Italie
Pour Berlusconi «l'Occident est supérieur à l'Islam»
Des propos «racistes» du premier ministre italien ont suscité consternation et embarras à Rome comme à Bruxelles et dans le monde musulman, alors que l'Union européenne tente d'éviter tout amalgame entre terrorisme et islamisme.
«On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscients de notre suprématie, de la supériorité de la civilisation occidentale (qui a garanti) le respect des droits humains, religieux et politiques, qui n'existent pas dans les pays islamiquesà L'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples. Cela a déjà réussi avec le monde communiste et avec une partie du monde islamique». Une fois de plus le Président du conseil italien, Silvio Berlusconi, a provoqué une tempête politique, par des propos qui reflètent sans doute sa pensée la plus profonde mais inquiètent tous ceux qui, en Italie, en Europe, aux Etats-Unis et dans le monde islamique cherchent par tous les moyens à faire oublier les interventions sans nuance du président américain Bush qui, au lendemain des attentats de New York, avait parlé de "croisade" et de combat "entre le Bien et le Mal".
«Les mots ont le poids des pierres»
Ce nouvel impair du premier ministre italien, actuellement en visite en Allemagne, où il a rencontré le chancelier Gerhard Schroeder mais aussi le président russe Vladimir Poutine, a d'autant plus surpris que le magnat de la télévision italienne ne cesse de proclamer son désir d'aider son «ami» Bush junior à combattre sur tous les fronts le terrorisme international. Mais ces propos ont fait grincer des dents d'abord au sein de l'opposition italienne, qui les a qualifié de «indignes, inacceptables et absurdes». Pour le centre-gauche la «bourde de Berlin» est d'autant plus grave qu'elle peut ruiner les efforts entrepris pour rallier certains pays musulmans à la «guerre» déclarée par Washington aux terroristes. «C'est la prise de position typique qui conduit au conflit, parce qu'elle ignore l'histoire», a déclaré l'ancien président de la Chambre des députés Luciano Violante ; tandis que le quotidien de centre-gauche La Repubblica écrivait : «dans cette guerre, alors que les armes n'ont pas encore parlé, les mots ont le poids des pierres». La plupart des observateurs italiens ont tenu à rappeler que la civilisation européenne doit beaucoup à celle de l'Islam, et, surtout, que l'Europe est responsable des plus grands massacres du XXème siècle.
Ces propos ont suscité une grande consternation en Europe, à commencer par la Belgique, qui assure actuellement la présidence de l'Union européenne. «Ces propos peuvent, de manière dangereuse, avoir des conséquences : plutôt que d'avoir une rencontre des civilisations, cela peut alimenter un sentiment d'humiliation», a déploré le premier ministre belge Guy Verhofstadt.
Mais c'est sans doute la «troika» européenne actuellement en tournée dans le Proche Orient qui a réagi le plus vivement à cette «manifestation de racisme et d'intolérance». Le commissaire européen aux relations extérieures Chris Patten a rappelé tout simplement que «le monde islamique n'a jamais été responsable dµun holocauste». Et le ministre belge des affaires étrangères Louis Michel d'ajouter, au Caire, après avoir rencontré le président Hosni Moubarak : «Je ne peux dire qu'une chose : les valeurs de l'Europe ne nous autorisent pas à considérer que notre civilisation serait supérieure à une autre».
Quant à La Ligue arabe, elle a aussitôt déclaré par la voix de son secrétaire général Amr Moussa que les Arabes «attendent des excuses et un démenti du gouvernement italien», car, a-t-il ajouté, Berlusconi «a franchi les limites de la raison et de la décence».
Cette nouvelle affaire est d'autant plus inquiétante que les propos de Berlusconi sont largement partagés au sein de son gouvernement de centre-droite, où siègent notamment des membres de la Ligue du Nord (dont les propos xénophobes sont quasi quotidiens) et des post-fascistes (qui font souvent appel à la démagogie, notamment à propos de l'insécurité et de l'immigration). En revanche, cette «bourde» ne correspond pas à la pensée souvent exprimée par de nombreux intellectuels de droite, et notamment par le plus connus d'entre eux : l'islamologue Franco Cardini, spécialiste du Moyen-Age méditerranéen.
Cette affaire risque d'avoir des conséquences politiques non négligeable en Italie, alors que Berlusconi n'a toujours pas maintenue les promesses formulées à la veille de sa victoire de mai dernier, notamment à propos du conflit d'intérêts entre ses affaires privées de magnat de la télévision et de la finance et ses fonctions publiques. Nombreux sont ceux qui commencent à remettre en question ses capacités d'homme d'Etat, en raison aussi de la répression très violente des manifestations anti-globalisation, lors du sommet du G8 de Gênes, en juillet dernier.
