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Australie

Bras de fer avec les demandeurs d'asile

A la suite de déclarations du Premier ministre australien, Philip Ruddock, évoquant la possibilité «de retour forcé» ainsi que le paiement d’indemnités pour la durée de leur séjour dans les centres de détentions du pays, la tension est montée parmi les demandeurs d’asile dont la requête a été rejetée. Cent-quatre-vingt-dix personnes ont entamé une grève de la faim et 50 d’entre elles se sont cousues les lèvres.
De notre correspondante à Melbourne

Dans le centre de Woomera (dans l’état de l’Australie du Sud), environ 190 personnes, selon un détenu, et 164 selon le porte-parole du département de l’immigration, ont entamé une grève de la faim. Parmi eux, on compte 21 mineurs, dont 15 enfants âgés de 6 à12 ans, et une femme enceinte. Le nombre de personnes qui se sont cousues les lèvres est encore incertain. Le département de l’immigration parle de 4 adultes, mais selon un détenu, ce chiffre s’élèverait à 50 personnes. Par ailleurs, une femme de 37 ans a tenté de se suicider dans l’espoir de donner une chance supplémentaire à son fils de rester en Australie. Les grévistes semblent déterminés et selon des détenus contactés par téléphone, ils sont décidés à poursuivre leur action «jusqu’à la mort». Ces actions rappellent les évènements intervenus au mois de janvier dernier dans ce même centre de détention qui regroupe près de 250 demandeurs d’asile, pour la majorité Afghans et Iraniens.


Ces actes de désespoir s’expliquent par le climat de dépression collective souligné par les représentants des Nations unie, mais interviennent surtout à la suite de déclarations de Philip Ruddok. Le Premier ministre Australien a annoncé l’éventualité de «retours forcés» pour les quelque 1 100 demandeurs d’asile afghans présents dans les centres de détentions répartis sur cette île du continent. Une délégation de Canberra s’est rendue dans le centre de Woomera la semaine dernière pour donner un ultimatum aux détenus. Selon le porte-parole afghan du camp, les membres de la délégation leur ont donné le choix «d’accepter l’aide au rapatriement ou de passer le reste de leur vie en détention».

«Jusqu'à la mort»

L’accord récent signé avec le gouvernement de Kaboul prévoit uniquement les retours volontaires en Afghanistan. Afin d’encourager cette démarche, le gouvernement australien a proposé une enveloppe de 2000 dollars australiens ($A) soit 1200 euros par personne et 10 000 $A (5900 euros) par famille. Par ailleurs, l’Australie a versé près d’un million de dollars (600 000 euros) pour la réhabilitation d’un bâtiment à Kaboul, en vue d’accueillir temporairement les volontaires au rapatriement. Actuellement, seulement une douzaine de personnes a souhaité obtenir plus d’informations sur cette procédure et le gouvernement de Philip Ruddock entend maintenant passer à la vitesse supérieure.


Pendant que les négociations avec les autorités de Kaboul se poursuivent, le département australien de l’immigration fait pression auprès des demandeurs d’asile en leur adressant des factures pour leur séjour en détention. Les sommes peuvent atteindre jusqu’à 200 000 $A (120.000 euros). En effet, un article du Code d’Immigration de 1958 peut obliger les détenus à payer un dédommagement au gouvernement fédéral pour couvrir les frais de leur détention. La tarification des «frais de séjour» varie de 60 à 191 $A (entre 36 et 114 euros) par jour, selon les centres de détention. Certains étant détenus depuis plus de 5 ans, des sommes considérables leur sont réclamées. Plusieurs avocats, qui travaillent pour les réfugiés se sont engagés dans la lutte pour contrer cet article. Il faut savoir qu’en 2001, le coût de la gestion des demandes d’asile s’est élevé à plus de 100 millions de $A (soit 60 millions d’euros) pour les contribuables australiens. C’est, désormais, un bras de fer humain, financier et médiatique qui se joue dans les centres de détention australiens.





par Carole  Martin

Article publié le 30/06/2002