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Ouganda

Museveni veut désarmer les Karimojong

Négligées par les régimes successifs depuis l'indépendance, les tribus Karimojong qui peuplent les terres arides du nord-est de l'Ouganda vivent le fusil à la main. Comme d’autres tribus voisines du Kenya et du Soudan, ces éleveurs semi-nomades ont une culture guerrière qui les pousse à être continuellement en conflit. Le président ougandais a décidé d’établir momentanément son quartier général dans cette région reculée afin de diriger lui-même les opérations de désarmement.
De notre correspondant en Ouganda

Le contraste est saisissant entre les plaines fertile qui entourent le lac Victoria et ces immenses plateaux d'épineux du nord-est de l’Ouganda sur lesquelles vivent les Karimojong. Dans la foulée de leurs troupeaux de vaches et de chèvres, kalachnikov en bandoulière, ce peuple de guerriers semi-nomades s'abrite dans des villages qui ressemble à la fois à des forteresses et à des nids d'oiseau. Selon les tribus, une ou deux parois d'épineux et de bois entrelacés entourent les villages à l'intérieur desquels chaque hutte est protégée par d'autres parois. C'est à l'intérieur de ces labyrinthes que les femmes et les enfants se protègent des raids des tribus voisines quand les hommes sont partis en transhumance avec leurs vaches ou à l'attaque d'autres villages.

En réponse aux incursions des Karimojong dans les régions voisines, qui ont fait une centaine de morts et des milliers de déplacés au centre de l’Ouganda depuis le début de l'année, le parlement a voté une loi autorisant l'Etat à désarmer ces tribus belliqueuses. Le colonisateur britannique avait déjà tenté de désarmer les Karimojong, en vain. Après l’indépendance, les régimes ougandais successifs ont également tous échoué dans leur tentative de pacification du nord-est du pays. Des organisations humanitaires estiment que les Karimojong possèdent désormais quelques 40000 kalachnikovs, autant qu’une armée. Ils ont acquis la plupart de leurs armes en 1979 lors de la fuite du dictateur Idi Amin Dada et s'approvisionnent principalement depuis auprès de la SPLA, au Sud-Soudan, qui est soutenu par le président Museveni et qui possède notamment un camp d'entraînement dans le Karamoja.

Cette fois, le président Museveni a décidé d’établir ses quartiers momentanément dans le Karamoja pour diriger lui même les opérations de désarmement. Elles doivent se réaliser en deux phases. Dans un premier temps, il est demander aux Karimojong de rendre volontairement leurs armes. A partir du mois prochain, les armes restantes seront confisquées de gré ou de force.

Museveni promet de construire des routes et des casernes

Parallèlement des milices doivent être formées dans chacun des 44 districts du Karamoja. Des routes et des casernes doivent être construites le long des frontières avec le Soudan et le Kenya afin d’interdire la libre transhumance entre ces trois pays. Un vaste programme et qui s’annonce bien plus difficile que ce que les schémas annoncent.

Ainsi, ces dix derniers mois, seuls un peu plus de 3000 armes ont été récupérées par le gouvernement. Les Karimojong se méfient en effet de l’armée ougandaise qui a eu tendance par le passé à voler leurs vaches et à violer leurs filles. A ce propos, le président Museveni a annoncé que les militaires coupables de viol dans le Karamoja seraient désormais passibles du peloton d’exécution.

D’autre part, la construction de routes dans des régions aussi reculées sera prétexte à la demande de nouveau emprunts auprès de la communauté internationale, en particulier les institutions de Breton Wood. Les sommes en jeu se comptent en dizaines de millions de dollars et leur éventuel déboursement prendra des mois sinon des années.

En attendant ces routes hypothétiques, les Karimojong resteront donc isolés dans leurs brûlantes plaines d’épineux, très loin du monde corrompu et complaisant de l’administration centrale. Leurs armes leur offrent jusqu’à présent leur unique protection contre les raids des tribus jumelles installées au Kenya ou au Sud Soudan. Il est donc certain qu’en l’absence de garanties immédiates et palpables de sécurité, la plupart ne rendront pas leurs armes. Cependant, les opérations militaires lancées actuellement par le pouvoir central permettront à l’armée ougandaise de justifier le redéploiement des troupes qui se retirent des territoires qu’elle occupe depuis 1998 en République Démocratique du Congo. Elles autorisent en outre l’instauration qu’un quasi Etat d’urgence dans le Nord Est de l’Ouganda.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 11/12/2001