Mais la plupart des journaux de la péninsule préfèrent insister sur un autre fait : l'absence à Berlin, aux côtés du roi de la télé-paillettes, d'un «ange gardien» actuellement en déplacement aux Etats-Unis : le ministre des Affaires étrangères Renato Ruggiero, qui l'aurait sans doute aidé à mieux maîtriser ses pensées les plus profondes.
«Les mots ont le poids des pierres»
Ce nouvel impair du premier ministre italien, actuellement en visite en Allemagne, où il a rencontré le chancelier Gerhard Schroeder mais aussi le président russe Vladimir Poutine, a d'autant plus surpris que le magnat de la télévision italienne ne cesse de proclamer son désir d'aider son «ami» Bush junior à combattre sur tous les fronts le terrorisme international. Mais ces propos ont fait grincer des dents d'abord au sein de l'opposition italienne, qui les a qualifié de «indignes, inacceptables et absurdes». Pour le centre-gauche la «bourde de Berlin» est d'autant plus grave qu'elle peut ruiner les efforts entrepris pour rallier certains pays musulmans à la «guerre» déclarée par Washington aux terroristes. «C'est la prise de position typique qui conduit au conflit, parce qu'elle ignore l'histoire», a déclaré l'ancien président de la Chambre des députés Luciano Violante ; tandis que le quotidien de centre-gauche La Repubblica écrivait : «dans cette guerre, alors que les armes n'ont pas encore parlé, les mots ont le poids des pierres». La plupart des observateurs italiens ont tenu à rappeler que la civilisation européenne doit beaucoup à celle de l'Islam, et, surtout, que l'Europe est responsable des plus grands massacres du XXème siècle.
Ces propos ont suscité une grande consternation en Europe, à commencer par la Belgique, qui assure actuellement la présidence de l'Union européenne. «Ces propos peuvent, de manière dangereuse, avoir des conséquences : plutôt que d'avoir une rencontre des civilisations, cela peut alimenter un sentiment d'humiliation», a déploré le premier ministre belge Guy Verhofstadt.
Mais c'est sans doute la «troika» européenne actuellement en tournée dans le Proche Orient qui a réagi le plus vivement à cette «manifestation de racisme et d'intolérance». Le commissaire européen aux relations extérieures Chris Patten a rappelé tout simplement que «le monde islamique n'a jamais été responsable dµun holocauste». Et le ministre belge des affaires étrangères Louis Michel d'ajouter, au Caire, après avoir rencontré le président Hosni Moubarak : «Je ne peux dire qu'une chose : les valeurs de l'Europe ne nous autorisent pas à considérer que notre civilisation serait supérieure à une autre».
Quant à La Ligue arabe, elle a aussitôt déclaré par la voix de son secrétaire général Amr Moussa que les Arabes «attendent des excuses et un démenti du gouvernement italien», car, a-t-il ajouté, Berlusconi «a franchi les limites de la raison et de la décence».
Cette nouvelle affaire est d'autant plus inquiétante que les propos de Berlusconi sont largement partagés au sein de son gouvernement de centre-droite, où siègent notamment des membres de la Ligue du Nord (dont les propos xénophobes sont quasi quotidiens) et des post-fascistes (qui font souvent appel à la démagogie, notamment à propos de l'insécurité et de l'immigration). En revanche, cette «bourde» ne correspond pas à la pensée souvent exprimée par de nombreux intellectuels de droite, et notamment par le plus connus d'entre eux : l'islamologue Franco Cardini, spécialiste du Moyen-Age méditerranéen.
Cette affaire risque d'avoir des conséquences politiques non négligeable en Italie, alors que Berlusconi n'a toujours pas maintenue les promesses formulées à la veille de sa victoire de mai dernier, notamment à propos du conflit d'intérêts entre ses affaires privées de magnat de la télévision et de la finance et ses fonctions publiques. Nombreux sont ceux qui commencent à remettre en question ses capacités d'homme d'Etat, en raison aussi de la répression très violente des manifestations anti-globalisation, lors du sommet du G8 de Gênes, en juillet dernier.
Mais la plupart des journaux de la péninsule préfèrent insister sur un autre fait : l'absence à Berlin, aux côtés du roi de la télé-paillettes, d'un «ange gardien» actuellement en déplacement aux Etats-Unis : le ministre des Affaires étrangères Renato Ruggiero, qui l'aurait sans doute aidé à mieux maîtriser ses pensées les plus profondes.
par Elio Comarin
Article publié le 27/09/2001