Education
Sauver l’école africaine
L’école va mal en Afrique, mais les idées pour faire une école de qualité sont légion. Ce paradoxe est édifiant sur les réalités de l’enseignement dans les pays africains. Les formations dispensées ne sont pas au rabais, mais ne connaissent pas non plus d’amélioration sensible. L’école en Afrique vit sur ces acquis d’avant les indépendances, mais elles résistent difficilement à l’épreuve du temps. Tenter d’améliorer les programmes dans un milieu de plus en plus pauvre suffira-t-il à sauver l’école en Afrique ?
L’exemple du Niger montre bien la complexité du problème et ce cas illustre une réalité plutôt courante en Afrique. Ce pays qui compte parmi les PPTE, pays pauvres très endettés, connaît un des plus faibles taux de scolarisation du monde. Au niveau du primaire le taux de scolarisation s’élève à seulement 37% de la population en âge d’aller à l’école. Sur ces chiffres déjà très bas on enregistre une proportion d’environ 30% de filles scolarisées. Conscient de l’énorme retard du Niger dans ce domaine le gouvernement vient de lancer un ambitieux «plan décennal de développement de l’éducation». L’objectif affiché est d’atteindre, à l’horizon 2012, un taux de scolarisation de 74%. Pour y parvenir l’Etat nigérien consacrera 4% de son produit intérieur brut (PIB) et 40% de ses ressources libérées par l’allègement de la dette en faveur des PPTE, au financement de l’éducation.
Ces engagements ne sont pas les premiers du genre. Ils font partie des projets dont raffolent les organisations internationales qui en ont besoin pour élaborer des plans de financement ou d’ouverture de crédits en faveur des pays pauvres. Aucune obligation de résultats n’étant imposée, il est facile d’invoquer d’autres raisons, «indépendantes bien entendu de la volonté des gouvernants» pour justifier la non affection adéquate des fonds octroyés au projet. Pour autant, il ne faudrait pas laisser l’éducation dans son état de délabrement. La modernisation de son concept et de son contenu préoccupent les professionnels du métier qui en font leur cheval de bataille, espérant pallier la faiblesse des moyens par la qualité intrinsèque de l’enseignement proposé. C’est pourquoi les différents séminaires organisés paraissent en décalage avec les réalités des pays. A l’université Abdou Moumoni Djoffo de Niamey, des chercheurs, enseignants et étudiants d’universités internationales se sont récemment rencontrés pour créer un réseau de spécialistes africains en mathématiques pures et appliquées, dans un pays où l’école est agonisante, sans oublier les frais engagés pour l’organisation d’un tel séminaire.
Pauvres mais instruits
Malgré tout, comme les médecins, les enseignants ont aussi besoin de remise à niveau. Un bon médecin n’est pas jugé par les seuls équipements et installations dont il dispose. Son diagnostic et les soins prodigués constituent les références fondatrices de son art. En revanche, certaines actions ressemblent à une coquetterie digne des pays riches et qui se justifient mal dans des pays où tout manque. C’est le cas par exemple de la création du Réseau africain des auditeurs et diplômés de la chaire de l’Unesco en sciences de l’éducation (RAADICUSE), récemment créé à Dakar. Entre autres missions, le RAADICUSE inaugure un «programme de formation d’experts internationaux de haut niveau en analyse et en évaluation des systèmes éducatifs africains». Le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, la Guinée, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal et le Togo font partie de ce réseau. Au vu des états bien connus de l’éducation dans tous ces pays, faut-il vraiment des «experts de haut niveau» pour en évaluer la situation ?.
