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France : législatives 2002

Gauche mosaïque et confusion des genres aux Antilles

Aux Antilles françaises, comme dans l’Hexagone, si la droite s’unit, la gauche, elle, part en rang dispersé aux législatives. De droite ou de gauche, les candidats de la Guadeloupe nouent des alliances contre nature qui déstabilisent l’électeur. Un électeur qui se tourne, parfois, vers le parti du candidat xénophobe Ibo Simon.
De notre envoyée spéciale

A huit mille kilomètre de Paris, la Martinique élira quatre députés parmi 32 candidats. La Guadeloupe, quatre également parmi 48. Comme dans l’Hexagone, les candidats martèlent dans leur campagne la nécessité d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. En particulier, les candidats de droite. Dès le lendemain des élections présidentielles, les partisans martiniquais et guadeloupéens ont appelé à «offrir à Chirac» une forte majorité.

La Guadeloupe avait réservé 91,4 % de votes au seul candidat contre le Front national. Et c’est la Martinique qui, de tous les départements, a le plus voté en faveur de Jacques Chirac (96,14%) contre Jean Marie Le Pen au second tour des présidentielles. Bien avant la création de l’Union pour la majorité présidentielle à Paris, la Martinique avait depuis quelques années rassemblé ses forces au sein de deux blocs locaux : (les Forces Martiniquaises de Progrès et Osons Osez) qui sont apparentés RPR à Paris.

L’électeur identifie donc facilement le candidat rangé à droite. Ce qui n’est pas le cas de la gauche. D’ailleurs, l’humour local aime railler : «en France, la gauche est plurielle, aux Antilles, elle est mosaïque !». Les partis de gauche français traditionnels sont tous présents ou représentés en Martinique et en Guadeloupe, avec parfois des déclinaisons locales. La gauche, en Martinique, ne s’est jamais unie pour les législatives. Les indépendantiste, eux, ne se réclament ni de la gauche, ni de la droite. Les alliances se font et se défont à la faveur des enjeux politiques. Par exemple, la Déclaration de Basse-Tterre de 1999 pour une autonomie des départements français des Antilles a été signée par les présidents de région de Martinique (Alfred Marie-Jeanne, indépendantiste), Guadeloupe (Lucette Michaux-Chevry (Objectif Guadeloupe, RPR), Antoine Karam (Parti socialiste guyanais). Ces rapprochements n’étonnent plus personne aux Antilles, surtout pas les élus qui avancent que ces alliances se nouent «dans l’intérêt de la Guadeloupe».

Mariages politiques surprenants

C’est dans cet archipel que les mariages politiques les plus surprenants se célèbrent. Et les électeurs sont témoins. Le dernier exemple, qui en illustre bien d’autres, est celui de ce candidat qui quitte la gauche avec fracas pour être soutenu par la droite à la veille de la campagne.

Eric Jalton, conseiller régional et ancien conseiller municipal des Abymes, claque la porte de son parti socialiste avec fracas. Il obtiendra quelques jours plus tard, devant les caméras, le soutien appuyé de Lucette Michaux-Chevry, leader d’Objectif Guadeloupe, le RPR local. Et en Guadeloupe, un soutien de la présidente de la région équivaut à un laisser-passer vers le poste brigué, tant cette «maîtresse-femme» est populaire en Guadeloupe. Continuons le récit de la cérémonie de mariage. Voilà comment arrivent les cadeaux demandés par l’heureux élu : Eric Jalton. Inscrit donc sans étiquette officielle, il se présente dans sa circonscription (la première : Pointe-à-Pitre–Abymes–Marie-Galante)face à neuf autres candidats dont Simon Ibo, le populaire candidat poursuivi en justice pour harcèlement racial depuis le 4 septembre 2001 : Même sous la menace d’une condamnation, Simon Ibo (Gwadloup Doubout) n’en est pas moins convoité par les politiques locaux. Comme Eric Jalton. Publiquement, il déclare qu’«Ibo Simon n’est pas mon ennemi. Je ne l’ai pas diagnostiqué comme un raciste ou un xénophobe».

Ibo Simon est d’abord un animateur de télé populaire, qui sait galvaniser des foules, en accusant les étrangers de tous les maux (en grande partie Haïtiens et dominicains). Devant le succès de cet homme qui occupe les écrans de la chaîne Canal 10, rares sont les hommes politiques qui ont osé dénoncer les propos violents prononcés par l’animateur de peur de se priver de quelques électeurs. Car les idées d’Ibo Simon ont fait leur chemin…

Dans les trois autres circonscriptions de la Guadeloupe, d’autres alliances étonnantes pourraient dissuader l’électeur de se rendre en nombre aux urnes. En Martinique, la division de la gauche « mosaïque » risque de faire le même effet. Les taux de participation dans les Antilles françaises aux élections législatives ont rarement dépassé les 50 %.



par Karole  Gizolme

Article publié le 07/06/2002