Italie
Berlusconi installe son régime
Pas de triomphalisme et beaucoup de (fausse) modestie. Le premier «jour de gloire» de Silvio Berlusconi est quelque peu déroutant. Il ne se montre pas. Même pas sur ses petits écrans. «Le Président travaille», dit-on dans son entourage.
Hanté par l'humiliation subie en 1994, sept mois seulement après avoir accédé à la présidence du conseil, il veut se donner l'image de quelqu'un qui est déjà aux manettes et qu'il convient de ne pas déranger. Mais, pour l'heure, Silvio Berlusconi ne peut que savourer sa victoire. Il a toutes les raisons de jubiler : les ennemis sont en déroute, les alliés étouffés ou sur le point de l'être. La «traversée du désert» est bien terminée. Celui qui, il y a quelques semaines, a osé se comparer à l'empereur Justinien et à Napoléon Bonaparte ne rêve de ressembler qu'à un seul «grand de ce monde» : le général de Gaulle de 1958. Et d'exercer comme lui un pouvoir à la fois personnel et distant, reconnu et respecté, loin des querelles de partis. C'est-à-dire du haut de ses villas.
Au nom de l'Italie éternelle et de tous les Italiens. Même s'ils ne sont pas tout à fait dignes d'être représentés par quelqu'un qui a nécessairement un «destin national» et est à la fois le plus riche et le meilleur. Dès sa première intervention télévisuelle, enregistrée chez lui en l'absence de tout journaliste, il a assuré que toutes les promesses seront maintenues : l'impôt sur les donations et les successions sera aboli, les grands travaux vont commencer tout de suite, la reforme de la magistrature sera décidée et mise en application au plus vite et les villes pourront se doter de polices municipales de proximité. Mais avant tout cela il a une fois de plus promis que le «contrat avec les Italiens» qu'il a solennellement signé la semaine dernière devant les caméras sera appliqué. Il avait alors promis de ne plus se présenter devant les électeurs, si ses engagements ne sont pas tenus d'ici la fin de la législature. Sans préciser qui jugera si le contrat aura été effectivement rempli.
En réalité, Berlusconi se comporte comme s'il était déjà à la tête d'un régime présidentiel à la française ou à l'américaine. Non sans raison, car il a été élu démocratiquement et au suffrage universel, et ce en dépit d'une constitution qui n'a pas été modifiée depuis son adoption en 1946. Mais, en Italie, la réalité du pouvoir précède souvent sa codification. Et Berlusconi peut d'autant plus se hisser tout en haut de «l'Italie qui compte et qui gagne» que sa victoire est presque totale.
Le besoin de leadership des Italiens
Grâce au système majoritaire uninominal à un tour (pour 75% des sièges), il s'est donné une majorité plus que confortable et a assuré à ses alliés un nombre considérable de sièges au Parlement, tout en «annexant» une bonne partie de leurs électeurs. Ainsi le post-fasciste Gianfranco Fini (Alliance nationale) perd un quart de ses électeurs, tandis que les deux autres n'atteignent même pas le seuil des 4% : Umberto Bossi (Ligue du Nord) est ainsi plus que neutralisé et pourra difficilement rééditer sa «trahison» de 1994 ; et les ex-démocrates-chrétiens Pierferdinando Casini et Rocco Buttiglione (CCD et CDU) doivent songer à rallier sans plus tarder Forza Italia, qui avec près de 30% des voix, prend de plus ne plus la place qui fut celle de la Démocratie chrétienne plus de quarante années durant.
Mais Berlusconi a pris une revanche encore plus grande - et inattendue - vis-à-vis de son «ennemi intime» : le juge Antonio Di Pietro, qui est à l'origine de presque tous ses ennuis judiciaires, et qui ne sera pas présent au Parlement : il a été battu chez lui par le candidat de Berlusconi, et son parti n'a pas atteint le seuil des 4%.
Quant à l'Olivier (centre-gauche) dirigé par l'ex-maire de Rome Francesco Rutelli, il tente de se consoler en constatant qu'il n'est devancé que de quelques points par la Maison des Libertés de Berlusconi. Mais les règlements de compte ont déjà commencé. En perdant en cours de législation le parti du juge Di Pietro (3,9%) et l'extrême-gauche dirigée par Fausto Bertinotti (5%), cette coalition aussi hétéroclite que celle de Berlusconi a de facto favorisé la victoire du magnat des médias. Les deux leaders post-communistes D'Alema et Veltroni qui dirigent les Démocrates de gauche seront sans doute obligés d'en tirer les conséquences, et ce d'autant plus que leur parti (16,6%) est désormais talonné par la Marguerite de Francesco Rutelli (14,5%).
En réalité, grâce à ses médias et à ses réseaux de toute sorte, Silvio Berlusconi a su mieux que tout autre exploiter le besoin - timide mais réel - d'identité nationale, mais aussi de leadership clair, qu'ont exprimé à plusieurs reprises ces dernières années bon nombre d'Italiens. La mise en marche de l'Union européenne a provoqué en Italie un petit sursaut national et réveillé de vieux rêves régionalistes. Berlusconi est parvenu à réconcilier, du moins en apparence, le jacobin de droite Fini et le régionaliste populiste Bossi. Il est désormais en train de montrer que ni l'un ni l'autre ne sont dangereux pour la démocratie. A voir.
