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Congo-Brazzaville

Sassou et TotalFinaElf rattrapés par le passé

La justice belge pourrait bientôt poursuivre TotalFinalElf et le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, pour divers crimes commis depuis le mois de juin 1997. Trois personnes d'origine congolaise ont, en tous cas, déposé une plainte en sens, le 11 octobre, à Bruxelles.
Le 25 octobre 1997, l'actuel homme fort du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, revient au pouvoir, après cinq mois de violents combats. Soutenu par l'armée angolaise, il a mis en déroute les partisans du président Pascal Lissouba et du premier ministre Bernard Kolela. Le bilan est lourd : environ dix mille morts et de multiples exactions, attribuées aux deux camps, sans compter des centaines de milliers de déplacés. Le retour de celui qui régna sans partage, de 1977 à 1992, ne met que temporairement fin aux combats. Courant 1998, de nouveaux affrontements opposent les «troupes» gouvernementales aux miliciens Ninjas et Cocoyes fidèles au régime déchu, dans le sud du pays, au prix de nouvelles victimes d'exécutions sommaires, de torture ou de viol.

Depuis la signature d'un accord de paix, en décembre 1999, Denis Sassou Nguesso tente de remettre son pays sur les rails, tout en consolidant son pouvoir. Après la tenue, en mars et avril 2001, d'un «dialogue national sans exclusive», en l'absence de ces deux principaux adversaires condamnés par contumace pour «génocide», celui que les Congolais surnomment «Sassou II» s'apprête à organiser un référendum constitutionnel.

Le rôle d'Elf auprès de Lissouba

Mais les cadavres commencent à sortir du placard. Ces derniers mois, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer que la lumière soit faite sur les assassinats et disparitions de ces dernières années. Jusqu'à ce 11 octobre dernier, où trois personnes d'origine congolaise ont déposé une plainte pour «crime de guerre, crime contre l'humanité, crimes de tortures et crimes d'arrestations et d'enlèvement» devant la justice belge. Elle vise non seulement l'actuel président congolais, mais aussi la compagnie Total-Final-Elf, accusée d'avoir financé l'achat de matériel militaire ayant servi aux combats puis à la répression menée par le régime en place.

En s'attaquant au pétrolier français, l'avocat des parties civiles, Georges-Henri Beauthier, joue gros. En novembre 1997, le chef de l'Etat déchu, Pascal Lissouba, avait porté plainte contre le groupe, jurant que ce dernier avait contribué à la victoire de son ennemi. Sans succès, puisque le juge français l'avait estimé irrecevable. Cette fois, les plaignants, qui ont perdu des proches dans les violences de 1997, bénéficient d'un contexte juridique nettement plus favorable, grâce à la loi belge qui donne compétence universelle aux tribunaux pour les crimes les plus graves, quels que soit la nationalité, le lieu de résidence des parties concernées et l'endroit où les faits ont été commis.

A Brazzaville, on ironise déjà sur une démarche qualifiée «d'opération de diversion», alors que le pays se trouve à «quelques jours d'un événement important». Le porte-parole du gouvernement, François Ibovi considère qu'il s'agit de «détourner la justice des crimes commis par Monsieur Lissouba». La réalité étant, selon lui, qu'Elf avait payé des armes pour le prédécesseur de Denis Sassou Nguesso pendant la guerre civile de 1997. L'ancien patron de la compagnie, Loïk Le Floch-Prigent, a confirmé à plusieurs reprises le rôle trouble du groupe aux côtés de Pascal Lissouba. Mais ce dernier rétorque que le pétrolier a changé son fusil d'épaule entre juin et septembre 1997, offrant notamment ses barges pour le ravitaillement des troupes de Denis Sassou Nguesso. Si le justice belge s'empare de l'affaire, c'est en tous cas, un pan entier du dossier Elf, jusqu'ici laissé de côté par les juges français, qui pourrait ressurgir.

Ecoutez également l'analyse de Dominique Thierry (15/10/2001, 1 mn 22)



par Christophe  Champin

Article publié le 15/10/2001