Côte d''Ivoire
Vivre l'inflation
Alors que la France annonce la reprise de son aide en direction de la Côte d’Ivoire, avec une aide budgétaire de 120 milliards de francs CFA, le pays s’enfonce dans une crise économique qui relègue au second plan les traditionnelles querelles politiques. Reportage.
De notre correspondante à Abidjan
«Avant, avec 2000 FCFA par jour, une famille de cinq personnes faisaient deux repas quotidiens, mais aujourd’hui, pour cette somme là, tu n’as rien dans ton panier». Pour cette ménagère abidjanaise, faire le marché est devenu un crève-cœur. Par les temps qui courent, la viande est un luxe. On rêve d’agouti en sauce ou de hérisson braisé sans pouvoir se les offrir. Quant au poisson, machoiron et thon tant prisés, «il ne faut même plus y penser». Les bananes plantains, l’huile de table, le riz, le sucre, et même l’atiéké, traditionnelle farine de manioc qui accompagne la plupart des plats ivoiriens – tout a augmenté.
La hausse des prix des produits vivriers est estimée à 11% en 2001. «Le kilo de bœuf est passé de 1400 à 2000 francs CFA, celui de mouton de 800 à 1200» rapporte un boucher du marché d’Adjamé, assoupi derrière un étal débordant de tripes invendues.
Les Ivoiriens se serrent la ceinture. Depuis deux ans, la croissance est négative: -2,3% en 2000, -0,9% en 2001 selon les chiffres officiels (mais d’autres sources font état d’une baisse plus sévère, de l’ordre de 2%). La crise économique s’accompagne de tensions inflationnistes: 4,8% sur les huit premiers mois de 2001, au lieu des 3% initialement prévus. La baisse de la demande et les difficultés de paiement de l’Etat corseté en 2001 dans un budget sécurisé, sans apport financier extérieur, ont pesé sur la plupart des secteurs d’activité.
Secteur clé, l’énergie a été touchée. La compagnie ivoirienne d’électricité, mise en difficulté par les dettes de l’Etat et du Ghana, a augmenté ses tarifs de 10% en septembre dernier. La société ivoirienne de raffinage a fait de même pour redresser ses comptes : entre septembre 1999 et juin 2001, le prix du carburant à la pompe a cru de 50%. Afin de remettre à niveau les infrastructures, les autorités parlent aujourd’hui d’augmenter le prix de l’eau. «Les consommateurs disent non» titrait le quotidien indépendant Le Jour au début du mois de février. Mais le principe de subvention n’étant pas admis, la hausse paraît inévitable.
Front social, front chaud
Les prix augmentent, et les salaires ne suivent pas. Un professeur d’anglais d’un lycée d’Abidjan explique que son traitement est le même depuis 1983. Entre temps, il y a eu la dévaluation du franc CFA en 1994 et maintenant la crise et l’inflation. Les classes moyennes se paupérisent. Quant au salaire minimum, il reste inférieur à 40 000 francs CFA par mois.
Signe des temps, à la une des quotidiens, les querelles byzantines sur la nationalité d’Alassane Ouattara, et sur les discussions des quatre leaders, font place aux grognes syndicales. Le 13 février, on pouvait lire pêle-mêle en première page : «Trêve sociale (le premier ministre) Affi Nguessan en redemande» (Fraternité Matin, pro-gouvernemental) ; «27 syndicats de fonctionnaires menacent de paralyser le pays» (Le Front, indépendant) ; «Fronde sociale en Côte d’Ivoire: que de curieuses revendications »(Notre Voie; pro-gouvernemental), ou encore «250 enseignants menacent (d’assiéger le ministère)» (Le National; indépendant).
La semaine dernière, les policiers qui réclamaient une augmentation de salaire supérieure à celle qu’on leur avait promise ont défrayé la chronique. Les assistants sociaux ont fait grève, et des centaines de balayeuses impayées par la société qui les emploie ont défilé dans Abidjan. Les magistrats promettent une marche pour le 25 février. Le «front social» n’est pas uni, mais ses bataillons s’agitent de plus en plus.
L’Etat compte sur l’argent des bailleurs de fonds pour alléger l’atmosphère. Le conseil d’administration du FMI doit approuver à la fin du mois un programme budgétaire triennal, ce qui marquera le retour des financements internationaux, gelés depuis 1998. La banque mondiale a déjà annoncé la reprise de onze projets, pour un montant de FCFA 200 milliards. Mais selon plusieurs analystes, cette aide ne devrait pas produire d’effets sur l’économie avant la fin de l’année. Le gouvernement devrait embaucher dans plusieurs secteurs (santé, police, éducation). Pour autant, il ne faut pas s’attendre à ce que le FMI encourage l’augmentation des dépenses publiques.
