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France: présidentielle 2002

Le Pen au second tour : à qui la faute ?

Cataclysme, séisme, coup de tonnerre, consternation, choc, bouleversement, échec. Les mots ne sont pas assez forts, à droite comme à gauche, pour décrire la victoire de Jean-Marie Le Pen qui sera face à Jacques Chirac au second tour, le 5 mai prochain et l’éviction de Lionel Jospin. Tous les courants politiques se rejettent la responsabilité de ce scénario.
Du jamais vu depuis le début de la Ve République ! C’est la première fois qu’un candidat de l’extrême droite participera au second tour de l’élection présidentielle, le 5 mai prochain. Jean-Marie Le Pen, leader du Front national (FN) est arrivé en deuxième position, le 21 avril, avec 17,02% des voix juste derrière Jacques Chirac (19,67%) et devant Lionel Jospin (16,07%).

«Défaite cruelle», «séisme politique», «cataclysme effrayant», «coup de massue», «coup de tonnerre»... La gauche, éliminée du second tour pour la première fois depuis 1969, était sonnée dimanche soir tandis que Jean-Marie Le Pen savourait son succès. Et chacun, comme pour se rassurer, essayait de trouver une explication plausible pour expliquer le triomphe du leader de l’extrême droite. Est-ce la cohabitation qui a contribué à donner ce scénario ? Est-ce le duel trop annoncé de Jacques Chirac et de Lionel Jospin au second tour qui a pesé sur le choix des Français ? Est-ce la crise d’identité de la gauche qui peut expliquer ce résultat ? Est-ce l’exploitation du thème de l’insécurité qui a tout fait basculer ? Ou encore, est-ce la conjoncture qui a favorisé le retour de Jean-Marie Le Pen sur le devant de la scène politique ? Chacun avait, dimanche soir, son explication.

Faire barrage au Front national

Sonné, Lionel Jospin, arrivé en troisième position et par conséquent éliminé de la course présidentielle, a annoncé son retrait de la vie politique française après le deuxième tour du 5 mai. Emu, il a ajouté qu'il assumait «pleinement la responsabilité» de son «échec», parlant d'un «coup de tonnerre», et d'un «signe très inquiétant pour la France et notre démocratie», pour commenter la qualification du dirigeant d'extrême droite. Le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande a stigmatisé «l’utilisation abusive du thème de l’insécurité» comme cause principale de l’élimination de Lionel Jospin, tout en ajoutant que la victoire de Jacques Chirac n’était pas «glorieuse». Chez Jean-Pierre Chevènement (Pôle républicain), Georges Sarre soulignait que le vote du 21 avril a été «un vote sanction et défouloir» pour un «système politique en crise». Le candidat souverainiste a même dénoncé un état «d’extrême décomposition» des partis politiques en estimant que le leader du FN avait bénéficié «d’une véritable campagne de promotion de la part de l’establishment».

A l’extrême gauche, cette fois, Arlette Laguiller a rejeté la responsabilité de ce résultat sur Lionel Jospin : «Il est entièrement responsable», a-t-elle déclaré. Pour Alain Madelin, candidat et chef de file de Démocratie libérale, «il y a une leçon à tirer pour la droite et l’opposition : on n’a pas fait notre travail, sinon il n’y aurait pas un tel score de Jean-Marie Le Pen». Du côté des Verts, Dominique Voynet, secrétaire national du parti écologiste, a fustigé le RPR et notamment Jacques Chirac d’avoir utilisé abusivement du thème de l’insécurité et ainsi de contribuer à ce résultat : «Qui sème le vent, récolte la tempête», a-t-elle assené.

Quoiqu’il en soit, la redistribution politique est majeure et les électeurs qui ont voté, le 21 avril, ont manifesté un vote fortement protestataire au moment même où, les abstentionnistes, autre forme de protestation peut-être, étaient plus nombreux que jamais (27,63%). Alors que la gauche appelait à un «sursaut national», la droite demandait une mobilisation républicaine et démocratique. «La République est entre vos mains» a même dramatisé Jacques Chirac dans son allocution. De tous les candidats du premier tour, seul Bruno Mégret a appelé à voter Le Pen au second tour. Vers minuit, plusieurs candidats avaient déjà appelé à faire barrage au Front national : Jean-Pierre Chevènement, Noël Mamère, François Bayrou, Jean Saint-Josse et Corinne Lepage. Olivier Besancenot (LCR) ne donnait pas de consigne de vote mais soulignait que le FN représentait «l'héritage du fascisme», tandis qu'Arlette Laguiller (LO) se refusait à appeler à voter Jacques Chirac. Pour protester devant le triomphe inattendu de Jean-Marie Le Pen, plusieurs manifestations anti-FN, réunissant chacune quelques milliers de personnes, se sont tenues dans la soirée à Paris et en province, notamment à Rouen, Nantes, Toulouse, Grenoble et Strasbourg.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 22/04/2002