En revanche, en n'abordant même pas la question des conflits d'intérêt qui le concerne en premier chef, il laisse planer un doute sur ses intentions réelles de résoudre cette question fondamentale. Mais, en cela aussi, il peut compter sur l'appui de nombreux amis européens, notamment au sein du Parti populaire européen, mais d'abord sur son ami George W. Bush avec lequel il compte établir des «relations spéciales». Occident oblige.
Au nom de l'Italie éternelle et de tous les Italiens. Même s'ils ne sont pas tout à fait dignes d'être représentés par quelqu'un qui a nécessairement un «destin national» et est à la fois le plus riche et le meilleur. Dès sa première intervention télévisuelle, enregistrée chez lui en l'absence de tout journaliste, il a assuré que toutes les promesses seront maintenues : l'impôt sur les donations et les successions sera aboli, les grands travaux vont commencer tout de suite, la reforme de la magistrature sera décidée et mise en application au plus vite et les villes pourront se doter de polices municipales de proximité. Mais avant tout cela il a une fois de plus promis que le «contrat avec les Italiens» qu'il a solennellement signé la semaine dernière devant les caméras sera appliqué. Il avait alors promis de ne plus se présenter devant les électeurs, si ses engagements ne sont pas tenus d'ici la fin de la législature. Sans préciser qui jugera si le contrat aura été effectivement rempli.
En réalité, Berlusconi se comporte comme s'il était déjà à la tête d'un régime présidentiel à la française ou à l'américaine. Non sans raison, car il a été élu démocratiquement et au suffrage universel, et ce en dépit d'une constitution qui n'a pas été modifiée depuis son adoption en 1946. Mais, en Italie, la réalité du pouvoir précède souvent sa codification. Et Berlusconi peut d'autant plus se hisser tout en haut de «l'Italie qui compte et qui gagne» que sa victoire est presque totale.
Le besoin de leadership des Italiens
Grâce au système majoritaire uninominal à un tour (pour 75% des sièges), il s'est donné une majorité plus que confortable et a assuré à ses alliés un nombre considérable de sièges au Parlement, tout en «annexant» une bonne partie de leurs électeurs. Ainsi le post-fasciste Gianfranco Fini (Alliance nationale) perd un quart de ses électeurs, tandis que les deux autres n'atteignent même pas le seuil des 4% : Umberto Bossi (Ligue du Nord) est ainsi plus que neutralisé et pourra difficilement rééditer sa «trahison» de 1994 ; et les ex-démocrates-chrétiens Pierferdinando Casini et Rocco Buttiglione (CCD et CDU) doivent songer à rallier sans plus tarder Forza Italia, qui avec près de 30% des voix, prend de plus ne plus la place qui fut celle de la Démocratie chrétienne plus de quarante années durant.
Mais Berlusconi a pris une revanche encore plus grande - et inattendue - vis-à-vis de son «ennemi intime» : le juge Antonio Di Pietro, qui est à l'origine de presque tous ses ennuis judiciaires, et qui ne sera pas présent au Parlement : il a été battu chez lui par le candidat de Berlusconi, et son parti n'a pas atteint le seuil des 4%.
Quant à l'Olivier (centre-gauche) dirigé par l'ex-maire de Rome Francesco Rutelli, il tente de se consoler en constatant qu'il n'est devancé que de quelques points par la Maison des Libertés de Berlusconi. Mais les règlements de compte ont déjà commencé. En perdant en cours de législation le parti du juge Di Pietro (3,9%) et l'extrême-gauche dirigée par Fausto Bertinotti (5%), cette coalition aussi hétéroclite que celle de Berlusconi a de facto favorisé la victoire du magnat des médias. Les deux leaders post-communistes D'Alema et Veltroni qui dirigent les Démocrates de gauche seront sans doute obligés d'en tirer les conséquences, et ce d'autant plus que leur parti (16,6%) est désormais talonné par la Marguerite de Francesco Rutelli (14,5%).
En réalité, grâce à ses médias et à ses réseaux de toute sorte, Silvio Berlusconi a su mieux que tout autre exploiter le besoin - timide mais réel - d'identité nationale, mais aussi de leadership clair, qu'ont exprimé à plusieurs reprises ces dernières années bon nombre d'Italiens. La mise en marche de l'Union européenne a provoqué en Italie un petit sursaut national et réveillé de vieux rêves régionalistes. Berlusconi est parvenu à réconcilier, du moins en apparence, le jacobin de droite Fini et le régionaliste populiste Bossi. Il est désormais en train de montrer que ni l'un ni l'autre ne sont dangereux pour la démocratie. A voir.
En revanche, en n'abordant même pas la question des conflits d'intérêt qui le concerne en premier chef, il laisse planer un doute sur ses intentions réelles de résoudre cette question fondamentale. Mais, en cela aussi, il peut compter sur l'appui de nombreux amis européens, notamment au sein du Parti populaire européen, mais d'abord sur son ami George W. Bush avec lequel il compte établir des «relations spéciales». Occident oblige.
par Elio Comarin
Article publié le 15/05/2001