Bosnie
Karadzic échappe à la force internationale
La «force de stabilisation» de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine (SFOR) a essuyé un nouvel échec jeudi, alors qu’elle pensait avoir localisé Radovan Karadzic, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, dans la région de Foca, dans le sud-est du pays.
De notre correspondant dans les Balkans
L’opération semblait devoir être menée tambour battant. Des 8 heures jeudi matin, une petite zone montagneuse située à l’est de la ville de Foca –que les nationalistes serbes ont rebaptisée Srbinje– était cernée par d’imposantes forces militaires. Les lignes de téléphone étaient coupées dans la région, et toute circulation interdite dans un rayon de quarante kilomètres autour du village de Celebici, où Radovan Karadzic aurait pu se cacher. Selon des informations de la Radiotélévision de la Republika Srpska de Bosnie, les enfants auraient même été bloqués dans les écoles par les militaires internationaux.
Peu avant 14 heures, une radio locale annonçait l’arrestation de Radovan Karadzic, mais cette information devait être démentie dix minutes plus tard par l’état-major de la SFOR à Sarajevo, qui ne tardait pas à annoncer l’échec de l’opération.
Inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, Radovan Karadzic avait proclamé la sécession des territoires serbes de Bosnie, en réaction au référendum d’indépendance organisé dans cette république il y a exactement dix ans, le 29 février 1992. Président de la «Republika Srpska» autoproclamée, il a joué un rôle déterminant dans une guerre qui a fait près de 200 000 victimes. Il avait été exclu du jeu politique après la conclusion des accords de Dayton, en novembre 1995.
Les soldats de la force internationale ont sa photo en poche
Depuis son inculpation par le Tribunal de La Haye, l’arrestation de Radovan Karadzic est censé constituer l’un des objectifs prioritaires des troupes internationales présentes en Bosnie-Herzégovine. Tous les soldats de la SFOR disposent même d’un jeu de photographies permettant de reconnaître les personnes recherchées. À ce jour, seuls deux des dirigeants de premier plan de la Republika Srpska ont été arrêtés : Biljana Plavsic s’est elle-même constituée prisonnière et Momcilo Krajisnik a été arrêté dans sa résidence de Pale, en avril 2000. Les deux inculpés les plus célèbre, Radovan Karadzic et le chef de guerre Ratko Mladic, courent toujours. Ce dernier réside probablement en Serbie, où il a longtemps bénéficié de la protection de l’Armée yougoslave.
Depuis quelques années déjà, Radovan Karadzic avait dû se résoudre à plonger dans une totale clandestinité, mais les informations –vraies ou fausses– sur ses lieux de séjour dans l’est de la Bosnie n’ont pas manqué de se multiplier. Toutes les tentatives d’arrestation se sont pourtant soldées par des échecs.
Le village de Celebici est connu de longue date comme étant l’une des «planques» possibles de Radovan Karadzic. Le village se trouve en effet dans une zone montagneuse d’accès difficile, à quelques kilomètres seulement de la frontière du Monténégro, une République dont Radovan Karadzic est originaire et où il conserve des amis. D’une manière générale, la région de Foca –totalement «nettoyée» de sa population musulmane dès le printemps 1992– constitue toujours l’un des bastions les plus solides du Parti démocratique serbe (SDS), la formation longtemps dirigée par Radovan Karadzic. Le soutien de la population locale représente sans aucun doute l’un des atouts majeurs de l’ancien dirigeant serbe, mais le nouvel échec essuyé par la SFOR semble cependant confirmer l’hypothèse selon laquelle Radovan Karadzic disposerait de précieux informateurs.
Cette nouvelle tentative d’arrestation de l’ancien leader des Serbes de Bosnie intervient dans un contexte politique bien particulier. En début de semaine, la Procureure générale du TPI s’est une nouvelle fois rendue à Banja Luka pour presser les dirigeants de la Republika Srpska de coopérer avec la justice internationale. Le gouvernement de Banja Luka a cependant fait savoir jeudi qu’il n’avait pas été informé de l’opération de la SFOR, qui n’a absolument pas impliquée les forces de police serbe de Bosnie.
Radovan Karadzic continue à jouir d’une image positive auprès d’une large population de l’opinion serbe, notamment chez les Serbes de Bosnie, et ce nouveau camouflet infligé à la SFOR risque fort de conforter son image de Robin des Bois défiant la justice internationale.
Ecouter également :
Paul Garde, historien et universitaire sur les dix ans de la proclamation de l'indépendence de Bosnie.
