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Congo-Brazzaville

Sassou Nguesso cherche une légitimité

Le Congo Brazzaville entame un marathon électoral, qui a démarré, ce dimanche, par un référendum sur une nouvelle constitution, en attendant la présidentielle, les législatives et les élections locales prévues dans les mois qui suivent. Objectif : légitimer le régime de Sassou Nguesso, revenu au pouvoir par la force en octobre 1997.
Cinq ans après son arrivée au pouvoir, Denis Sassou Nguesso veut s’offrir une légitimité démocratique. Revenu aux affaires, au terme de cinq mois de combats meurtriers avec les partisans de son prédécesseur Pascal Lissouba, l’homme fort de Brazzaville dirige, depuis, un pays en transition. Le Congo a partiellement renoué avec les institutions financières internationales et ses partenaires occidentaux, qui lui ont permis d’entamer sa reconstruction. Mais l’ensemble des institutions de l’ancien régime ont été suspendues, en octobre 1997.

Dans les six mois qui viennent un peu plus de 1,6 millions d’électeurs congolais vont être activement sollicités. La première étape démarrait, ce dimanche, avec un référendum constitutionnel, qui sera suivi de la présidentielle, en mars prochain, puis de législatives et d’élections locales. Le scrutin du 20 janvier pourrait faire entrer le Congo dans le livre des records. En quarante ans, cet eldorado pétrolier, victime de trois guerres civiles meurtrières depuis 1992, a effectivement déjà connu plus douze textes constitutionnels.

La nouvelle loi fondamentale instaure un régime fort centré autour de la personnalité du chef de l’Etat, seul détenteur du pouvoir exécutif, qui ne peut dissoudre l’Assemblée mais ne peut être démis par elle. Pour le camp présidentiel, il s’agit de rompre avec l’instabilité politique et les conflits qui ont ensanglanté le Congo ces dernières années. Mais aux yeux de ses adversaires, Denis Sassou Nguesso, qui a déjà dirigé le pays d’une main de fer entre 1979 et 1992, veut tout simplement une loi fondamentale taillée à sa mesure.

L’opposition dénonce une «mascarade électorale»

Dans un communiqué commun, publié le 15 janvier, le président déchu Pascal Lissouba, son ancien Premier ministre Bernard Kolelas, et l’ex-chef de l’Etat Joachim Yhomby Opango, ont appelé les électeurs à boycotter une «mascarade électorale». Ennemis jurés de celui que certains surnomment déjà «Sassou III», tous trois sont d’ores et déjà exclus de la présidentielle. En mai 2000, Bernard Kolelas a été condamné à mort par contumace pour «crime contre l’humanité et violations des droits de l’homme». Quant à Pascal Lissouba, il a écopé, en décembre 2001, d’une peine de trente ans de travaux forcés et de 25 milliards de francs CFA pour «bradage du pétrole et détournement de déniers publics». De toutes façons, le projet de constitution, dont la plupart des observateurs estiment qu’il sera adopté, interdit à tout personne n’ayant pas résidé de manière continue dans les vingt-quatre mois qui précèdent la présidentielle de se présenter à la magistrature suprême. Ce qui exclut, de facto, de la course la plupart des politiciens exilés depuis l’automne 1997.

Même s’ils n'ont pas tous préconisé le boycott, la plupart des autres dirigeants de l’opposition ne cachent pas leur hostilité à ce texte. L’ancien Premier ministre André Milongo, considéré comme le seul candidat capable de menacer un tant soit peu Denis Sassou Nguesso en mars prochain, a appelé à voter «non».

Le scrutin de dimanche ne fait pas non plus l’unanimité dans la société civile. Un groupement d’organisations non-gouvernementales, parmi lesquelles l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH), a appelé la France, l’Union européenne et les Etats-Unis à ne pas soutenir le processus électoral en cours. Dans un document intitulé «le processus confisqué», ce Collectif d’organisation des droits de l’homme et de développement démocratique (CDHD) assurait que le gouvernement actuel se prépare a frauder massivement. Au terme de missions dans six des dix régions du Congo, son rapport évoque de nombreux cas de gonflement des listes électorales, d’inscription de mineurs et même d’attribution de cartes d’électeurs à d’anciens soldats zaïrois et à des miliciens hutus interhamwe.

Face à ces critiques, Denis Sassou Nguesso affiche une confiance sans faille. «Il n’y a pas de doute, le peuple votera la constitution», a-t-il déclaré au sortir d’un sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) consacré à la situation en Centrafrique. Avant de se féliciter que la campagne où «l’opposition s’exprime librement», se déroule «sans incidents».

La première étape du retour à la légalité souhaité par le numéro Un congolais a, en tous cas, déjà connu son premier problème d’organisation. Les électeurs n’ont pu commencer à retirer leur cartes d’électeurs que ce vendredi à Brazzaville, alors que leur distribution n’était pas encore achevée dans le reste du pays.



par Christophe  Champin

Article publié le 19/01/2002