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Zimbabwe

Un scrutin entre lenteur et contestation

Après une journée de scrutin, les électeurs zimbabwéens appelés à voter pour élire leur président, ont continué dimanche à se rendre en masse dans les bureaux de vote. Leur détermination n'a pas été émoussée par les longues heures d'attente nécessaires avant de pouvoir accéder aux urnes dans les villes et surtout à Harare, bastion de l'opposition, où les autorités ont réduit à dessein le nombre de bureaux.
Deux souliers vernis et le pantalon d’un costume noir… C’est tout ce que l’on pouvait voir de Robert Mugabe derrière l’isoloir. Sous la garde rapprochée de sept gardes du corps, escorté par la police, deux camions de militaires et une ambulance, le président sortant a voté, samedi matin, dans un bureau de Highfield, le quartier populaire de Harare où il est né. Dehors, une longue file s’était formée dès sept heures du matin, des électeurs qui ont attendu des heures avant de pouvoir voter. Le convoi du chef de l’Etat a pris soin d’éviter d’accéder au bureau de vote par l’entrée principale de l’école où il était situé. «Il a peur, il sait que nous ne l’aimons pas», déclare Natsaï, une jeune habitante du quartier. «S’il triche, on manifestera, ajoute-t-elle, on ne se laissera pas intimider par l’armée».

Dans la rue, peu avant son arrivée, des militants de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) étaient occupés à scander des slogans du parti au pouvoir. Peine perdue, à en juger par les saluts donnés par beaucoup d’électeurs, mains levées et doigts écartés, signe de ralliement du Mouvement démocratique pour le changement (MDC), le principal parti d’opposition. «A ce rythme, il faudra cinq jours, et pas deux, pour que tout le monde puisse voter», s’est inquiété samedi après-midi George Biti, un avocat, assis avec sa femme et ses filles devant l’école Jonathan Livingstone, dans le quartier résidentiel des Avenues. Entre deux voitures, cette famille arrivée le matin, a installé des chaises pliantes et amené
pique-nique et mots croisés. Les électeurs ont pris leur mal en patience, toute la journée, dans une atmosphère bon enfant. Sourire aux lèvres, certains se sont félicités à l’avance de «n’en avoir plus que pour deux jours» du régime en place, d’autres déclarant «être là pour le changement».

«S’il faut revenir, on reviendra»

John Hugues, un habitant Blanc des Avenues, a tempêté contre la réduction du nombre de bureaux de vote décidée avant la présidentielle. «Au lieu des 267 bureaux de vote habituels dans tout Harare, il n’y en a plus que 169. Voilà sept heures qu’on est là, et on en a encore pour cinq heures, si le bureau ne ferme pas à 19 heures, comme prévu. S’il faut revenir, on reviendra, mais il y aura encore plus de monde demain». Il n’a pas eu à revenir. Tard dans la nuit, éclairés à la chandelle dans certains quartiers, les bureaux de vote sont restés ouverts. «J’ai attendu jusqu’à une heure du matin, et puis j’ai laissé tomber, de fatigue», raconte un habitant de Chitungwiza, bien décidé à aller voter dans la journée de dimanche. Le MDC a demandé la prolongation des opérations de vote lundi, une hypothèse examinée par Patrick Chinamasa, le ministre de la Justice, qui n'avait pas encore fait part de sa décision dimanche à l'heure officielle de fermeture des bureaux de vote dont certains sont malgré tout restés ouverts.

Devant le siège provincial de la Zanu-PF, à Harare, l’ambiance a été tendue tout le week-end. Contrôle d’identité serré, visages fermés, sourcils froncés… «Je suis une ancienne combattante, a déclaré l’une des responsables présentes. Je me suis battue pour la libération de ce pays contre les Blancs, et je voterai Robert Mugabe parce qu’il est le président qu’il nous faut». Outre ses indemnités de «war veteran», cette militante touche son salaire d’infirmière, un métier qu’elle exerce dans un hôpital privé de Harare. Et depuis peu, les revenus des 300 hectares qui lui ont été attribués à la faveur des invasions de fermes. «Je cultive des pommes de terre, du maïs et du soja, explique-t-elle, mais à cause de la sécheresse cette année, je ne sais pas si j’y gagnerai». Cigare en main et coupe afro, Augustine Timbe, le président de la Zanu-PF pour la province du Mashonaland Central, fait l’éloge de Robert Mugabe. «C’est un leader, un père et un prophète», dit-il. Pour lui, la défaite n’est pas envisageable. «Nous gagnerons ces élections haut la main», affirme-t-il, sûr de lui, sans parvenir à masquer un air inquiet.



par Sabine  Cessou

Article publié le 10/03/2002