Russie
Le général Lebed, politique infortuné
Le général Alexandre Lebed, ancien candidat à la présidence russe et artisan d'un accord de paix en Tchétchénie, a trouvé la mort dimanche dans un accident d'hélicoptère dans la région de Krasnoïarsk (Sibérie) dont il était gouverneur depuis 1998. Le président russe Vladimir Poutine a salué «un véritable soldat» de la patrie.
«Lebed avait son idéologie: une main de fer, l'ordre, la lutte contre la corruption, et en même temps l'économie de marché. Le général voulait être de Gaulle, mais on le comparait surtout à Pinochet», écrit lundi le quotidien russe Izvestia. Avec sa carrure de parachutiste et sa voix caverneuse, le charismatique général Alexandre Lebed semblait en mesure, au milieu des années 90, de succéder à Boris Eltsine pour sortir la Russie du marasme et de la corruption. Rares, pourtant, sont les grands militaires qui, comme l’homme de la France libre, deviennent de grands politiques.
Dans les années 80, ce soldat d’élite sert en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Afghanistan, où il fait l’admiration de ses hommes, gravissant très vite les échelons de la hiérarchie militaire. C’est en août 1991 qu’il gagne ses galons de démocrate, lors de la tentative de coup d’État du KGB et du ministère de la Défense. Commandant de la prestigieuse division parachutiste de Toula, il refuse d’attaquer la Maison Blanche, siège du gouvernement. Son prestige grandit peu à peu. En 1995, il est en conflit ouvert avec le ministre de la Défense de l'époque, le général Pavel Gratchev, qu'il accuse ouvertement de corruption.
Le général Lebed, que beaucoup de Russes voient alors comme le sauveur de la nation, démissionne de l'armée pour se lancer dans la politique au sein d'un mouvement nationaliste modéré, le Congrès des communautés russes. Elu député, il se présente à la présidentielle de juin 1996, prônant la lutte contre les mafias, l’anarchie, et les politiciens corrompus. Au plus fort de sa popularité, il est crédité de 40% des intentions de vote. Mais il n’arrive finalement que troisième au premier tour, avec près de 15% des voix. Il se rallie alors à Boris Eltsine, assurant ainsi la victoire de ce dernier face au communiste Guennadi Ziouganov.
Il noue des relations avec Alain Delon
Eltsine apprécie ce coup de main décisif et le nomme secrétaire du Conseil de sécurité russe. Le général Lebed est chargé à ce titre de négocier un accord de paix avec les indépendantistes tchétchènes. Habile négociateur, il parvient, en se rendant sur place, à mettre fin à la première guerre de Tchétchénie avec la signature des accords de Khassaviourt, le 31 août 1996. Fort de ce succès, il part en guerre contre les faucons du Kremlin, qui lui reprochent les concessions faites aux Tchétchènes.
Mais la faveur présidentielle ne dure pas. En haut lieu, il commence à agacer certains dignitaires du régime, notamment le Premier ministre Viktor Tchernomyrdine. En octobre 1996, Lebed est limogé par Eltsine et semble disparaître dans une trappe, avant de sortir de l'oubli, un an et demi plus tard, en se faisant élire gouverneur de la région de Krasnoïarsk, une riche région minière du sud sibérien. Les caméras occidentales se braquent un moment sur lui lorsque l’acteur français Alain Delon, avec qui il a noué des relations personnelles, se rend sur place pour le soutenir. Lebed effectue plusieurs séjours à Paris. Il y rencontre plusieurs personnalités, début 1997, dont le gaulliste historique Charles Pasqua, et le premier secrétaire du parti socialiste Lionel Jospin, avant d’aller se recueillir à Colombey-les-deux-Eglises sur la tombe du général de Gaulle.
Il nourrit de nouveau des ambitions présidentielles pour 2000, prend des cours de communication, apprend à modérer son discours et soigner son image, accorde des interviews destinées à asseoir sa stature internationale. Pourtant, en acceptant le soutien de l'homme d'affaires controversé Boris Berezovski, il prend le risque d'altérer son image d'incorruptible et d’ennemi des «profiteurs» de Moscou. La région de Krasnoïarsk devait devenir sa base pour la présidentielle. Elle ne fait que l’éloigner de la scène politique nationale et internationale.