La mission du ministère de l’Education nationale n’est-elle pas de veiller au fonctionnement harmonieux de sa politique d’enseignement ? La création de nouvelles structures parallèles n’apporte pas forcément une efficacité dans la gestion de ce département. Ces structures se substituent aux politiques nationales, avec d’autant plus d’aisance qu’elles sont entretenues par des organisations internationales. Il est aussi commode pour les gouvernements de se décharger de leurs missions, ce qui entraîne dans la plupart des pays africains, un abandon aux mains de technocrates expatriés, de l’avenir de générations entières. En tout cas, l’Unesco, principal partenaire en la matière, joue pleinement son rôle en multipliant les initiatives en faveur de l’éducation. Lors d’un forum mondial à Dakar, en avril 2000, baptisé «Cadre d’action de Dakar», il a été décidé de la mise en place de programmes dits «Education pour tous» (EPT), qui a pour objectif de favoriser une meilleure scolarisation dans les meilleures conditions. Le programme sera passé au crible en 2015.
Le Bureau régional de l’Unesco pour l’éducation en Afrique (BREDA) est aussi à l’origine de nombreux programmes dont, par exemple le «Schoolconsem». Un séminaire bilingue, (anglais-français) qui a pour objectif «la mobilisation et la mise en évidence des efforts réalisés en Afrique sub-saharienne en matière d’amélioration de la qualité des environnements d’enseignement/apprentissage». Le BREDA organise périodiquement des colloques afin de déterminer de grandes orientations, et faire des recommandations aux gouvernements. Le BREDA a par ailleurs soutenu une initiative de parlementaires sénégalais et mauriciens pour la création d’un Forum africain des parlementaires pour l’éducation (FADEP). Les spécialistes de l’éducation entendent par ce forum, sensibiliser davantage les parlementaires aux questions de l’éducation. Une trentaine de députés venus du Cameroun, du Cap Vert, du Kenya, du Maroc, de l’Ile Maurice, de Namibie, du Nigeria, du Soudan et du Sénégal le pays hôte, discutent à Dakar de la forme que prendra cette nouvelle structure. Sa création définitive est prévue en décembre 2002 à Port-Louis, en Ile Maurice. A travers elle, les parlementaires africains entendent «plaider pour une augmentation des ressources budgétaires allouées à l’éducation».
L’implication de toutes les couches sociales dans les problèmes liés à l’éducation, va peut-être changer les mentalités, en plaçant l’éducation comme une réelle priorité sur laquelle les politiques seront jugés. Au Sénégal aujourd’hui, un enfant sur trois ne va pas à l’école. Le problème n’est pas celui d’une éducation mal adaptée, mais plutôt celui récurrent de manque de moyens. Au Niger, environ 63% des 10 millions d’habitants disposent de moins d’un euro par jour pour vivre, soit moins de 656 francs CFA. Or le gouvernement nigérien a instauré le versement d’une caution de 7000 francs CFA pour tout candidat aux examens du certificat d’étude primaire et au brevet du premier cycle. Les élèves et étudiants en protestant et tenant meeting devant l’assemblée nationale à Niamey, le 10 janvier, en appellent déjà à l’arbitrage des législateurs.
Ces engagements ne sont pas les premiers du genre. Ils font partie des projets dont raffolent les organisations internationales qui en ont besoin pour élaborer des plans de financement ou d’ouverture de crédits en faveur des pays pauvres. Aucune obligation de résultats n’étant imposée, il est facile d’invoquer d’autres raisons, «indépendantes bien entendu de la volonté des gouvernants» pour justifier la non affection adéquate des fonds octroyés au projet. Pour autant, il ne faudrait pas laisser l’éducation dans son état de délabrement. La modernisation de son concept et de son contenu préoccupent les professionnels du métier qui en font leur cheval de bataille, espérant pallier la faiblesse des moyens par la qualité intrinsèque de l’enseignement proposé. C’est pourquoi les différents séminaires organisés paraissent en décalage avec les réalités des pays. A l’université Abdou Moumoni Djoffo de Niamey, des chercheurs, enseignants et étudiants d’universités internationales se sont récemment rencontrés pour créer un réseau de spécialistes africains en mathématiques pures et appliquées, dans un pays où l’école est agonisante, sans oublier les frais engagés pour l’organisation d’un tel séminaire.
