Sénégal
Wade piégé par les urnes
Les 2,7 millions d’électeurs sénégalais devaient élire dimanche 12 mai 14 000 conseillers municipaux, ruraux et régionaux. Ce quatrième scrutin en deux ans depuis la présidentielle de février et mars 2000 devait parachever ce qu'on appelle ici «l'achèvement de l'alternance».
De notre correspondant à Dakar
Après une présidentielle, puis des législatives et un référendum constitutionnel, pour ces élections locales du 12 mai, la Cap 21 (une coalition électorale autour du président Wade) avait pour objectif de parachever le processus d'alternance initié en janvier dernier par le président qui, après 27 ans d'opposition, était parvenu à mettre fin au régime socialiste du président Abdou Diouf qu’il avait lui-même reçu en héritage du président Senghor, en 1981.
Seulement voilà, ce 12 mai, tout s'est passé comme si les électeurs sénégalais, après avoir voté en janvier et février 2000 pour la présidentielle et le 29 avril 2001 pour des législatives anticipées, avaient envoyé un message aux autorités de l'alternance: «nous avons notre dose d'élections». Quatre scrutins, entre février 2000 et mai 2002. Si la mouvance présidentielle de Me Wade a sauvé les meubles en «parachevant» son alternance avec une majorité étriquée dans les communes, communautés rurales et conseils régionaux, les «sopistes» (partisans du changement) ont donné l'impression d'en avoir eu assez de «changer» par les urnes pour avoir vécu deux ans durant la même situation.
Le signe le plus significatif de cette consultation a été le taux exceptionnellement élevé des abstentions comme semblaient le confirmer, dès la nuit du dimanche 12 au lundi 13, les premiers résultats distillés par les bureaux de vote. Toutefois l'explication serait trop courte si on ne se limitait qu'à la multiplicité des scrutins dans un espace-temps trop court. Car il semble aussi, et ce n'est pas négligeable, que le «sopi», le slogan de Me Wade depuis les années 80, s'est usé à l'épreuve de deux années de pouvoir. En effet, avec une majorité présidentielle confortable, une suprématie législative incontestable, un plébiscite constitutionnel jamais égalé depuis des décennies, les Sénégalais, avaient, semble-t-il ce 12 mai, décidé que le président Wade «avait désormais tous les moyens pour gouverner» et que le scrutin local n'était qu'une formalité. Aussi, le matin, on a musardé. Mais en milieu de journée, quand la classe politique s'est rendue compte de la catastrophe annoncée d’un fort taux d'abstention, elle a rué dans les brancards et il y eu un sursaut dans l'après-midi. Ce sursaut citoyen a permis au camp du président Wade d'éviter la débâcle en remportant ces élections contre une opposition qui sortait juste de la torpeur dans laquelle elle se trouvait depuis sa défaite de la présidentielle de 2000. L'opposition, en hibernation depuis presque deux ans, semble en effet, avec ces élections locales, avoir entamé une remontée qui l'a même surprise elle-même au regard de la léthargie dans laquelle elle se trouvait depuis janvier 2000.
La fin de «l’état de grâce»
Deux enseignements peuvent donc être tirés de cette élection. Le premier, c'est que tout semble indiquer la fin de «l'état de grâce» pour la majorité constituée autour d’Abdoulaye Wade. Le second enseignement, c’est le réveil de l'opposition, et notamment la diaspora de l'ancien Parti socialiste, après sa débâcle de janvier 2000.
Ce scrutin, qui semble devoir désormais redessiner les contours du prochain gouvernement, reste en phase avec les propos du président Wade après son vote, quand on lui a demandé si les résultats du scrutin pourraient avoir des conséquences sur le futur gouvernement: «A priori, non! Sauf si les données ont été totalement bouleversées. Vous savez, un président est obligé de lire le message qui lui est transmis par les électeurs à travers les élections. Il ne peut pas ne pas en tenir compte. Je reste donc ouvert, et j'attends les résultats. J'en tirerai les conséquences». Aussi, le président Wade, tout en n'excluant pas la possibilité d'un remaniement ministériel, selon les résultats sortis des urnes, s'entoure dans le même temps de garanties.
Ces résultats lui accordent donc une majorité. Et ils annoncent le réveil de l'opposition. Mais, dans le même temps, ils débarrassent le chef de l’Etat pour cinq ans des contraintes d'un calendrier électoral républicain. Ainsi il peut désormais, s'il le désire, gouverner seul. Il peut également choisir de s’allier avec certains partis comme le PS, pour isoler l'AFP (Alliance des Forces du Progrès) de son ex-Premier ministre Moustapha Niasse, ou Aj-Pads de Landing Savané, qui confirme son rang de troisième larron sur l'échiquier politique, ainsi qu’avec le PIT de Amath Dansokho, ancien ministre du premier gouvernement de l'alternance. L’objectif étant de maîtriser le front social qui pourrait constituer, au cours des cinq prochaines années, le seul risque pour «une gouvernance sans problèmes». Ce dont rêve Me Wade.
