Etats-Unis
Enron : Andersen était dans le secret
Le cabinet Arthur Andersen connaissait les pratiques comptables douteuses de Enron, quatre mois avant la faillite du géant de l'énergie. Accusé d'avoir couvert ces pratiques, puis d'avoir détruit des documents réclamés par la justice, Andersen joue sa survie. La firme est menacée de procès en série.
De notre correspondant à New York
Est-ce le début de la fin pour Arthur Andersen ? Une commission du Congrès enquêtant sur la faillite de Enron a révélé que le cabinet d'experts-comptables, chargé de certifier les comptes du géant de l'énergie, a été averti dès le 20 août dernier des pratiques comptables douteuses du géant de l'énergie. Un cadre de Enron, Sherron Watkins, a prévenu un employé de Andersen, qui a relayé la révélation sous forme d'un mémo parvenu à la hiérarchie du cabinet d'audit. Cette même Sherron Watkins avait mis en garde le patron de Enron dès le mois d'août. Andersen savait. Enron savait. Pourtant, le 2 décembre, en raison de ces subterfuges comptables, Enron a déclaré la plus grosse faillite que les Etats-Unis aient connu, laissant sur le carreau des milliers d'employés, de retraités et d'investisseurs.
L'existence même de Andersen est aujourd'hui en jeu. La firme Samson Investment basée en Oklahoma, attaque le cabinet d'experts-comptables en justice pour avoir selon ses avocats «dangereusement ignoré des preuves de transactions financières suspectes entre Enron et ses initiés». A New York, le nom de Andersen figure dans plusieurs actions en justice intentées contre Enron. Selon les experts, ce n'est que la première salve d'une avalanche de procès contre Andersen. Déjà, des employés de Andersen se cherchent une reconversion, et de gros clients regardent du côté de la concurrence. Dans un marché sur lequel la réputation est le principal atout, les chances de survie de Andersen sont discutables.
Pourtant, l'ex-prestigieux groupe contre-attaque. Mercredi, Anderson s'est payé une pleine page de publicité-explications dans les plus grands quotidiens américains. Mardi, la firme a licensié David Duncan, son partenaire chargé de l'audit de Enron. L'homme est accusé d'avoir ordonné la destruction massive de documents concernant la certification des comptes du courtier en énergie, alors même que les autorités fédérales avaient exigé tout document de nature à éclairer la faillite brutale. Quatre membres de la direction de la branche de Houston ont également été relevés de leurs fonctions, et trois employés ont subi des sanctions administratives. «Sans l'ombre d'un doute, il s'agit de l'épisode le plus difficile et du plus grand défi de l'histoire de notre entreprise», écrit Joseph Berardino, directeur général d'Andersen.
Une réputation déjà ternie par plusieurs affaires
La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de Wall Street, enquête aussi sur le rôle d'Andersen dans la présentation des comptes de Enron, qui dissimulait des centaines de millions de dollars de dette par le truchement de sociétés sœurs. Ces dernières ont permis l'enrichissement rapide de responsables d'Enron. Clients et investisseurs faisaient confiance à Enron tant que sur ses comptes était apposé le sceau du prestigieux cabinet d'audit Andersen, un des cinq plus grands du monde. Pourtant, ces dernières années, la réputation de Andersen a déjà étét ternie par plusieurs affaires.
En juin 2001 notamment, la SEC avait condamné le cabinet d'audit à une amende de 7 millions de dollars dans le cadre du scandale de la société de traitement de déchets Waste Management. Les propos tenus alors par la SEC sont étrangement familiers: «Arthur Andersen et ses partenaires n'ont pas réagi contre [les pratiques] de la direction (de Waste management) et ont en dernier ressort trahi leurs devoirs envers les actionnaires de Waste Management et les investisseurs».
Arthur Andersen est un géant dans son secteur créé en 1913. Il affiche 85 000 employés répartis sur 84 pays et a généré l'an dernier un chiffre d'affaires de 9 milliards de dollars. Son activité est double. Il joue un rôle d'expert-comptable indépendant, garantissant la véracité des résultats financiers de ses clients... qui le payent pour cela. C'est selon certains le premier problème du système. Deuxième problème: Andersen joue aussi, en parallèle, le rôle de consultant, offrant ses conseils aux entreprises en matière d'organisation. Cette activité est lucrative.
L'an dernier, Enron a versé à Andersen 25 millions de dollars pour son audit financier, et 27 millions pour ses activités de consultants. Imaginons que Andersen ait dénoncé les pratiques comptables de son client Enron, il aurait pu perdre les revenus de la branche conseil. Troisième problème: la proximité des deux entreprises. Une centaine d'employés de Andersen travaillaient à demeure chez Enron. Le géant de l'énergie embauchait aussi parfois d'anciens employés de Andersen dans ses services comptables. Ainsi, pour un auditeur de Andersen, Enron devenait un futur employeur possible, plus difficile en tant que tel à réprimander. Le système actuel, fondé sur l'auto-régulation semble donc atteindre ses limites. La SEC peaufine un nouveau système, pour retrouver la confiance des investisseurs.
