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Allemagne

Prophétie macabre ou terrible «gag» d’un internaute ?

Quarante-huit heures après la fusillade qui a fait dix-sept morts dans un lycée de l’est de l’Allemagne, dont l'auteur du massacre lui-même, la police de Erfurt (Thuringe) a dévoilé à la presse un document présenté comme la page personnelle informatique du tueur. Robert Steinhäuser y expose sa passion des armes et sa haine des enseignants. Mais cette page pourrait n’être qu’un canular qui a déjà suscité un vif émoi dans toute l’Allemagne.
De notre envoyé spécial à Erfurt

Au début du mois d’avril, la presse française avait publié de longs extraits du journal intime de Richard Durn, 33 ans, qui venait de tuer froidement huit élus municipaux avant de se suicider. Dans ses écrits, empreints d’une intense introspection, il exprimait son envie d'exister au moins une fois en tuant des gens, ceux qu'il considérait responsables de son échec personnel.

La prose supposée de Robert Steinhäuser, plus directe et plus crue, exprime la même logique paranoïaque. L'internaute qui se connecte sur cette page informatique était «accueilli» par un «INTERDIT aux profs et aux sangsues», un avertissement dans le plus pur style potache, en apparence seulement. D’emblée, le jeune homme est posé en victime expulsée en février du lycée Gutenberg. Quelques lignes plus bas, on découvre son goût pour les bandes dessinées, «celles qui montrent des scènes de guerre et des armes». Puis, sous une photo de l’acteur Arnold Schwarzenegger brandissant un fusil et un revolver- les mêmes armes que celles utilisées vendredi matin- Steinhauser aurait écrit : «Parfois, quand j’entends un professeur égoïste à la mode Stasi* faire un cours nul toute la journée, je me dis que je vais devenir un tueur fou».

Enfin, après avoir été invité à envoyer un courrier électronique à une adresse qui commence par «pumpgun@...», l’internaute découvre en gros les paroles de la chanson mythique des Pink Floyds : We don’t need no education.


Cette page personnelle au ton prophétique laisse pourtant la police perplexe. Dans un premier temps les enquêteurs ont en effet découvert qu’elle avait été modifiée douze heures après la mort de Steinhauser. Et puis dimanche soir elle a brusquement disparu, remplacée par un simple mot d’excuses sur fond blanc. Son auteur explique avoir voulu faire «un gag» et s’excuse d’avoir commis «une erreur terriblement stupide».

Vraie ou fausse, cette affirmation remet en cause les pistes suivies par la police allemande qui en présentant à la presse cette page avait émis l’hypothèse de l'existence d'un complice. Ce «gag» a toutefois été pris très au sérieux par les internautes allemands qui ont découvert effrayés cette chronique de morts annoncées.

*police politique sous le régime est-allemand



par Laurent  Berthault

Article publié le 28/04/2002