Pauvres mais instruits
Malgré tout, comme les médecins, les enseignants ont aussi besoin de remise à niveau. Un bon médecin n’est pas jugé par les seuls équipements et installations dont il dispose. Son diagnostic et les soins prodigués constituent les références fondatrices de son art. En revanche, certaines actions ressemblent à une coquetterie digne des pays riches et qui se justifient mal dans des pays où tout manque. C’est le cas par exemple de la création du Réseau africain des auditeurs et diplômés de la chaire de l’Unesco en sciences de l’éducation (RAADICUSE), récemment créé à Dakar. Entre autres missions, le RAADICUSE inaugure un «programme de formation d’experts internationaux de haut niveau en analyse et en évaluation des systèmes éducatifs africains». Le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, la Guinée, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, le Sénégal et le Togo font partie de ce réseau. Au vu des états bien connus de l’éducation dans tous ces pays, faut-il vraiment des «experts de haut niveau» pour en évaluer la situation ?.
La mission du ministère de l’Education nationale n’est-elle pas de veiller au fonctionnement harmonieux de sa politique d’enseignement ? La création de nouvelles structures parallèles n’apporte pas forcément une efficacité dans la gestion de ce département. Ces structures se substituent aux politiques nationales, avec d’autant plus d’aisance qu’elles sont entretenues par des organisations internationales. Il est aussi commode pour les gouvernements de se décharger de leurs missions, ce qui entraîne dans la plupart des pays africains, un abandon aux mains de technocrates expatriés, de l’avenir de générations entières. En tout cas, l’Unesco, principal partenaire en la matière, joue pleinement son rôle en multipliant les initiatives en faveur de l’éducation. Lors d’un forum mondial à Dakar, en avril 2000, baptisé «Cadre d’action de Dakar», il a été décidé de la mise en place de programmes dits «Education pour tous» (EPT), qui a pour objectif de favoriser une meilleure scolarisation dans les meilleures conditions. Le programme sera passé au crible en 2015.
Le Bureau régional de l’Unesco pour l’éducation en Afrique (BREDA) est aussi à l’origine de nombreux programmes dont, par exemple le «Schoolconsem». Un séminaire bilingue, (anglais-français) qui a pour objectif «la mobilisation et la mise en évidence des efforts réalisés en Afrique sub-saharienne en matière d’amélioration de la qualité des environnements d’enseignement/apprentissage». Le BREDA organise périodiquement des colloques afin de déterminer de grandes orientations, et faire des recommandations aux gouvernements. Le BREDA a par ailleurs soutenu une initiative de parlementaires sénégalais et mauriciens pour la création d’un Forum africain des parlementaires pour l’éducation (FADEP). Les spécialistes de l’éducation entendent par ce forum, sensibiliser davantage les parlementaires aux questions de l’éducation. Une trentaine de députés venus du Cameroun, du Cap Vert, du Kenya, du Maroc, de l’Ile Maurice, de Namibie, du Nigeria, du Soudan et du Sénégal le pays hôte, discutent à Dakar de la forme que prendra cette nouvelle structure. Sa création définitive est prévue en décembre 2002 à Port-Louis, en Ile Maurice. A travers elle, les parlementaires africains entendent «plaider pour une augmentation des ressources budgétaires allouées à l’éducation».
L’implication de toutes les couches sociales dans les problèmes liés à l’éducation, va peut-être changer les mentalités, en plaçant l’éducation comme une réelle priorité sur laquelle les politiques seront jugés. Au Sénégal aujourd’hui, un enfant sur trois ne va pas à l’école. Le problème n’est pas celui d’une éducation mal adaptée, mais plutôt celui récurrent de manque de moyens. Au Niger, environ 63% des 10 millions d’habitants disposent de moins d’un euro par jour pour vivre, soit moins de 656 francs CFA. Or le gouvernement nigérien a instauré le versement d’une caution de 7000 francs CFA pour tout candidat aux examens du certificat d’étude primaire et au brevet du premier cycle. Les élèves et étudiants en protestant et tenant meeting devant l’assemblée nationale à Niamey, le 10 janvier, en appellent déjà à l’arbitrage des législateurs.
par Didier Samson
Article publié le 20/01/2002