Est-ce le début de la fin pour Arthur Andersen ? Une commission du Congrès enquêtant sur la faillite de Enron a révélé que le cabinet d'experts-comptables, chargé de certifier les comptes du géant de l'énergie, a été averti dès le 20 août dernier des pratiques comptables douteuses du géant de l'énergie. Un cadre de Enron, Sherron Watkins, a prévenu un employé de Andersen, qui a relayé la révélation sous forme d'un mémo parvenu à la hiérarchie du cabinet d'audit. Cette même Sherron Watkins avait mis en garde le patron de Enron dès le mois d'août. Andersen savait. Enron savait. Pourtant, le 2 décembre, en raison de ces subterfuges comptables, Enron a déclaré la plus grosse faillite que les Etats-Unis aient connu, laissant sur le carreau des milliers d'employés, de retraités et d'investisseurs.
L'existence même de Andersen est aujourd'hui en jeu. La firme Samson Investment basée en Oklahoma, attaque le cabinet d'experts-comptables en justice pour avoir selon ses avocats «dangereusement ignoré des preuves de transactions financières suspectes entre Enron et ses initiés». A New York, le nom de Andersen figure dans plusieurs actions en justice intentées contre Enron. Selon les experts, ce n'est que la première salve d'une avalanche de procès contre Andersen. Déjà, des employés de Andersen se cherchent une reconversion, et de gros clients regardent du côté de la concurrence. Dans un marché sur lequel la réputation est le principal atout, les chances de survie de Andersen sont discutables.
Pourtant, l'ex-prestigieux groupe contre-attaque. Mercredi, Anderson s'est payé une pleine page de publicité-explications dans les plus grands quotidiens américains. Mardi, la firme a licensié David Duncan, son partenaire chargé de l'audit de Enron. L'homme est accusé d'avoir ordonné la destruction massive de documents concernant la certification des comptes du courtier en énergie, alors même que les autorités fédérales avaient exigé tout document de nature à éclairer la faillite brutale. Quatre membres de la direction de la branche de Houston ont également été relevés de leurs fonctions, et trois employés ont subi des sanctions administratives. «Sans l'ombre d'un doute, il s'agit de l'épisode le plus difficile et du plus grand défi de l'histoire de notre entreprise», écrit Joseph Berardino, directeur général d'Andersen.
Une réputation déjà ternie par plusieurs affaires
La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de Wall Street, enquête aussi sur le rôle d'Andersen dans la présentation des comptes de Enron, qui dissimulait des centaines de millions de dollars de dette par le truchement de sociétés sœurs. Ces dernières ont permis l'enrichissement rapide de responsables d'Enron. Clients et investisseurs faisaient confiance à Enron tant que sur ses comptes était apposé le sceau du prestigieux cabinet d'audit Andersen, un des cinq plus grands du monde. Pourtant, ces dernières années, la réputation de Andersen a déjà étét ternie par plusieurs affaires.
En juin 2001 notamment, la SEC avait condamné le cabinet d'audit à une amende de 7 millions de dollars dans le cadre du scandale de la société de traitement de déchets Waste Management. Les propos tenus alors par la SEC sont étrangement familiers: «Arthur Andersen et ses partenaires n'ont pas réagi contre [les pratiques] de la direction (de Waste management) et ont en dernier ressort trahi leurs devoirs envers les actionnaires de Waste Management et les investisseurs».
Arthur Andersen est un géant dans son secteur créé en 1913. Il affiche 85 000 employés répartis sur 84 pays et a généré l'an dernier un chiffre d'affaires de 9 milliards de dollars. Son activité est double. Il joue un rôle d'expert-comptable indépendant, garantissant la véracité des résultats financiers de ses clients... qui le payent pour cela. C'est selon certains le premier problème du système. Deuxième problème: Andersen joue aussi, en parallèle, le rôle de consultant, offrant ses conseils aux entreprises en matière d'organisation. Cette activité est lucrative.
L'an dernier, Enron a versé à Andersen 25 millions de dollars pour son audit financier, et 27 millions pour ses activités de consultants. Imaginons que Andersen ait dénoncé les pratiques comptables de son client Enron, il aurait pu perdre les revenus de la branche conseil. Troisième problème: la proximité des deux entreprises. Une centaine d'employés de Andersen travaillaient à demeure chez Enron. Le géant de l'énergie embauchait aussi parfois d'anciens employés de Andersen dans ses services comptables. Ainsi, pour un auditeur de Andersen, Enron devenait un futur employeur possible, plus difficile en tant que tel à réprimander. Le système actuel, fondé sur l'auto-régulation semble donc atteindre ses limites. La SEC peaufine un nouveau système, pour retrouver la confiance des investisseurs.
par Philippe Bolopion
Article publié le 17/01/2002