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Etats-Unis

Bush défend son «<i>axe du mal</i>» en Asie

Le président américain entame une tournée d'une semaine en Asie, qui le mènera au Japon, en Corée du Sud et en Chine. Il devra tout à la fois défendre sa conception d’un «axe du mal» incluant la Corée du Nord et sa guerre contre le terrorisme, sans attiser les craintes d’un conflit majeur avec Pyonyang.
De notre correspondant à New York

Jamais le président Bush n’aura vu le mal d’aussi près. Mercredi, au cours de sa visite en Corée du Sud, il doit se rendre dans la zone démilitarisée à la frontière avec la Corée du Nord, pays accusé par le président américain d’appartenir aux côtés de l’Irak et de l’Iran à un «axe du mal» cherchant à se doter d’armes de destruction massives. De l’autre côté d’une des dernières frontières de la guerre froide, sont massées les forces et l’artillerie nord-coréennes. Côté sud, 38 000 soldats américains sont stationnés. Cette journée sera sans doute le point fort de la tournée qui entraînera tout au long de la semaine le président Bush au Japon, en Corée du Sud et en Chine. Ce voyage, initialement prévu pour le mois d’octobre dernier, avait été repoussé après les attentats du 11 septembre.

Depuis l’invention par l’administration Bush du concept d’ «axe du mal», l’Asie craint une confrontation entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Simple réthorique ou virage vers une politique étrangère plus musclée ? C’est certainement l’une des questions à laquelle devra répondre le président. Car pour l’instant, la confusion règne. L’administration Clinton avait engagé un dialogue avec la Corée du Nord. L’an dernier, Colin Powell avait annoncé que ce dialogue se poursuivrait. La Maison Blanche avait ensuite fait volte-face, pour finalement se réengager en juin, avant de se montrer menaçante ces dernières semaines. «Nous n’avons pas pour plan d’entrer en guerre contre la Corée du Nord» a affirmé Colin Powell la semaine dernière.

« Nous pensons qu’on peut avoir une politique de parler vrai, qui dise la vérité sur le régime nord-coréen, tout en laissant ouverte la possibilité d’un dialogue » a assuré Condoleezza Rice, conseillère pour la sécurité nationale. L’administration américaine se dit prête à renouer les fils de la négociation, à condition que le pays cesse d’exporter ses missiles à des pays hostiles comme l’Iran, la Syrie ou la Libye. Le président américain est censé déclarer dans un discours qu’il soutient le processus de dialogue dans lequel le President Kim Dae-jung est engagé avec son voisin du nord, mais il n’est pas dit que cela suffise à redorer le blason des Etats-Unis dans la région.

Trente ans après Nixon

Les dirigeants sud-coréens, comme d’ailleurs une partie de la société civile, n’ont guère apprécié le discours de «l’axe du mal». Ils estiment que ces propos risquent de renforcer l’isolement de la Corée du Nord, et rendre difficile l’arrêt par Pyonyang de ses programmes balistiques et nucléaires. Des étudiants ont déjà brûlé des drapeaux américains à Séoul en signe de protestation. De plus, Kim Dae-jung, prix Nobel de la paix pour ses efforts de réconciliation avec la Corée du Nord est en difficulté. Son mandat arrive à terme dans un an et la position américaine accrédite les critiques qui lui reprochent à l’intérieur d’avoir trop cédé sans rien recevoir en échange.

Vendredi, en Corée du Nord, on se préparait à célébrer les 60 ans du leader Kim Jong Il. A cette occasion, le numéro 2 du régime, Kim Yong Nam, s’est montré menaçant. «A cause du comportement arrogant et insolent des Etats-Unis, le danger d’une guerre grandit chaque jour sur la péninsule coréenne», a-t-il déclaré, prévenant que «si les impérialistes américains et leurs alliés osent provoquer une guerre sur cette terre, cela les conduira à leur destruction finale». Tout en exportant il est vrai son savoir-faire balistique, la Corée du Nord semble respecter sa promesse de ne pas réaliser d’essais de ces missiles en grandeur réelle, ce qui lui permettrait de développer un missile muni d’une ogive nucléaire capable de frapper Etats-Unis. Selon la CIA, le gel d’un programme de réacteur nucléaire négocié par Bill Clinton tient toujours. Le président Bush devra donc faire autant que possible preuve de doigté diplomatique.

Au Japon la tonalité des discussions sera essentiellement économique. George Bush manifestera son soutien au premier ministre Junichiro Koizumi, engagé dans une profonde réforme pour lutter contre un chômage record et une récession tenace. Le plan alternatif et facultatif du président américain pour lutter contre le réchauffement climatique sans pour autant rejoindre le processus de Kyoto sera également abordé.

En Chine, on prépare l’arrivée du président comme un anniversaire. Voilà 30 ans le président Nixon foulait le sol de Pékin, mettant un terme à des dizaines d’années d’hostilité entre les deux géants. Depuis le 11 septembre, les deux pays semblent avoir mis en sourdine leurs dissensions. Même les informations selon lesquelles les Etats-Unis ont livré au président Jang Zemin un Boeing 767 truffé de micros espions n’ont déclenché que peu de remous. Toutefois le président Bush ne compte pas faire l’impasse sur les fuites technologiques concédées par la Chine à des pays en quête d’armes et les violations des droits de l’homme commises par Pékin, notamment à l’encontre de groupes religieux. Côté chinois, on attend des explications sur le projet de bouclier antimissile américain qui est de nature à relancer la course aux armements.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 16/02/2002