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Kosovo

Ibrahim Rugova enfin élu président

Plus de trois mois après les élections législatives du 17 novembre dernier, Ibrahim Rugova a enfin été élu président du Kosovo. Le leader historique de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) devra cependant «cohabiter» avec un Premier ministre issu des rangs du Parti démocratique du Kosovo (PDK), la formation issue de l’ancienne guérilla de l’UCK.
De notre envoyé spécial à Pristina

Il n’aura fallu qu’une dizaine de minutes pour que le Kosovo soit enfin doté d’un Président et d’un gouvernement. Peu après 11 heures lundi matin, le président du Parlement du territoire, Nexhat Daci, a demandé aux députés d’approuver l’accord intervenu jeudi soir entre les trois principaux partis politiques albanais, la LDK, le PDK et l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK). Le porte-parole de la Coalition serbe pour le retour, Gojko Savic, a eu beau dénoncer le caractère expéditif et irrégulier de la procédure, puisque des votes spécifiques auraient dû intervenir pour élire le Président et accorder la confiance au gouvernement, quatre-vingt huit députés ont approuvé l’accord, trois s’y sont opposés, et quinze se sont abstenus. Nexhat Daci a aussitôt proclamé Ibrahim Rugova Président du Kosovo.

Cet accord est intervenu après une longue crise politique, la LDK d’Ibrahim Rugova qui ne dispose pas de la majorité au sein de l’assemblée, refusant de trouver un accord de compromis avec les formations issues de la guérilla de l’UCK. Finalement, le nouvel administrateur des Nations unies au Kosovo, l’Allemand Michael Steiner, a réussi à convaincre Ibrahim Rugova d’accepter un Premier Ministre issu du PDK. Le succès du petit homme au foulard, qui a longtemps symbolisé la lutte des Albanais du Kosovo, a donc un goût un peu amer, puisque Ibrahim Rugova a dû se présenter quatre fois devant le Parlement avant d’obtenir la confiance des députés.

Une cohabitation qui risque d’être difficile

Le nouveau Premier ministre, Bajram Rexhepi, médecin de profession, avait été nommé maire de la partie albanaise de Mitrovica par la guérilla immédiatement après la fin de la guerre. Il avait alors créé la surprise en imposant une image d’homme réaliste, efficace et relativement modéré. La quarantaine élégante, il pourrait être classé dans la fraction «moderniste et technocrate» des anciens guérilleros. Dans le gouvernement qu’il va diriger, quatre portefeuilles reviennent à la LDK, deux au PDK et deux à l’AAK, tandis que deux autres sont réservés, respectivement, aux représentants serbes et à ceux des petites minorités nationales du Kosovo (Turcs, Roms, Bosniaques, etc.). Les Serbes ont cependant décidé de refuser pour l’instant le ministère de l’Agriculture qui leur était imparti, car ils n’ont pas eu la possibilité de discuter et de choisir ce portefeuille. Une rencontre est cependant prévue mercredi entre les représentants de la Coalition pour le retour et Michael Steiner.

Lors d’une conférence de presse commune, qui a suivi le vote parlementaire, le nouveau président et son Premier ministre ont décliné leurs objectifs, insistant surtout sur la reconstruction de l’économie du Kosovo et l’intégration des minorités nationales dans le nouveau Kosovo. Bajram Rexhepi a souligné qu’il entendait «réintégrer» au Kosovo les enclaves serbes de Mitrovica nord et de Gracanica, suscitant une certaine inquiétude chez les journalistes serbes présents à la conférence de presse. Ibrahim Rugova et Bajram Rexhepi ont rappelé qu’ils défendaient des objectifs politiques communs, notamment l’indépendance du Kosovo. Malgré cela, la «cohabitation» risque d’être difficile, tant les rancœurs se sont accumulées entre les différents partis politiques albanais.

La mise en place des institutions du Kosovo, trop longtemps différée en raison de la mésentente durable des partis, apparaît comme un pas important vers l’autonomie prévue par la résolution 1244 des Nations Unies. Les compétences réelles du nouveau Président et de son gouvernement reste cependant fort limitée. La Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK) conserve toutes les fonctions régaliennes, notamment la sécurité et la défense du territoire, et l’administrateur Steiner disposera d’un pouvoir de veto sur toutes les décisions prises par le Parlement et le nouveau gouvernement.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 04/03/2002