Congo-Brazzaville
Sassou dans un fauteuil
Denis Sassou Nguesso était le grand favori d’une présidentielle sans enjeux. En l’absence de ses principaux adversaires, Pascal Lissouba et Bernard Kolelas, le scénario du scrutin du 10 mars est écrit, alors que les associations de défense des droits de l’homme dénoncent les conditions d’organisation du processus électoral.
Dans les meetings qu’il a tenus à travers le Congo-Brazzaville, ces dernières semaines, Denis Sassou Nguesso a répété à maintes reprises qu’il l’emporterait dès le premier tour à la présidentielle du 10 mars. L’homme fort de Brazzaville est effectivement assuré de se succéder à lui-même au terme d’un scrutin qui s’annonce sans surprises. Revenu aux affaires en octobre 1997 avec l’aide des troupes angolaises, au terme de violents combats contre les partisans de l’ancien président Pascal Lissouba et de l’ex-Premier ministre Bernard Kolelas, Sassou III, comme on le surnomme déjà, affronte six candidats. Mais le scénario est déjà écrit, puisque aucun des principaux poids lourds ayant marqué la vie politique congolaise depuis le début des années 90 ne figure sur la liste.
La nouvelle constitution, largement adoptée au terme d’un référendum contesté, le 20 janvier dernier, est sans ambiguïté : elle exige d’un candidat à l’élection présidentielle une résidence «ininterrompue sur le territoire de la République du Congo (…) depuis vingt-quatre mois». L’ancien chef de l’Etat et son chef du gouvernement de l’époque, qui ont fui le pays en 1997, sont donc exclus de la course, de même d’ailleurs que l’ex-président Joachim Yhombi Opango. Et ils sont, a priori, durablement écartés de la vie politique locale. En décembre 2001, Pascal Lissouba a été condamné par contumace à 30 ans de travaux forcés pour «haute trahison». Un an et demi plus tôt, Bernard Kolelas avait écopé d’une condamnation à mort pour «tortures et séquestrations».
«Gardez-moi pour éviter la guerre civile»
Niant toute responsabilité dans les combats qui ont ensanglanté le pays, entre juin et octobre 1997, le chef de l’Etat en titre assure qu’il est le seul capable d’enterrer les trois guerres civiles qui ont meurtri le pays depuis 1992. Peu après son retour au pouvoir, un livre blanc, évitant soigneusement d’aborder les exactions de ses propres partisans, avait d’ailleurs déjà révélé en détail les lourdes charges portant sur le camp de son prédécesseur.
«Denis Sassou Nguesso a construit un discours sur le thème : ‘gardez moi pour éviter la guerre civile’», analyse le sociologue congolais Patrice Yengo. Pour cet observateur attentif des événements politiques du Congo-Brazzaville, le troisième conflit civil, fin 1998, au cours duquel les méthodes expéditives des miliciens gouvernementaux ont été comparables à celles de leurs adversaires, ont sérieusement terni l’image du président sortant. «Avant cela, il aurait pu aisément jouer sur le bilan négatif de Lissouba et Kolelas», estime l’universitaire. Dans un entretien avec le correspondant de RFI à Brazzaville, Alain Shungu, Denis Sassou Nguesso s’en tient à sa position : «Aujourd’hui, nous espérons ramener la paix dans notre pays, réconcilier les Congolais et relancer le développement». Et à propos de Pascal Lissouba et Bernard Kolelas, il affirme qu’ils «se sont exclus d’eux-mêmes, soit au regard de la loi soit par rapport à leur propre ligne politique».
Pour André Milongo, considéré comme le seul candidat d’envergure à la présidentielle du 10 mars mais qui a décidé, la veille du scrutin, de retirer sa candidature à cause de l'absence de «transparence», c’est toutefois une «paix armée qu’on maintient artificiellement avec des armées étrangères et des mercenaires» que propose le chef de l’Etat. Interrogé par le correspondant de RFI, cet ancien Premier ministre, qui dirigea la transition jusqu’à la première présidentielle pluraliste d’août 1992, propose de «faire venir [au Congo] tous les hommes politiques congolais, y compris les exilés qui sont à l’extérieur». Tout en refusant de faire partie d’un futur gouvernement «dont [il] ne connaît pas les objectifs», en cas de victoire de son adversaire, il ne ferme pas entièrement la porte à son adversaire en estimant que son choix «dépendra du programme proposé».
L’opposition en exil appelle, quant à elle, au boycott. L’un de ses porte-parole en France, l’ancien Premier ministre Ange-Edouard Poungui dénonce une «machine à frauder destinée à faire passer Monsieur Sassou de la situation de président autoproclamé à celle de président élu». Fustigeant les dispositions qui excluent, de facto, la plupart des responsables en exil, il s’étonne du silence de la communauté internationale à propos de ce qui passe dans son pays : «Quand il s’agit du Zimbabwe ou du Togo, les excès de leurs dirigeants suscitent un tollé. Mais lorsque Monsieur Sassou Nguesso organise des élections dont les résultats sont connus d’avance, ni le Quai d’Orsay, ni l’Union européenne ne réagissent».