«Avant, avec 2000 FCFA par jour, une famille de cinq personnes faisaient deux repas quotidiens, mais aujourd’hui, pour cette somme là, tu n’as rien dans ton panier». Pour cette ménagère abidjanaise, faire le marché est devenu un crève-cœur. Par les temps qui courent, la viande est un luxe. On rêve d’agouti en sauce ou de hérisson braisé sans pouvoir se les offrir. Quant au poisson, machoiron et thon tant prisés, «il ne faut même plus y penser». Les bananes plantains, l’huile de table, le riz, le sucre, et même l’atiéké, traditionnelle farine de manioc qui accompagne la plupart des plats ivoiriens – tout a augmenté.
La hausse des prix des produits vivriers est estimée à 11% en 2001. «Le kilo de bœuf est passé de 1400 à 2000 francs CFA, celui de mouton de 800 à 1200» rapporte un boucher du marché d’Adjamé, assoupi derrière un étal débordant de tripes invendues.
Les Ivoiriens se serrent la ceinture. Depuis deux ans, la croissance est négative: -2,3% en 2000, -0,9% en 2001 selon les chiffres officiels (mais d’autres sources font état d’une baisse plus sévère, de l’ordre de 2%). La crise économique s’accompagne de tensions inflationnistes: 4,8% sur les huit premiers mois de 2001, au lieu des 3% initialement prévus. La baisse de la demande et les difficultés de paiement de l’Etat corseté en 2001 dans un budget sécurisé, sans apport financier extérieur, ont pesé sur la plupart des secteurs d’activité.
Secteur clé, l’énergie a été touchée. La compagnie ivoirienne d’électricité, mise en difficulté par les dettes de l’Etat et du Ghana, a augmenté ses tarifs de 10% en septembre dernier. La société ivoirienne de raffinage a fait de même pour redresser ses comptes : entre septembre 1999 et juin 2001, le prix du carburant à la pompe a cru de 50%. Afin de remettre à niveau les infrastructures, les autorités parlent aujourd’hui d’augmenter le prix de l’eau. «Les consommateurs disent non» titrait le quotidien indépendant Le Jour au début du mois de février. Mais le principe de subvention n’étant pas admis, la hausse paraît inévitable.
Front social, front chaud
Les prix augmentent, et les salaires ne suivent pas. Un professeur d’anglais d’un lycée d’Abidjan explique que son traitement est le même depuis 1983. Entre temps, il y a eu la dévaluation du franc CFA en 1994 et maintenant la crise et l’inflation. Les classes moyennes se paupérisent. Quant au salaire minimum, il reste inférieur à 40 000 francs CFA par mois.
Signe des temps, à la une des quotidiens, les querelles byzantines sur la nationalité d’Alassane Ouattara, et sur les discussions des quatre leaders, font place aux grognes syndicales. Le 13 février, on pouvait lire pêle-mêle en première page : «Trêve sociale (le premier ministre) Affi Nguessan en redemande» (Fraternité Matin, pro-gouvernemental) ; «27 syndicats de fonctionnaires menacent de paralyser le pays» (Le Front, indépendant) ; «Fronde sociale en Côte d’Ivoire: que de curieuses revendications »(Notre Voie; pro-gouvernemental), ou encore «250 enseignants menacent (d’assiéger le ministère)» (Le National; indépendant).
La semaine dernière, les policiers qui réclamaient une augmentation de salaire supérieure à celle qu’on leur avait promise ont défrayé la chronique. Les assistants sociaux ont fait grève, et des centaines de balayeuses impayées par la société qui les emploie ont défilé dans Abidjan. Les magistrats promettent une marche pour le 25 février. Le «front social» n’est pas uni, mais ses bataillons s’agitent de plus en plus.
L’Etat compte sur l’argent des bailleurs de fonds pour alléger l’atmosphère. Le conseil d’administration du FMI doit approuver à la fin du mois un programme budgétaire triennal, ce qui marquera le retour des financements internationaux, gelés depuis 1998. La banque mondiale a déjà annoncé la reprise de onze projets, pour un montant de FCFA 200 milliards. Mais selon plusieurs analystes, cette aide ne devrait pas produire d’effets sur l’économie avant la fin de l’année. Le gouvernement devrait embaucher dans plusieurs secteurs (santé, police, éducation). Pour autant, il ne faut pas s’attendre à ce que le FMI encourage l’augmentation des dépenses publiques.
par Virginie Gomez
Article publié le 16/02/2002