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Congo-Brazzaville

La victoire annoncée de la mouvance présidentielle

Selon la Commission nationale d’organisation des élections (CONEL), le Parti congolais du travail (PCT), ex-parti unique, est le grand vainqueur du premier tour des législatives du 26 mai. Les résultats définitifs ne seront pas connus plusieurs jours. Cette consultation constitue le troisième scrutin auquel les Congolais sont conviés en moins cinq mois.
«Vous m’avez donné la pirogue, donnez-moi la pagaie pour que je mène cette pirogue à bon port, c’est-à-dire vers la nouvelle espérance» a souvent répété le président Denis Sassou Nguesso lors de la campagne électorale. Malgré les larges pouvoirs que lui confère la constitution, par exemple le droit de gouverner par décret, il souhaite une majorité parlementaire pour «que le Congo se dote des attributs d’une vraie démocratie». Les électeurs avaient le choix entre 1 204 candidats pour constituer une nouvelle assemblée de 137 députés. Le second tour des législatives aura lieu le 23 juin en même temps que les élections municipales, mais d’ores et déjà la CONEL annonce une large victoire du parti du président. La «transparence» souhaitée par les autorités congolaises n’a pu être vérifiée par l’Union européenne qui n’a dépêché aucun observateur, prétextant des raisons «administratives». En revanche, l’Organisation internationale de la francophonie a envoyé à Brazzaville une dizaine d’experts et de parlementaires venus de Belgique, du Burundi, du Cameroun, d’Egypte, de France, de Guinée, du Mali et du Niger.

Les observateurs qui ont noté que le processus de démocratisation se poursuit au Congo, ont aussi pu voir les nombreux incidents qui ont entaché la tenue de ce scrutin. Dès le 29 mars, les miliciens «Ninjas» du pasteur Frédérik Bitsangou se sont manifestés dans la région du Pool, à plus de 160 km au sud de la capitale Brazzaville. Les combats qui les opposaient à l’armée régulière ont fait fuir les populations civiles qui se sont réfugiées par centaines dans les régions voisines des Plateaux et de la Bouenza. Vindza la principale base des miliciens «Ninjas» dans le Pool est reprise le 27 mai par les Forces armées congolaises, selon un communiqué du ministère de la Défense. En raison des combats, les autorités ont décidé le report du vote dans 8 des 14 circonscriptions que compte la région du Pool.

Entre report et disqualification

Ce premier tour des législatives a été aussi marqué par des troubles dans de nombreux bureaux de vote à Brazzaville. Dans la circonscription nord de la capitale, plus précisément à Talangai, fief du président Sassou Nguesso, des centaines de jeunes gens ont saccagé les bureaux de vote et détruit les enveloppes. Ailleurs ce sont les urnes qui ont été détruites ou emportées par les assaillants. Tous protestent contre les tentatives de fraude orchestrées par le PCT, le parti du président. Dans certains bureaux de vote, les bulletins des candidats de l’opposition manquent à l’appel, dans d’autres, les électeurs ne peuvent voter parce qu’ils ne sont pas en possession de la bonne carte d’identité si ce n’est tout simplement parce qu’ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Face au mécontentement des Brazzavillois, le général Yvon-Jacques Ndoulou, président de la sous-commission de sécurité de la CONEL, et chef d’état-major des Forces armées congolaises, a ordonné la fermeture pure et simple des bureaux où des «incidents graves» ont été constatés.

Une réunion urgente de la CONEL a alors décidé de sanctionner sévèrement «les instigateurs de la violence». Elle a prononcé une dizaine de disqualifications de candidats, qui ne sont, pour l’instant que des candidats d’opposition. Parmi les «disqualifiés» se trouvent Maurice Nguesso, le propre frère du président de la République, ou encore Mathias Dzon, ministre des finances du gouvernement, adversaires des candidats de la mouvance présidentielle, ou du PCT. Charles Zacharie Bowao, le rapporteur général de la CONEL, récuse toutes les insinuations de «sanctions ciblées». Il précise que la CONEL n’est pas un organe politique et n’a agi que dans le «strict respect de ses compétences en sanctionnant des faits graves, et des attitudes anti-démocratiques et anti-républicaines qui empêchent le bon déroulement du scrutin. Il appartient aux disqualifiés d’utiliser les voies de recours prévues par la loi».

Charles Zacharie Bowao justifie, par ailleurs, le retard accusé par la CONEL, dans la publication des résultats définitifs, par «les événements exceptionnels qui ont troublé le scrutin». Les électeurs dans une douzaine de circonscriptions sont appelés à revoter les 29 et 30 mai. Les résultats du premier tour seront donc connus le 31 mai ou dans les «tout premiers jours de juin» précise le rapporteur général de la CONEL, qui confirme par ailleurs qu’un second tour serait nécessaire dans la moitié des circonscriptions du pays pour départager les candidats. «Néanmoins, au vu des premiers résultats, on peut dire que les candidats se réclamant de la mouvance présidentielle pourraient constituer une majorité dans la nouvelle assemblée nationale» conclut-il. Mais l’opposition dénonce le processus électoral, vicié dans son ensemble, depuis le référendum constitutionnel du 20 janvier et l’élection présidentielle du 10 mars.



par Didier  Samson

Article publié le 29/05/2002