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France: présidentielle 2002

Les candidats prennent la plume

L’approche de l’élection présidentielle semble être propice à une intense production éditoriale et le cru 2002 ne déroge pas à la règle : ministres, journalistes et candidats ont déjà publié une moisson d’auto-portraits, de biographies ou encore d’analyses. Une dizaine de prétendants à l’Elysée défendent ainsi leur choix de se présenter ou dévoilent leur programme tout en dénigrant, parfois, leurs adversaires. Le dernier en date : Lionel Jospin qui sort un livre d’entretiens intitulé «Le temps de répondre», et réalisé avec le journaliste Alain Duhamel. Cet ouvrage, publié aux éditions Stock, sera sur les rayons des libraires le 1er mars. Pierre-Louis Rozynès, rédacteur en chef de Livres Hebdo, explique cet engouement des candidats.
RFI : Pourquoi les candidats font-ils paraître des livres, peu avant les élections ?
Pierre-Louis Rozynès : Pour deux raisons : la première, c’est qu’ils ont des choses à dire, en général, même si c’est souvent peu de choses. La seconde, c’est qu’il est de bon ton de publier un livre quand on est candidat ou quand on fait de la politique. Le livre est le produit-mère des idées et par conséquent un homme politique qui publie un livre assoie ainsi son image. Il y a énormément de diversité dans ce type d’ouvrage : ceux qui dressent un projet politique ou de société, des biographies, des entretiens qui sont très à la mode en ce moment, ou encore des biographies historiques lancées par Edgar Faure. Mais il serait plus exact de dire que les hommes politiques publient des livres plutôt qu’ils ne les écrivent.

RFI : Pourquoi éprouvent-ils le besoin de publier, pour la plupart, des livres programme, alors qu’ils vont exposer ces points durant la campagne électorale ?
PLR : C’est justement là que les choses ont évolué. Le fait de publier un livre donne aux candidats un accès supplémentaire aux médias. Par exemple, aujourd’hui, l’actualité politique du jour, quand on ouvre la presse et notamment Le Monde daté du 1er mars, c’est le livre de Lionel Jospin. Dans moins d’une semaine, l’actualité politique sera la sortie du livre du juge Eric Halphen. Ces livres rythment, en fait, la campagne et Bernadette Chirac a ouvert le bal, à la fin de l’année dernière.

RFI : Cela leur rapporte-t-il quelque chose en terme de notoriété, d’argent ou de suffrages ?
PLR : Ca leur rapporte assez peu d’argent car les succès sont assez rares. En revanche, la publication d’un ouvrage leur rapporte beaucoup de notoriété notamment une présence dans tous les talk-show télévisés, dans les colonnes des quotidiens ou des hebdomadaires, à la radio. Catherine Tasca (la ministre de la Culture) a récemment publié un livre-bilan de sa vie professionnelle et sans cet ouvrage, elle n’aurait sans doute pas été invitée par les médias et elle n’aurait pas dit, par exemple, ce qu’elle a dit sur Berlusconi. Un livre est une plate-forme de médiatisation, comme autre chose. En terme de suffrages, ils en récoltent sans doute quelques uns.

RFI : Ces livres se vendent-ils bien ?
PLR : Les livres programme, témoignage, bilan ou mémoires se vendent assez peu. En fait, plus ces livres sortent de la langue de bois, plus ils intéressent évidemment les médias et plus ces derniers invitent leurs auteurs et plus ils vendent de livres. Aujourd’hui, Claude Allègre (ancien ministre de l’Education nationale), qui s’est reconverti, publie un livre tous les six mois dans lesquels il tape sur le gouvernement ou sur l’enseignement. Claude Allègre est devenu ainsi un auteur de best-seller. Les hommes politiques sont tenus à un discours, oral ou écrit. Quant aux électeurs potentiels, ils sont militants ou largement liés au mouvement politique auquel appartient le candidat. Les électeurs sont là mais on ne parle, en moyenne, que de quelques milliers d’exemplaires vendus. Qu’ils soient Français ou étrangers, les hommes politiques ont toujours utilisé le livre pour avancer leurs idées. En France, on dit toujours qu’il faut planter un arbre, faire un enfant et publier un livre.

RFI : Pensez-vous que les candidats, dans leurs ouvrages, expriment des idées ou tiennent des propos qu’ils ne pourraient pas tenir lors de la campagne électorale, comme le fait Lionel Jospin dans son livre «Le temps de répondre» lorsqu’il critique ouvertement Jacques Chirac ?
PLR : Sincèrement, je ne crois pas. Tout est très calculé, il n’y a pas de dérapage mais à certaines pages, les auteurs disent des choses un peu plus fortes que d’ordinaire car ils veulent s’approcher au plus près de leur vérité. En même temps, les hommes politiques ont leur discours politique à tenir et un cadre à respecter et ils savent pertinemment quelles phrases ou quels passages vont être repris. Le livre politique n’est pas un objet ni un lieu de débat. On ne débattra jamais des idées avancées par tel ou tel candidat dans son livre.



par Propos recueillis par Clarisse  VERNHES

Article publié le 02/03/2002