Après une présidentielle, puis des législatives et un référendum constitutionnel, pour ces élections locales du 12 mai, la Cap 21 (une coalition électorale autour du président Wade) avait pour objectif de parachever le processus d'alternance initié en janvier dernier par le président qui, après 27 ans d'opposition, était parvenu à mettre fin au régime socialiste du président Abdou Diouf qu’il avait lui-même reçu en héritage du président Senghor, en 1981.
Seulement voilà, ce 12 mai, tout s'est passé comme si les électeurs sénégalais, après avoir voté en janvier et février 2000 pour la présidentielle et le 29 avril 2001 pour des législatives anticipées, avaient envoyé un message aux autorités de l'alternance: «nous avons notre dose d'élections». Quatre scrutins, entre février 2000 et mai 2002. Si la mouvance présidentielle de Me Wade a sauvé les meubles en «parachevant» son alternance avec une majorité étriquée dans les communes, communautés rurales et conseils régionaux, les «sopistes» (partisans du changement) ont donné l'impression d'en avoir eu assez de «changer» par les urnes pour avoir vécu deux ans durant la même situation.
Le signe le plus significatif de cette consultation a été le taux exceptionnellement élevé des abstentions comme semblaient le confirmer, dès la nuit du dimanche 12 au lundi 13, les premiers résultats distillés par les bureaux de vote. Toutefois l'explication serait trop courte si on ne se limitait qu'à la multiplicité des scrutins dans un espace-temps trop court. Car il semble aussi, et ce n'est pas négligeable, que le «sopi», le slogan de Me Wade depuis les années 80, s'est usé à l'épreuve de deux années de pouvoir. En effet, avec une majorité présidentielle confortable, une suprématie législative incontestable, un plébiscite constitutionnel jamais égalé depuis des décennies, les Sénégalais, avaient, semble-t-il ce 12 mai, décidé que le président Wade «avait désormais tous les moyens pour gouverner» et que le scrutin local n'était qu'une formalité. Aussi, le matin, on a musardé. Mais en milieu de journée, quand la classe politique s'est rendue compte de la catastrophe annoncée d’un fort taux d'abstention, elle a rué dans les brancards et il y eu un sursaut dans l'après-midi. Ce sursaut citoyen a permis au camp du président Wade d'éviter la débâcle en remportant ces élections contre une opposition qui sortait juste de la torpeur dans laquelle elle se trouvait depuis sa défaite de la présidentielle de 2000. L'opposition, en hibernation depuis presque deux ans, semble en effet, avec ces élections locales, avoir entamé une remontée qui l'a même surprise elle-même au regard de la léthargie dans laquelle elle se trouvait depuis janvier 2000.
La fin de «l’état de grâce»
Deux enseignements peuvent donc être tirés de cette élection. Le premier, c'est que tout semble indiquer la fin de «l'état de grâce» pour la majorité constituée autour d’Abdoulaye Wade. Le second enseignement, c’est le réveil de l'opposition, et notamment la diaspora de l'ancien Parti socialiste, après sa débâcle de janvier 2000.
Ce scrutin, qui semble devoir désormais redessiner les contours du prochain gouvernement, reste en phase avec les propos du président Wade après son vote, quand on lui a demandé si les résultats du scrutin pourraient avoir des conséquences sur le futur gouvernement: «A priori, non! Sauf si les données ont été totalement bouleversées. Vous savez, un président est obligé de lire le message qui lui est transmis par les électeurs à travers les élections. Il ne peut pas ne pas en tenir compte. Je reste donc ouvert, et j'attends les résultats. J'en tirerai les conséquences». Aussi, le président Wade, tout en n'excluant pas la possibilité d'un remaniement ministériel, selon les résultats sortis des urnes, s'entoure dans le même temps de garanties.
Ces résultats lui accordent donc une majorité. Et ils annoncent le réveil de l'opposition. Mais, dans le même temps, ils débarrassent le chef de l’Etat pour cinq ans des contraintes d'un calendrier électoral républicain. Ainsi il peut désormais, s'il le désire, gouverner seul. Il peut également choisir de s’allier avec certains partis comme le PS, pour isoler l'AFP (Alliance des Forces du Progrès) de son ex-Premier ministre Moustapha Niasse, ou Aj-Pads de Landing Savané, qui confirme son rang de troisième larron sur l'échiquier politique, ainsi qu’avec le PIT de Amath Dansokho, ancien ministre du premier gouvernement de l'alternance. L’objectif étant de maîtriser le front social qui pourrait constituer, au cours des cinq prochaines années, le seul risque pour «une gouvernance sans problèmes». Ce dont rêve Me Wade.
par Demba Ndiaye
Article publié le 15/05/2002