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Kosovo

Victoire en demi-teinte de Rugova

Les résultats provisoires des élections législatives au Kosovo créent une situation inattendue dans la province placée sous administration internationale. Malgré le succès de la LDK, celle-ci ne disposera pas de la majorité absolue, tandis que les Serbes et les petites minorités nationales enregistrent un succès majeur.
De notre envoyé spécial dans les Balkans

Ibrahim Rugova a proclamé sa victoire dimanche midi, affirmant que son parti, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), obtiendrait 70% des suffrages. Les données des instituts de sondage indépendants, considérés officieusement comme «très fiables» par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui ne fera connaître les résultats définitifs que lundi soir, reconnaissent la victoire d'Ibrahim Rugova, mais dans des proportions bien plus modestes. Depuis les élections municipales de l'an dernier, la LDK chuterait de 58 à 44,5% des voix.

Cette contre-performance s'explique avant tout par la participation électorale qui a été bien inférieure à toutes les attentes. Il y a un an, 80% des électeurs albanais avaient pris part au scrutin municipal, avant tout perçu comme une «fête démocratique». Cette année, seulement 65% des Albanais se sont rendus aux urnes. Les deux autres formations albanaises (le Parti démocratique du Kosovo (PDK) d'Ashim Thaçi, qui regroupe l'essentiel des anciens guérilleros de l'UCK, et l'Alliance pour l'avenir du Kosovo (AAK), d'un ancien commandant de la guérilla entré en dissidence, Ramush Haradinaj) obtiendraient, respectivement, 24 et 8% des suffrages.

La LDK est donc bien loin d'obtenir la majorité absolue qu'elle escomptait au sein du futur Parlement. Aux 100 députés élus à la proportionnelle, s'ajoutent en effet dix sièges réservés à la communauté serbe, et dix pour les petites minorités nationales du Kosovo, Roms, Turcs, Boshniaques et autres.

Ibrahim Rugova a insisté sur l'objectif de l'indépendance

La participation relativement forte des électeurs serbes constitue la grande surprise des élections. 170 000 Serbes s'étaient inscrits l'été dernier sur les listes électorales dressées par l'OSCE. 46% des électeurs serbes se sont rendus aux urnes, de sorte que la Coalition pour le retour (l'unique liste serbe) obtiendrait 21 sièges. Au total, près d'un tiers des députés représenteront les communautés non-albanaises du Kosovo.

Les autorités de Belgrade se sont vivement réjouies du résultat du vote serbe du Kosovo, mais les nouveaux députés serbes devront désormais gérer ce succès bien inattendu. Oliver Ivanovic, nouveau député et leader charismatique des Serbes du nord du Kosovo, écarte l'idée de toute alliance avec les formations albanaises. Pourtant, aucune majorité ne semble en mesure de pouvoir se dessiner au sein du futur Parlement, à moins que les partis albanais n'oublient pour un moment les vieilles rancoeurs qui les opposent et ne forment un front commun.

Le discours musclé d'Ibrahim Rugova dimanche, qui a plus que jamais insisté sur l'objectif de l'indépendance, pourrait indiquer une tentative de rapprochement de la LDK avec les formations issues de l'UCK. Ce front commun albanais pourrait même jouer sur la peur d'un «retour de Belgrade», avec l'impressionnante performance électorale serbe et la déclaration commune adoptée il y a une dizaine de jours par le chef de la Mission des nations unies au Kosovo, Hans Haekkerup, et le Président yougoslave Vojislav Kostunica, qui écarte plus que jamais la perspective de l'indépendance du Kosovo. Pour sa part, le chef de la campagne de l'AAK, Ethem Ceku, ancien commandant de l'UCK dans la région de Pec, rappelait que sa formation était favorable à un gouvernement «d'union nationale» des partis albanais. Si la performance des Serbes et des autres minorités du Kosovo se soldait par une fuite en avant du nationalisme albanais, nul doute que la MINUK se trouverait dans une situation bien embarrassante.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 18/11/2001