américaines, pourtant au beau fixe ces dernières semaines. Dans les jours qui viennent, peut-être dès aujourd'hui, George Bush devrait dénoncer le traité antibalistique ABM de 1972, et ainsi piétiner un monument des relations internationales de ces trente dernières années. Signé le 26 mai 1972 par Richard Nixon et Léonid Brejnev, le traité limite considérablement les capacités de défense antimissile des deux pays et établit une forme d'équilibre de la terreur. Mais c'est aussi un obstacle pour l'administration Bush, dont l'un des principaux thèmes de campagne était le déploiement d'un bouclier antimissile destiné à protéger les États-Unis contre une possible attaque d'«Etat voyou» du type Irak ou Corée du Nord.

«Nous devons dépasser le traité ABM de 1972, conçu à une autre époque pour un autre ennemi», a expliqué George Bush dès mardi, en assurant que «pour le bien de la paix, l'Amérique et ses alliés ne doivent pas être liés par le passé. Nous devons être capables d'ériger les défenses indispensables contre les ennemis du XXIe siècle». «Supposons que les talibans et les terroristes aient été capables de frapper l'Amérique ou des alliés de poids avec un missile balistique. Notre coalition serait devenue beaucoup plus fragile et les enjeux auraient été beaucoup plus élevés» a ajouté le président. Ces propos intervenaient quelques jours après le test réussi d'un missile antimissile américain.

Si George Bush a choisi d'aller de l'avant, c'est que le moment lui est favorable à plusieurs égards. Il bénéficie d'une incroyable cote de popularité (neuf Américains sur dix approuvent son action) et peut aisément jouer sur les peurs des Américains, encore sous le choc des attentats terroristes du 11 septembre. Par souci de ne pas ébranler la coalition contre le terrorisme, les Européens devraient également modérer leurs critiques. Et puis la dénonciation du traité intervient après des mois de diplomatie intense. Dernier épisode en date : une visite du secrétaire d'État américain Colin Powell qui s'est rendu à Moscou pour tenter d'aplanir les différents russo-américains. En vain. En l'absence de possible compromis, George Bush aurait déjà prévenu personnellement par téléphone la semaine dernière son homologue russe Vladimir Poutine.

Digérer la déplaisante nouvelle

Le traité exige un préavis de six mois si l'un des signataires veut se retirer. Les premiers tests américains d'ampleur pourraient donc se tenir dès le mois de juin. Dès le mois de mai, le Pentagone pourrait également entamer la construction d'un centre de commande du système antimissile à Fort Greely, en Alaska. Quelle sera la réaction de la Russie ? Peut-être d'augmenter le nombre de leurs têtes nucléaires jusqu'aux niveaux atteints durant la guerre froide. Mais la dénonciation du traité ne sera pas une grosse surprise. Lorsqu'il a rencontré Bush dans son ranch de Crawford, Vladimir Poutine avait déjà accepté que les États-Unis procèdent à des tests interdits par le traité ABM, à condition que la Russie soit consultée avant chacun de ces tests. L'exigence était inacceptable pour les États-Unis. Les conseillers du président Bush parient désormais sur le fait que la Russie finira par digérer la déplaisante nouvelle. L'arsenal nucléaire Russe est constitué de plusieurs centaines de têtes nucléaires qui pourraient venir à bout de n'importe quel bouclier antimissile.

Il est en revanche plus difficile de prévoir la réaction chinoise. sans être partie au traité, la Chine est directement concernée. Elle ne dispose que d'une vingtaine d'ogives nucléaires stratégiques, qui seraient neutralisées par un bouclier antimissile américain, même rudimentaire. Si la Chine modernise son arsenal nucléaire, une réaction en chaîne de ses voisins est à craindre. A l'intérieur aussi, le projet du président Bush suscite des oppositions de longue date, liées au coût exorbitant du système ou à son manque de fiabilité technique. Le sénateur Joseph Biden, un démocrate du Delaware qui préside le comité des affaires étrangères du Congrès a mis en garde le président : «Abandonner unilatéralement le traité ABM serait une grave erreur. L'administration n'a offert aucun argument convaincant expliquant pourquoi les tests des missiles de défense nécessiteraient de se retirer d'un traité qui a aidé à maintenir la paix ces trente dernières années».



par Philippe  Bolopion

Article publié le 13/12/2001