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Maroc

Boukhari en grève de la faim

Après une journée d'audience houleuse mercredi 22 août, le procès de l'ancien agent secret marocain Ahmed Boukhari a été reporté au mardi 28 août. Ce témoin clé dans l'affaire Ben Barka a décidé d'entamer une grève de la faim.
Le feuilleton judiciaire concernant Ahmed Boukhari a connu mercredi 22 août un nouvel épisode. Son procès pour «émission de chèques sans provision», ouvert le 15 août dernier puis reporté le jour même à la demande de la défense, a été de nouveau remis. La prochaine audience est prévue le 28 août. L'ancien agent secret est poursuivi pour avoir émis quatre chèques sans provision d'un montant total de 190 000 dirhams (124 000 FF). Avant d'être reconduit à la prison Oukacha de Casablanca, où il est soumis à un régime d'isolement, Ahmed Boukhari a annoncé son intention d'entamer une grève de la faim pour protester contre un procès qualifié par son avocat de «politique».

L'audience de mercredi a donné lieu à une passe d'armes entre Me Abderrahim Jamaï, le défenseur de Boukhari, et le représentant du parquet. Selon Me Jamaï, l'émission de deux des quatre chèques incriminés, les plus importants, a déjà été jugée et condamnée en 1998, et ne peut donc faire l'objet d'un nouveau procès. Boukhari, qui s'est dit prêt à rembourser sous huit jours les deux autres chèques, a purgé pour cette affaire une peine de plus d'un an de prison.

Problème: on ne trouve plus trace de cette condamnation. La cour lui ayant demandé d'apporter «la preuve» de ses affirmations, l'avocat a déclaré s'être présenté au greffe du tribunal le matin même, pour s'entendre dire que les pièces en question avaient été remises au parquet. Le défenseur a alors accusé le parquet de «dissimulation d'une preuve judiciaire», annonçant son intention de le poursuivre en citant le président du tribunal de première instance en qualité de «témoin».

Boukhari affirme détenir la «liste des noms»

Cette affaire de chèques sans provision, pour laquelle Boukhari a été arrêté le 13 août dernier, est-elle le moyen de museler un témoin gênant que la justice française souhaite interroger ? C'est ce qu'affirme lµAssociation marocaine des droits de l'Homme (AMDH, indépendante), qui juge l'arrestation de l'ancien agent secret «aberrante et inadmissible». Le juge Jean-Baptiste Parlos souhaiterait entendre Boukhari. Mais celui-ci s'est vu refuser, en juillet dernier, le renouvellement de son passeport. Selon les premiers témoignages de l'ancien agent secret, publiés fin juin par le journal français Le Monde et l'hebdomadaire marocain Le Journal, Ben Barka a été torturé et assassiné dans une villa de la région parisienne par le général Oufkir, alors ministre de l'Intérieur d'Hassan II, et son adjoint Ahmed Dlimi. Le corps aurait été transporté au Maroc puis dissous dans une cuve d'acide.

Pour l'heure, Boukhari, qui a annoncé d'autres «révélations» dans un livre attendu à l'automne, est dans l'impossibilité de parler. D'autant que d'autres poursuites se profilent à son encontre. Deux plaintes ont été déposées. L'une, pour «crime» émane de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), formation issue du parti fondé par Mehdi Ben Barka et dirigée par le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi. Dans un avis consultatif, le parquet de Rabat a estimé que les faits concernés étaient prescrits, la disparition de Ben Barka remontant à 1965. L'autre plainte a été déposée par trois anciens collègues de Boukhari, mis en cause dans l'affaire, et qui s'estiment diffamés.

Ces agents ne sont pas les seuls à craindre pour leur réputation. Boukhari affirme détenir la «liste des noms» de ceux qui ont «activement collaboré» avec les services secrets de l'époque, et dont certains, selon lui, occupent aujourd'hui des responsabilités importantes.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 23/08/2001