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Italie

La victoire annoncée de Berlusconi

Les Italiens se rendent aux urnes, ce dimanche 13 mai, pour renouveler entièrement leur parlement et se donner un nouveau premier ministre. Ils ont à choisir entre la continuité, avec Francesco Rutelli, chef de file de la coalition de centre-gauche, au pouvoir depuis cinq ans, et le changement incarné par Silvio Berlusconi, qui dirige la coalition de centre-droite.
De notre envoyé spécial en Italie

Le choix des électeurs italiens semble net et précis, mais la campagne électorale a été si longue qu'elle n'a pas permis de dégager des messages suffisamment clairs. Elle a démarré en octobre dernier, lorsque le centre-gauche a choisi l'ancien maire de Rome Rutelli comme chef de file, au lieu du président du conseil Giuliano Amato, pour contrer la redoutable machine électorale berlusconienne. Avec peu de moyens financiers et alors que les sondages donnaient le centre-droite largement vainqueur.

Vendredi soir, lors des derniers meetings, les deux coalitions ont tenté de convaincre les nombreux indécis -plus d'un quart des électeurs- qui devraient faire la différence entre les deux candidats. Ceux-ci ne se sont pas affrontés dans un duel télévisé, comme l'avait maintes fois sollicité Rutelli, car Berlusconi, qui demeure pourtant «le roi des médias» et de la «télé-paillettes», a refusé de se confronter avec un adversaire plus jeune et plus télégénique que lui. Les deux candidats ont néanmoins monopolisé les écrans de la télévision italienne jusqu'à la dernière minute et livré leurs dernières attaques.

Les promesses de Berlusconi

Une fois de plus, Berlusconi, toujours très à l'aise devant les caméras, et surtout les journalistes de sa télévision, a promis du succès, de la sécurité, bref un «avenir radieux» pour tous, sauf pour les «juges rouges» qui le «persécutent», depuis de nombreuses années avec leurs enquêtes sur l'origine douteuse de sa fortune ou ses différentes tentatives de corruption de magistrats ou de fonctionnaires de la douane. Et l'homme le plus riche de l'Italie de préciser qu'il compte engager, dès lundi prochain, une réforme de la justice italienne qui vise à mettre fin à l'indépendance réelle dont les juges bénéficient et à protéger tous ceux qui, comme lui, continuent de recevoir des convocations pour corruption ou évasion fiscale: à savoir des centaines de milliers de petits ou moyens entrepreneurs qui assurent à l'Italie une certaine prospérité, grâce surtout à ce qu'on appelle pudiquement ici «l'économie submergée».

De son côté, Francesco Rutelli a joué sur son charme, son honnêteté et sa jeunesse pour rallier celles et ceux qui peuvent se sentir menacés par l'arrivée au pouvoir d'un magnat des médias, de la publicité et de la finance qui rêve d'être un vrai «patron de l'Italie». Il a aussi relayé les prises de positions de nombreux journaux européens - The Economist, Le Monde, El Mundo, Die Zeit û pour qui Berlusconi est «indigne» ou «inapte» à diriger la cinquième puissance mondiale en raison des conflits d'intérêt qu'il n'a pas voulu résoudre et de son implication dans de nombreux scandales.

Finalement, ce fut un match virtuel presque nul qui n'a que partiellement éclairé les électeurs indécis. Car, la «peur de Berlusconi», perceptible parfois dans la rue comme dans les conversations de café, n'entame guère la certitude affichée par une majorité silencieuse composée de celles et ceux qui ont déjà fait de Berlusconi leur dieu. Même s'il a profité des derniers jours de campagne pour annoncer deux prises de positions en politique internationale qui concernent aussi bien l'Italie que l'Europe et l'Occident, et inquiètent encore plus ses adversaires. Pour faire plaisir à son ami George Bush, il a qualifié les accords de Kyoto sur les changements climatiques de «dévastateurs pour l'économie mondiale», et il a pleinement justifié le choix américain de bâtir un bouclier anti-missiles «parce qu'il faut se protéger des pays non fiables». En réalité Berlusconi est parvenu à se doter d'une image de «symbole de l'Occident»et des «valeurs occidentales» chères à Bush, mais aussi à Blair, à Schroeder ou à Aznar. En Italie, il est aussi parvenu à rallier à sa cause ce qu'on appelle «les pouvoirs forts», en particulier Fiat et d'autres grands groupes industriels, ainsi qu'une grande partie de la hiérarchie catholique. Cela s'est passé la semaine dernière, lorsque Giovanni Agnelli, patron de la firme automobile, a pris fait et cause pour Berlusconi - pourtant son «ennemi intime» depuis toujours -lorsqu'il a été attaqué par une partie de la presse européenne.

Il n'est pas sûr que ces deux ralliements de dernière minute puissent apporter beaucoup de voix à Berlusconi, car, depuis la disparition de la Démocratie chrétienne, les catholiques se partagent équitablement entre les deux coalitions, et l'Avvocato Agnelli n'est plus que président d'honneur de Fiat. Mais ils indiquent que les «pouvoirs forts» italiens ont d'ores et déjà basculé parce qu'ils connaissent à l'avance, grâce à des sondages qui n'ont pas été publiés, le nom du vainqueur des élections italiennes.



par Elio  Comarin

Article publié le 12/05/2001