Il répond aux questions de Jean-Frédéric Saumont (01/03/2002, 5')
L’opération semblait devoir être menée tambour battant. Des 8 heures jeudi matin, une petite zone montagneuse située à l’est de la ville de Foca –que les nationalistes serbes ont rebaptisée Srbinje– était cernée par d’imposantes forces militaires. Les lignes de téléphone étaient coupées dans la région, et toute circulation interdite dans un rayon de quarante kilomètres autour du village de Celebici, où Radovan Karadzic aurait pu se cacher. Selon des informations de la Radiotélévision de la Republika Srpska de Bosnie, les enfants auraient même été bloqués dans les écoles par les militaires internationaux.
Peu avant 14 heures, une radio locale annonçait l’arrestation de Radovan Karadzic, mais cette information devait être démentie dix minutes plus tard par l’état-major de la SFOR à Sarajevo, qui ne tardait pas à annoncer l’échec de l’opération.
Inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, Radovan Karadzic avait proclamé la sécession des territoires serbes de Bosnie, en réaction au référendum d’indépendance organisé dans cette république il y a exactement dix ans, le 29 février 1992. Président de la «Republika Srpska» autoproclamée, il a joué un rôle déterminant dans une guerre qui a fait près de 200 000 victimes. Il avait été exclu du jeu politique après la conclusion des accords de Dayton, en novembre 1995.
Les soldats de la force internationale ont sa photo en poche
Depuis son inculpation par le Tribunal de La Haye, l’arrestation de Radovan Karadzic est censé constituer l’un des objectifs prioritaires des troupes internationales présentes en Bosnie-Herzégovine. Tous les soldats de la SFOR disposent même d’un jeu de photographies permettant de reconnaître les personnes recherchées. À ce jour, seuls deux des dirigeants de premier plan de la Republika Srpska ont été arrêtés : Biljana Plavsic s’est elle-même constituée prisonnière et Momcilo Krajisnik a été arrêté dans sa résidence de Pale, en avril 2000. Les deux inculpés les plus célèbre, Radovan Karadzic et le chef de guerre Ratko Mladic, courent toujours. Ce dernier réside probablement en Serbie, où il a longtemps bénéficié de la protection de l’Armée yougoslave.
Depuis quelques années déjà, Radovan Karadzic avait dû se résoudre à plonger dans une totale clandestinité, mais les informations –vraies ou fausses– sur ses lieux de séjour dans l’est de la Bosnie n’ont pas manqué de se multiplier. Toutes les tentatives d’arrestation se sont pourtant soldées par des échecs.
Le village de Celebici est connu de longue date comme étant l’une des «planques» possibles de Radovan Karadzic. Le village se trouve en effet dans une zone montagneuse d’accès difficile, à quelques kilomètres seulement de la frontière du Monténégro, une République dont Radovan Karadzic est originaire et où il conserve des amis. D’une manière générale, la région de Foca –totalement «nettoyée» de sa population musulmane dès le printemps 1992– constitue toujours l’un des bastions les plus solides du Parti démocratique serbe (SDS), la formation longtemps dirigée par Radovan Karadzic. Le soutien de la population locale représente sans aucun doute l’un des atouts majeurs de l’ancien dirigeant serbe, mais le nouvel échec essuyé par la SFOR semble cependant confirmer l’hypothèse selon laquelle Radovan Karadzic disposerait de précieux informateurs.
Cette nouvelle tentative d’arrestation de l’ancien leader des Serbes de Bosnie intervient dans un contexte politique bien particulier. En début de semaine, la Procureure générale du TPI s’est une nouvelle fois rendue à Banja Luka pour presser les dirigeants de la Republika Srpska de coopérer avec la justice internationale. Le gouvernement de Banja Luka a cependant fait savoir jeudi qu’il n’avait pas été informé de l’opération de la SFOR, qui n’a absolument pas impliquée les forces de police serbe de Bosnie.
Radovan Karadzic continue à jouir d’une image positive auprès d’une large population de l’opinion serbe, notamment chez les Serbes de Bosnie, et ce nouveau camouflet infligé à la SFOR risque fort de conforter son image de Robin des Bois défiant la justice internationale.
Ecouter également :
Paul Garde, historien et universitaire sur les dix ans de la proclamation de l'indépendence de Bosnie.Il répond aux questions de Jean-Frédéric Saumont (01/03/2002, 5')
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 28/02/2002