Contrairement au référendum du 20 janvier dernier, la présidentielle aura tout de même lieu en présence d’une quarantaine d’observateurs de l’Union européenne et d’une délégation de la Francophonie. Les organisations de défense des droits humains sont cependant sans illusions. Dans un rapport publié à la veille du scrutin, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme critique sévèrement le processus électoral en cours : «L’implication des organes d’Etat dans la campagne présidentielle du président sortant est totale (…). La presse est muselée. Les partis d’opposition sont victimes de fortes intimidations de la part du pouvoir en place», affirme la FIDH. L’organisation dénonce, par ailleurs, de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment de la part de militaires angolais, tchadiens, centrafricains et d’anciens soldats zaïrois, qui ont contribué à la victoire de Denis Sassou Nguesso et sont toujours présents dans le pays. Pour l’heure, trois candidats, sur les neuf initialement retenus ont jeté l’éponge : outre Anré Milongo, Martin Mberi, ancien ministre du gouvernement sortant et leader d’une faction de l’UPADS de Pascal Lissouba, de même que le général en retraite Anselme Makambou-Nkouka.
La nouvelle constitution, largement adoptée au terme d’un référendum contesté, le 20 janvier dernier, est sans ambiguïté : elle exige d’un candidat à l’élection présidentielle une résidence «ininterrompue sur le territoire de la République du Congo (…) depuis vingt-quatre mois». L’ancien chef de l’Etat et son chef du gouvernement de l’époque, qui ont fui le pays en 1997, sont donc exclus de la course, de même d’ailleurs que l’ex-président Joachim Yhombi Opango. Et ils sont, a priori, durablement écartés de la vie politique locale. En décembre 2001, Pascal Lissouba a été condamné par contumace à 30 ans de travaux forcés pour «haute trahison». Un an et demi plus tôt, Bernard Kolelas avait écopé d’une condamnation à mort pour «tortures et séquestrations».
«Gardez-moi pour éviter la guerre civile»
Niant toute responsabilité dans les combats qui ont ensanglanté le pays, entre juin et octobre 1997, le chef de l’Etat en titre assure qu’il est le seul capable d’enterrer les trois guerres civiles qui ont meurtri le pays depuis 1992. Peu après son retour au pouvoir, un livre blanc, évitant soigneusement d’aborder les exactions de ses propres partisans, avait d’ailleurs déjà révélé en détail les lourdes charges portant sur le camp de son prédécesseur.
«Denis Sassou Nguesso a construit un discours sur le thème : ‘gardez moi pour éviter la guerre civile’», analyse le sociologue congolais Patrice Yengo. Pour cet observateur attentif des événements politiques du Congo-Brazzaville, le troisième conflit civil, fin 1998, au cours duquel les méthodes expéditives des miliciens gouvernementaux ont été comparables à celles de leurs adversaires, ont sérieusement terni l’image du président sortant. «Avant cela, il aurait pu aisément jouer sur le bilan négatif de Lissouba et Kolelas», estime l’universitaire. Dans un entretien avec le correspondant de RFI à Brazzaville, Alain Shungu, Denis Sassou Nguesso s’en tient à sa position : «Aujourd’hui, nous espérons ramener la paix dans notre pays, réconcilier les Congolais et relancer le développement». Et à propos de Pascal Lissouba et Bernard Kolelas, il affirme qu’ils «se sont exclus d’eux-mêmes, soit au regard de la loi soit par rapport à leur propre ligne politique».
Pour André Milongo, considéré comme le seul candidat d’envergure à la présidentielle du 10 mars mais qui a décidé, la veille du scrutin, de retirer sa candidature à cause de l'absence de «transparence», c’est toutefois une «paix armée qu’on maintient artificiellement avec des armées étrangères et des mercenaires» que propose le chef de l’Etat. Interrogé par le correspondant de RFI, cet ancien Premier ministre, qui dirigea la transition jusqu’à la première présidentielle pluraliste d’août 1992, propose de «faire venir [au Congo] tous les hommes politiques congolais, y compris les exilés qui sont à l’extérieur». Tout en refusant de faire partie d’un futur gouvernement «dont [il] ne connaît pas les objectifs», en cas de victoire de son adversaire, il ne ferme pas entièrement la porte à son adversaire en estimant que son choix «dépendra du programme proposé».
L’opposition en exil appelle, quant à elle, au boycott. L’un de ses porte-parole en France, l’ancien Premier ministre Ange-Edouard Poungui dénonce une «machine à frauder destinée à faire passer Monsieur Sassou de la situation de président autoproclamé à celle de président élu». Fustigeant les dispositions qui excluent, de facto, la plupart des responsables en exil, il s’étonne du silence de la communauté internationale à propos de ce qui passe dans son pays : «Quand il s’agit du Zimbabwe ou du Togo, les excès de leurs dirigeants suscitent un tollé. Mais lorsque Monsieur Sassou Nguesso organise des élections dont les résultats sont connus d’avance, ni le Quai d’Orsay, ni l’Union européenne ne réagissent».
Contrairement au référendum du 20 janvier dernier, la présidentielle aura tout de même lieu en présence d’une quarantaine d’observateurs de l’Union européenne et d’une délégation de la Francophonie. Les organisations de défense des droits humains sont cependant sans illusions. Dans un rapport publié à la veille du scrutin, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme critique sévèrement le processus électoral en cours : «L’implication des organes d’Etat dans la campagne présidentielle du président sortant est totale (…). La presse est muselée. Les partis d’opposition sont victimes de fortes intimidations de la part du pouvoir en place», affirme la FIDH. L’organisation dénonce, par ailleurs, de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment de la part de militaires angolais, tchadiens, centrafricains et d’anciens soldats zaïrois, qui ont contribué à la victoire de Denis Sassou Nguesso et sont toujours présents dans le pays. Pour l’heure, trois candidats, sur les neuf initialement retenus ont jeté l’éponge : outre Anré Milongo, Martin Mberi, ancien ministre du gouvernement sortant et leader d’une faction de l’UPADS de Pascal Lissouba, de même que le général en retraite Anselme Makambou-Nkouka.
Article publié le 09/03/2002