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Côte d''Ivoire

Le congrès de tous les dangers

L'ancien parti au pouvoir tient un congrès crucial à Abidjan, les 5, 6 et 7 avril. Trois candidats s'affrontent pour la présidence du PDCI, dont l'ancien chef de l’Etat Henri Konan Bédié qui joue son avenir politique.
Où va le parti de feu Houphouët-Boigny ? Alors que se tient le 11ème congrès du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) - les 5, 6 et 7 avril – la question était à la Une de la plupart des journaux ivoiriens ces derniers jours. Et pour cause, le mouvement, créé au sortir de la seconde guerre mondiale par le père de l’indépendance, est à la croisée des chemins. Depuis le putsch du 24 décembre 1999, qui mit fin à quarante années de domination ininterrompue du pouvoir, l’ancien parti unique est plus divisé que jamais. Et en désignant ses nouveaux dirigeants, ce week-end, il joue largement sa place future sur la scène politique ivoirienne.

Le jeu est, pour la première fois, plus ouvert que jamais dans un parti où le choix s’était toujours fait par consensus. Trois personnalités, se réclamant toutes de l’héritage du «Vieux», s’affrontent pour la direction du mouvement : Henri Konan Bédié, le chef de l’Etat déchu, Laurent Dona Fologo, actuel secrétaire général, et Lamine Fadika, contre-amiral en retraite et ancien cacique du régime d’Houphouët.

«HKB» contre «LDF»

Six mois après son retour d’exil, «HKB», comme le surnomment les Ivoiriens, saura, au terme de ce «congrès de tous les dangers», s’il peut encore caresser l’espoir d’un retour aux affaires en 2004. Ambassadeur à 26 ans, ministre à 32, puis président de l’Assemblée nationale, en 1980, sous l’œil complice d’Houphouët-Boigny qui en fait son dauphin, il accède au pouvoir à la mort de son protecteur, en décembre 1993. Moins brillant que son mentor, il tend à renfermer son régime, usant à l’excès du thème de «l’ivoirité», pour écarter son principal adversaire, le leader du RDR Alassane Ouattara. En décembre 1999, la situation économique et sociale s’est fortement détériorée, et le régime affaibli d’Henri Konan Bédié s’écroule en quelques heures, lorsqu’une mutinerie se transforme en putsch le 24.

Pour ses adversaires, l’ancien dirigeant porte une large responsabilité dans la fin du long règne du PDCI. Secrétaire général depuis dix ans, Laurent Dona Fologo réclame, en quelque sorte, un droit d’inventaire et met en avant le fait qu’il a tenu les rênes du parti, après le départ d’Henri Konan Bédié, y compris pendant une transition militaire chaotique. Les partisans du chef de l’Etat déchu rétorquent que «LDF» est, en réalité, un «sous-marin» de Laurent Gbagbo, en rappelant que le secrétaire général a été porté à la tête du Conseil économique et social avec son soutien. L’intéressé balaye l’accusation du revers de la main. Mais dans l’entourage du président ivoirien, on avoue une préférence pour Laurent Dona Fologo présenté comme «un interlocuteur plus en phase avec les enjeux politiques ivoiriens actuels».

Face à cette polémique, les militants du vieux parti sont divisés. Et le débat qui s’annonce, en présence de plus 6400 congressistes, des diplomates étrangers et de représentants des autres partis, promet d’être animé. Il est d’ailleurs suivi de près dans les états-major. A commencer par ceux du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et du RDR d’Alassane Ouattara. Car bien qu’écarté du pouvoir, le PDCI a prouvé lors des dernières élections législatives et municipales qu’il bénéficie encore d’un soutien non négligeable de la population. A l’évidence, un éventuel éclatement du PDCI ne peut que favoriser une redistribution des cartes sur l’échiquier politique ivoirien et susciter des alliances, dans la perspective des prochaines présidentielles, que pourrait freiner un maintien d’Henri Konan Bédié.



par Christophe  Champin

Article publié le 05/04/2002