Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Italie

Guerre ouverte entre les juges et Berlusconi

De nombreux juges italiens ont profité, samedi dernier, de la rentrée judiciaire pour protester contre le gouvernement en revêtant la toge noire des audiences ordinaires - au lieu de la tenue de cérémonie. Ils accusent la coalition au pouvoir de vouloir mettre un terme à l’indépendance de la magistrature et entraver tous les procès en cours contre le premier ministre italien et ses proches. De son côté le procureur général de Milan a lancé un appel cinglant à la «résistance» et dénoncé «les accusations superficielles de partialité formulées contre les juges par de hauts représentants de la classe politique et martelées avec l’insistance de bonimenteurs de télévision».

Francesco Saverio Borrelli, qui dans les années 90 a dirigé l’enquête historique «Mains propres» en provoquant la fin de la Démocratie chrétienne et du Parti socialiste, a visiblement décidé de vider son sac, avant de prendre sa retraite, mais aussi de ne pas quitter son poste avant la fin d’un procès retentissant qui risque de coûter très cher à Silvio Berlusconi. Il a ainsi accusé durement l’exécutif d’avoir «supprimé complètement les escostes de police des magistrats qui se trouvent être ceux qui enquêtent sur des accusations pesant sur le chef du gouvernement», à Milan ou à Palerme, avant d’exhorter les magistrats à «résister aux interventions externes et aux actes de sabotage».

Vers une condamnation de Berlusconi ?

La «guerre ouverte» que le gouvernement Berlusconi a déclaré dès son investiture contre les «toges rouges» des procures lombardes et siciliennes risque ainsi de se retourner contre le ministre de la justice - un membre de la Ligue du Nord d’Umberto Bossi - et Berlusconi lui même, qui selon la presse italienne se retrouve ainsi «de nouveau seul face à son drame personnel et politique, le procès SME et ses conséquences». Ce procès très attendu concerne la tentative de rachat d’une société publique alimentaire (SME), et le premier ministre italien est accusé, ainsi que ses propres avocats, d’avoir corrompu des juges romains. Le déroulement de ce procès, en cours depuis deux ans, est régulièrement perturbé par une «guérilla des recours» menée par les défenseurs de Berlusconi, qui une fois de plus visent à obliger la cour à renvoyer ce procès crucial aux calendes grecques, dans l’espoir d’une prescription qui profiterait au Président du Conseil.

Ces derniers jours le ministre de la justice Castelli a tenté par tous les moyens d’affecter dans une autre ville l’un des juges, et provoquer ainsi un énième report de ce procès ; mais le président de la Cour d’appel de Milan, Giuseppe Grechi, en a décidé autrement, en maintenant ce juge «à temps plein jusqu’au 31 octobre». Ce qui signifie que ce procès pourrait se terminer avant la rentrée prochaine, par la condamnation probable (selon la plupart des observateurs) de Silvio Berlusconi.

Les alliés de Berlusconi ont apparemment déjà pris en compte l’éventuelle condamnation de leur chef de file, et certains - comme l’ancien président de la République Francesco Cossiga - estiment que «si Berlusconi devait être condamné, pour le prestige des institutions et le bien du pays, il devrait démissionner». D’autres collaborateurs de Berlusconi - comme le ministre aux Affaires européennes Rocco Buttiglione - pensent par contre qu’il ne doit pas démissionner s’il est condamné au tribunal. Mais tous sont conscients que l’avenir de Berlusconi est entre les mains d’une Procure qui dans le passé n’a fait aucun cadeau au Président du conseil.



par Elio  Comarin

Article publié le 14/01/2002