D'autant qu'un autre homme fort vient d’apparaître sur la scène politique : l'ex-agent du KGB, Vladimir Poutine, nommé en août 1999 Premier ministre de Boris Eltsine, et dauphin désigné. L’étoile d’Alexandre Lebed pâlit, il donne de plus en plus l’image d’un redresseur de torts solitaire, n’ayant pas su s’entourer de collaborateurs et de soutiens de qualité. On n'entend plus guère parler de lui, sauf au début de la deuxième guerre de Tchétchénie (dont il soutient le principe), puis lors de l'opération anti-terroriste américaine en Afghanistan, à l'automne dernier. Il prédit alors aux Américains une «guerre longue et impitoyable».
Dans les années 80, ce soldat d’élite sert en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Afghanistan, où il fait l’admiration de ses hommes, gravissant très vite les échelons de la hiérarchie militaire. C’est en août 1991 qu’il gagne ses galons de démocrate, lors de la tentative de coup d’État du KGB et du ministère de la Défense. Commandant de la prestigieuse division parachutiste de Toula, il refuse d’attaquer la Maison Blanche, siège du gouvernement. Son prestige grandit peu à peu. En 1995, il est en conflit ouvert avec le ministre de la Défense de l'époque, le général Pavel Gratchev, qu'il accuse ouvertement de corruption.
Le général Lebed, que beaucoup de Russes voient alors comme le sauveur de la nation, démissionne de l'armée pour se lancer dans la politique au sein d'un mouvement nationaliste modéré, le Congrès des communautés russes. Elu député, il se présente à la présidentielle de juin 1996, prônant la lutte contre les mafias, l’anarchie, et les politiciens corrompus. Au plus fort de sa popularité, il est crédité de 40% des intentions de vote. Mais il n’arrive finalement que troisième au premier tour, avec près de 15% des voix. Il se rallie alors à Boris Eltsine, assurant ainsi la victoire de ce dernier face au communiste Guennadi Ziouganov.
Il noue des relations avec Alain Delon
Eltsine apprécie ce coup de main décisif et le nomme secrétaire du Conseil de sécurité russe. Le général Lebed est chargé à ce titre de négocier un accord de paix avec les indépendantistes tchétchènes. Habile négociateur, il parvient, en se rendant sur place, à mettre fin à la première guerre de Tchétchénie avec la signature des accords de Khassaviourt, le 31 août 1996. Fort de ce succès, il part en guerre contre les faucons du Kremlin, qui lui reprochent les concessions faites aux Tchétchènes.
Mais la faveur présidentielle ne dure pas. En haut lieu, il commence à agacer certains dignitaires du régime, notamment le Premier ministre Viktor Tchernomyrdine. En octobre 1996, Lebed est limogé par Eltsine et semble disparaître dans une trappe, avant de sortir de l'oubli, un an et demi plus tard, en se faisant élire gouverneur de la région de Krasnoïarsk, une riche région minière du sud sibérien. Les caméras occidentales se braquent un moment sur lui lorsque l’acteur français Alain Delon, avec qui il a noué des relations personnelles, se rend sur place pour le soutenir. Lebed effectue plusieurs séjours à Paris. Il y rencontre plusieurs personnalités, début 1997, dont le gaulliste historique Charles Pasqua, et le premier secrétaire du parti socialiste Lionel Jospin, avant d’aller se recueillir à Colombey-les-deux-Eglises sur la tombe du général de Gaulle.
Il nourrit de nouveau des ambitions présidentielles pour 2000, prend des cours de communication, apprend à modérer son discours et soigner son image, accorde des interviews destinées à asseoir sa stature internationale. Pourtant, en acceptant le soutien de l'homme d'affaires controversé Boris Berezovski, il prend le risque d'altérer son image d'incorruptible et d’ennemi des «profiteurs» de Moscou. La région de Krasnoïarsk devait devenir sa base pour la présidentielle. Elle ne fait que l’éloigner de la scène politique nationale et internationale.
D'autant qu'un autre homme fort vient d’apparaître sur la scène politique : l'ex-agent du KGB, Vladimir Poutine, nommé en août 1999 Premier ministre de Boris Eltsine, et dauphin désigné. L’étoile d’Alexandre Lebed pâlit, il donne de plus en plus l’image d’un redresseur de torts solitaire, n’ayant pas su s’entourer de collaborateurs et de soutiens de qualité. On n'entend plus guère parler de lui, sauf au début de la deuxième guerre de Tchétchénie (dont il soutient le principe), puis lors de l'opération anti-terroriste américaine en Afghanistan, à l'automne dernier. Il prédit alors aux Américains une «guerre longue et impitoyable».
par Philippe Quillerier-Lesieur
Article publié le 29/04/2002