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Etats-Unis

La justice rattrape les «terroristes» américains

Dans les années 70, ils étaient membres de la Symbionese Liberation Army, un groupuscule radical hostile au gouvernement et à l'Amérique des entreprises. Reconvertis en citoyens modèles, quatre anciens activistes se retrouvent derrière les barreaux pour un crime commis en 1975 au cours d'une attaque de banque.
De notre correspondant à New York

Sara Jane Olson, Kathleen Soliah de son vrai nom, a été la première à tomber. Arrêtée en 1999 après 25 ans de cavale, elle a été condamnée hier à la prison à vie, dont 20 ans incompressibles. Elle a été reconnue coupable d'avoir piégé deux voitures de la police de Los Angeles en 1975. Les bombes n'ont jamais explosé. Jusqu'à mercredi dernier, Sara Jane Olson était sous surveillance, mais libre. Ce jour-là, une autre affaire, plus grave, l'a rattrapée. Elle a été arrêtée et emprisonnée avec trois autres membres de la Symbionese Liberation Army (SLA), pour le meurtre de Myrna Lee Opsahl au cours d'une attaque de banque en 1975 à Carmichael, dans la banlieue de Sacramento.

Ce groupuscule extrémiste a été créé en 1973 à Berkeley, en Californie. Il rassemblait des repris de justice noirs et de jeunes étudiants blancs radicaux issus des classes moyennes (d'où l'adjectif symbionese, pour symbiose). Son emblème : un cobra à sept têtes. Ses actions spectaculaires (dont le meurtre d'un directeur d'école de Oakland) avaient pour but d'inspirer une révolte populaire contre le gouvernement américain et l'establishment. La SLA combattait notamment pour les droits des détenus noirs, considérés comme prisonniers politiques.

Le mouvement a commencé à battre de l'aile en 1974 quand six membres fondateurs ont été tués au cours d'affrontements avec la police. Une des figures de proue de la SLA, Patty Hearst, riche héritière d'un empire médiatique, s'est ralliée au mouvement dans un curieux retournement de situation, après avoir été kidnappée par le groupe. Elle a été capturée par le FBI en septembre 1975 et a depuis écrit et témoigné contre la Symbionese Liberation Army.

Une existence paisible

Jusqu'à ce qu'ils soient arrêtés mercredi, les anciens membres de la SLA menaient une existence paisible et rangée. William Harris, chef du groupe, était un enquêteur privé vivant à Oakland avec sa femme, une avocate. Il avait travaillé avec un procureur et passait ses dimanche à entraîner une équipe de football. Il a été arrêté alors qu'il conduisait ses deux fils à l'école. Son ex-femme, Emily Harris, 59 ans, travaillait comme informaticienne. Elle avait appris son métier en prison (pour une autre affaire), après avoir organisé des grèves de la faim pour obtenir ce droit. Elle vivait avec sa partenaire dans la banlieue de Los Angeles et avait lancé sa propre entreprise.

De son côté, Sara Jane Olson, 55 ans, est mariée à un médecin et s'était installée dans le Minnesota. Mère de trois enfants, elle jouait la comédie dans des théâtres du coin. Elle vivait en liberté surveillée après avoir payé une caution de un million de dollars dans l'affaire des voitures de police piégées. Michael Bortin, 53 ans, s'était lui établi à Portland, dans l'Oregon, avec sa femme Josephine (par ailleurs soeur de Sara Jane Olson). Ils ont eu quatre enfants. Lui travaillait comme entrepreneur. Les quatre ont été arrêtés complètement par surprise, par des policiers lourdement armés. Tous sont accusés d'avoir participé au hold-up sanglant, même si les ex-radicaux aujourd'hui grisonnants semblent tous repentis. «Ai-je accompli quoi ce soit ?» se demandait voilà deux ans William Harris. «Oui. J'ai accompli une ignominie». Elle les rattrape aujourd'hui.

L'affaire qui brise ces vies bien réglées remonte au 21 avril 1975. Ce jour-là, quatre personnes portant des masques de ski font irruption dans une banque proche de Sacramento. Ils forcent tout le monde à s'allonger au sol, et piochent de pleines poignées de billets dans les caisses. Infirmière, mère de quatre enfants, Myrna Lee Opsahl est là pour déposer à la banque l'argent de la quête de son église. Elle bouge, un coup de fusil part et la frappe à l'abdomen. Elle meurt de sa blessure.

Pendant des années, le crime reste impuni. Il faut toute la persévérance du fils de la victime, aujourd'hui médecin, pour réouvrir le dossier. «Notre famille a attendu 26 ans», a-t-il dit après les arrestation. «Ce n'est plus qu'une question de temps.» Selon le procureur Jan Scully, en charge du dossier, de nouvelles techniques ont permis de faire le lien entre les plombs qui ont tué la victime et un fusil à canon scié trouvé dans une planque de la SLA.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 20/01/2002