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Maroc

Un détenu camerounais en grève de la faim

Arrêté en possession de photocopies de billets de 500 francs français en noir et blanc, Olivier Kamga Monkam a écopé de vingt ans de réclusion criminelle au Maroc, pour «falsification de monnaie». La grève de la faim qu'il poursuit en prison aujourd'hui met ses jours en danger.
De notre correspondante au Maroc

Après plus de cent jours de grève de la faim, Olivier Kamga Monkam, âgé de 25 ans, a perdu 33 kg. Il ne se lève plus, souffre d'hémorragies intestinales, de dysfonctionnements rénaux et d'hallucinations. «La nuit, lorsque les démons viennent me visiter, je me sens brusquement immobilisé, mes membres se raidissent et je n'entends plus. C'est alors que je vois apparaître l'ombre d'êtres insaisissables, des bêtes aux pieds fendus, dansant à un rythme barbare et essayant de se jeter sur moi», écrit-il ainsi de sa prison, le 17 janvier 2002. Il ajoute qu'un infirmier, parfois remplacé par un détenu, se contente, pour tous soins, de prendre sa tension chaque week-end. C'est tout. Pour le reste, il survit comme il le peut, séparé de ses codétenus par un simple rideau, une protection délimitant un minuscule espace privé.

La situation alarmante du jeune détenu, aujourd'hui impotent, est par ailleurs confirmée par le religieux qui rend visite aux prisonniers de Casablanca. Plusieurs mois après le rejet de son pourvoi en cassation, intervenu le 12 février 2001, Olivier Kamga Monkam met donc ses jours en danger, pour protester contre le sort qui lui est fait.

Escroc, oui. Faussaire, non

Arrêté et incarcéré au Maroc en août 1999, Olivier Kamga Monkam a été condamné le 12 janvier 2000 à vingt ans de prison, par la chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca. Motif: falsification de billets de banque.

Or, si le jeune inculpé a bien envisagé d’escroquer des personnes crédules, il n'a jamais possédé les moyens de fabriquer de la fausse monnaie. C'étaient les vrais billets qui l'intéressaient. Pour s'en procurer, le jeune homme avait imaginé un stratagème simple: faire croire qu'il était en mesure de les multiplier. A partir de papiers noirs, découpés aux dimensions d'un billet de 500 francs français, de photocopies de billets en noir et blanc, de coupures authentiques et de divers liquides (lessive, Coca Cola), Olivier Kamga avait imaginé pouvoir effectuer la démonstration de ses capacités devant un escroqué potentiel. Des trempages successifs, dont le point de départ était le simple morceau de papier noir, et le point d'aboutissement un vrai billet encore humide. Tenté, le pigeon devait alors suivre les indications de l'apprenti charlatan. A savoir lui laisser ses authentiques billets en vue de leur multiplication, et revenir plus tard chercher ses coupures toutes neuves.

Une altercation avec un policier a conduit à une perquisition de la chambre louée par Olivier Kamga, puis à son arrestation. Du «flagrant délit», en août 1999, au jugement de janvier 2000, la tentative d'escroquerie a viré au cauchemar. La condamnation à vingt ans de réclusion est en effet particulièrement sévère, puisque, d’une part, le matériel saisi dans la chambre d'hôtel occupée par monsieur Kamga ne pouvait servir à fabriquer de faux billets. Ce qui contredit le procès-verbal qu'il a signé, rédigé en arabe, langue qu'il ne maîtrise pas, où il reconnaît avoir fabriqué de la fausse monnaie. Des charlatans inculpés au Maroc à la même époque dans des affaires similaires, ont, d’autre part, écopé de peines de 12 à 18 mois d'incarcération.

Depuis que la sentence est définitive, c’est-à-dire depuis un an, Maître Abderrahim Jamaï, avocat d'Olivier, multiplie les demandes de rapatriement de son client dans son pays d'origine. Dans une lettre adressée le 14 janvier 2002 au ministre camerounais des Affaires Extérieures, maître Jamaï évoque «une situation risquant d'aboutir au pire». Pour sa part, l'ambassade du Cameroun au Maroc saisit régulièrement les autorités camerounaises depuis plusieurs mois, sur ce cas. Un harcèlement qui, à ce jour, n'a donné aucune réponse officielle, malgré d'autres demandes, réitérées sur place par la famille Kamga.

En l'absence de traité de coopération judiciaire entre le Maroc et le Cameroun, la convention de Tananarive, ratifiée en 1962, prévoit que le pays du prisonnier retenu à l'étranger puisse demander le rapatriement de son ressortissant. C'est tout ce que souhaite aujourd'hui Olivier Kamga, qui aurait dû être inculpé de tentative d'escroquerie, mais en aucun cas de falsification de monnaie. Son retour chez lui dépend donc à l'heure actuelle de la vitesse avec laquelle son dossier est traité par le gouvernement camerounais.



par Isabelle  Broz

Article publié le 03/02/2002