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Italie

Une équipe de rupture pour Berlusconi

Le deuxième gouvernement Berlusconi a prêté serment ce lundi à Rome. Il s'agit d'une équipe de combat et de rupture, qui rassurera George Bush par son atlantisme, mais inquiétera les Européens partisans d'une Union plus fédérale et élargie.


Gianfranco Fini (Vice-président du Conseil) a été néo-fasciste et ultra-nationaliste avant de créer l'Alliance nationale, un parti de droite s'inspirant du gaullisme et très attaché aux valeurs nationales. Umberto Bossi (Réformes et Décentralisation) a été sécessionniste et dirige toujours la Ligue du Nord, tout en caressant dans le sens du poil les tendances xénophobes de certaines franges extrémistes. Rocco Buttiglione (Politiques européennes) est un ancien démocrate-chrétien, mais il est aujourd'hui opposé au traité de Nice. Antonio Martino (Défense) est un proche de Berlusconi, a toujours été à la fois euro-sceptique et pro-américain et ne veut pas entendre parler de défense européenne autonome par rapport à l'OTAN. Giulio Tremonti (Economie et Finances) est un ultra-libéral peu favorable à l'élargissement à l'est de l'Union européenne. Renato Ruggiero (Affaires étrangères) à dirigé l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et est à la fois très pro-américain et modérément «europhile». Altiero Matteoli (Environnement) s'est dit opposé à la politique européenne en matière environnementale et surtout à l'accord de Kyoto. Enfin, Silvio Berlusconi (Président du Conseil) a tout fait pour que son parti Forza Italia intègre le Parti populaire européen au Parlement de Strasbourg, mais il a toujours dit que son gouvernement privilégiera les intérêts nationaux, en précisant que cela est peu compatible avec l'élargissement de l'Union européenne.

Après «Rome la voleuse», «Milan la sangsue»

Le second gouvernement Berlusconi ne ressemble guère à celui de 1994, mais sa composition montre clairement que l'Union européenne en subira sans tarder les conséquences. Le vainqueur des élections du 13 mai dernier a choisi cette fois-ci de mettre dans son équipe tous ses lieutenants de Forza Italia ainsi que ses alliés de la coalition gagnante (La Maison des Libertés). Parmi ceux-ci figure notamment Umberto Bossi, le leader populiste et anti-conformiste qui en 1995 avait provoqué la chute du premier gouvernement Berlusconi. Cette fois-ci il est quelque peu «coincé» par la tâche qui lui est confiée : réaliser vite la difficile reforme du transfert de larges pouvoirs de l'Etat vers les régions. En principe cette devolution à l'italienne devrait ravir Bossi, car il en a fait son cheval de bataille durant la campagne électorale. Mais en réalité cela risque de devenir un piège pour quelqu'un qui n'a aucune expérience gouvernementale, refuse toujours de chanter l'hymne national italien et n'a jamais manqué de dénoncer «les politicards romains » et «l'administration byzantine» de la péninsule.

Bien entendu, Berlusconi s'est dit «satisfait d'avoir réussi à mettre ensemble une excellente équipe de gouvernement». Il oublie de préciser qu'il avait promis il y a quelques semaines une «équipe restreinte» (de quatorze postes ministériels), alors que finalement les ministres sont au nombre de vingt-quatre, en attendant les ministres délégués et les secrétaires d'Etat qui seront nommés prochainement. Et que, pour contenter tous le monde, il a même été obligé de créer un ministère de l'Actualisation du programme du gouvernement qu'il a confié à l'un de ses lieutenants.

Mais ce qui a le plus surpris les Italiens est le nombre de ministres d'origine milanaise ou lombarde, comme Berlusconi lui même : plus d'un tiers du gouvernement. Cela n'était jamais arrivé depuis que Rome est devenue (en 1870) la capitale de l'Italie. Ce qui fait dire à certains, notamment dans le sud et dans le nord-est, que désormais la cible de leurs récriminations n'est plus «Rome la voleuse» mais «Milan la sangsue».

De plus, le « gouvernement de managers » promis par Berlusconi comprend finalement tous les poids lourds politiques de la coalition de centre-droite et ressemble fort à certains gouvernements démocrate-chrétiens d'autrefois qui n'oubliaient aucun parti de la coalition ni aucun courant de la DC. Berlusconi a cependant renoncé à placer cette fois-ci deux anciens ministres très controversés (Previti et Dell'Utri), qui doivent faire face à plusieurs procès pour corruption de magistrats ou association mafieuse. Enfin, il n'est parvenu à placer que deux femmes (Instruction et Egalité des chances), ce qui est un autre record absolu, depuis la deuxième guerre mondiale.



par Elio  Comarin

Article publié le 11/06/2001