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Russie

Le jour où l’URSS a disparu

On la croyait indestructible. Or, le 8 décembre 1991, le monde entier assiste à l’éclatement de l’URSS. Comme tous les autres empires qui ont jalonné l’histoire, l’empire russe cesse d’exister, l’URSS n’est plus une superpuissance, l’égale des Etats-Unis. C’était il y a 10 ans.
En fait, tout est allé vite. Le 21 juin 1991, Boris Eltsine, président de la fédération de Russie, est élu au suffrage universel. Peu de temps après, le 1er juillet, le pacte de Varsovie est dissous. L’économie de l’URSS est en perte de vitesse et la politique intérieure de Gorbatchev est fortement critiquée, le pire s’annonce... Plusieurs mouvements indépendantistes se manifestent dans les républiques, notamment en Lituanie, qui proclame son indépendance, et en Estonie. Le 19 août 1991, un coup d’État est déclenché contre Gorbatchev par des communistes irréductibles, mais se solde par un échec grâce à l’intervention de Boris Eltsine, qui annonce peu après la suspension du parti communiste russe et la dissolution du gouvernement soviétique. Après la Lettonie, l’Ukraine et la Moldavie proclament leur indépendance et sont suivies plus tard par l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan et l’Arménie.

Mais tout se joue le 8 décembre 1991, lorsque Boris Eltsine, ainsi que les présidents des républiques de Biélorussie et d’Ukraine, se regroupent près de Minsk, en Biélorussie, et constatent que le temps de l’URSS est désormais « terminé ». La signature du traité de Minsk donne naissance à la Communauté des états indépendants. Très rapidement, d’autres anciennes républiques soviétiques, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan, s’ajoutent aux fondateurs de la CEI par le traité d’Almaty, capitale du Kazakhstan. Seuls les trois Etats baltes, ainsi que la Géorgie, désirant s’intégrer rapidement à l’Union européenne, refusent d’adhérer à la CEI. Le 25 décembre, Mikhaïl Gorbatchev se résigne à la défaite et démissionne. Sans tarder, la Russie prend la place de l’URSS comme membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU.

Bush et Poutine: le courant passe

Dix ans plus tard, une page nouvelle s’est ouverte dans les relations internationales et l’on assiste à une redistribution des cartes, avec de nouveaux acteurs. Vladimir Poutine et George W. Bush trouvent devant eux un défi commun en ce début du XXIe siècle : la lutte contre le terrorisme. Un thème qui a été longuement abordé à la Maison-Blanche, lors du sommet de trois jours qui a réuni à la mi-novembre, soit quelques jours après la prise de Kaboul par les anti Talibans, les présidents Bush et Poutine, dont c’était la quatrième rencontre. D’emblée, le maître du Kremlin a répété que le terrorisme menaçait «tout le système de stabilité stratégique». Et d’ajouter: «Notre ennemi commun n’a ni nationalité, ni religion, ni civilisation». Auparavant, dès le lendemain des attentats du 11 septembre, un fait décisif s’était produit dans l’histoire entre les deux «Grands» lorsque le 7 octobre, deux anciennes Républiques soviétiques, l’Ouzbékistan, puis le Tadjikistan, mettaient à la disposition de l’Amérique leurs bases militaires et leur espace aérien. C'était encore inimaginable il y a peu...

Désormais alliés pour combattre le terrorisme, Poutine et Bush devront encore tenir leurs promesses annoncées lors du sommet de Washington, et dont le but est de réduire des deux tiers leur arsenal nucléaire d’ici à une dizaine d’années, et d’empêcher que des terroristes et des pays hostiles ne puissent s’emparer de certaines matières nucléaires possédées par l’un ou l’autre des deux «Grands». Reste un problème qui divise : le projet de bouclier antimissile (NMD), cher au président Bush, dont Vladimir Poutine ne veut pas entendre parler par crainte d’une relance à la course aux armements. Le projet est toujours dans les cartons et un compromis n’est pas impossible. Mais il y a du chemin entre le rêve et la réalité, quand on sait que ce fameux bouclier antimissile concentre les grands sujets du moment : politique américaine, relations transatlantiques, rapports entre Moscou et Washington, débat sur les Etats «voyous», relations sino-américaines, sort de la péninsule coréenne, prolifération nucléaire, concept de dissuasion…

Devant cette accélération de l'histoire, on aura garde de ne pas oublier que c’est Mikhaïl Gorbatchev qui est à l’origine de la détente entre l’Est et l’Ouest. A peine nommé à la tête de l’URSS en 1985, soit deux ans seulement après la mort de Leonid Brejnev, il prend les commandes d'un pays doté une force militaire puissante et de multiples richesses naturelles, mais confronté à de grandes difficultés économiques. Conscient de la faillite économique de l’URSS, le nouveau président tire les leçons de l'échec du communisme dogmatique et estime que la détente permettra de réduire le poids des dépenses militaires, de réformer le système communiste (c'est la perestroïka) et de réorganiser l’économie en bénéficiant de surcroît des technologies occidentales.

Compte tenu de la situation intérieure, le temps presse et «l’offensive du sourire» qu’il va mener va tout d’abord surprendre l’administration de Ronald Reagan. Mais devant la bonne volonté évidente de l’URSS, et pour tenir compte des réticences du Congrès devant l’augmentation constante des dépenses militaires face à un budget fédéral en déficit, le président américain répondra à l’offre de dialogue et de négociation de Gorbatchev. D’où la multiplication des sommets et des rencontres entre les deux «grands», qui vont aboutir à un véritable contrôle des armements, dont le point d’orgue sera le fameux traité START II de 1995, le plus grand accord de désarmement de l’histoire de l’humanité.

Plus soucieux de sauver son pays que de préserver l'empire, Gorbatchev accompagne les changements à l’Est (démantèlement du Rideau de fer entre la Hongrie et l’Autriche en mai 1989, chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989, disparition de la RDA avec la réunification de l’Allemagne, disparition du Pacte de Varsovie, jusqu’à la propre disparition de l’empire soviétique le 8 décembre 1991). C’est la fin de la guerre froide en Europe.

Celle-ci est aussi en voie d'épuisement sur les autres terrains du Tiers monde. Moscou et Washington avaient été obligés d’admettre que l’Afrique n’était plus un enjeu géopolitique entre l’Est et l’Ouest. Si du temps de Brejnev et de ses prédécesseurs, l’URSS avait conclu de nombreuses alliances afin d’étendre son influence dans le Tiers monde en soutenant les «pays à orientation socialiste» (Afghanistan, Cambodge, Angola, Mozambique, Ethiopie, Yemen du Sud), avec l’arrivée de Gorbatchev, Moscou va parachever son désengagement, en collaboration avec l’ONU et les USA. Exemple parmi tant d’autres : l’évacuation par l’Armée rouge de l’Afghanistan dans les années 88 et 89, après un long conflit que l’on considère, côté soviétique, comme une lourde erreur. L’Extrême-Asie allait-elle échapper à l’onde de choc de la fin de la guerre froide ? Au début, l’effondrement de l’URSS ne semblait guère avoir de prise sur les régimes «socialistes» asiatiques. Mais, au fil des années, nombre de conflits régionaux ont été réglés : stabilisation des rapports sino-soviétiques en 1991 à propos de la Mongolie, normalisation des relations sino-vietnamiennes la même année, et plus récemment, il y a plus d’un an, début d’un rapprochement spectaculaire entre les deux Corées…



par Pierre  DELMAS

Article publié le 08/12/2001