Environnement
La dépollution par les plantes
Comment nettoyer les terres gravement polluées par l’activité humaine ? C’est à cette tâche que les ministres de l’Environnement européens viennent de s’atteler. Dans les pays de l’Union, 16% des terres ont été dégradées par l’homme. Sur l’un des sites les plus pollués, dans le Nord de la France, le premier producteur européen de plomb, les écologistes et les scientifiques expérimentent une méthode de dépollution… toute en douceur.
De notre envoyé spécial dans le nord de la France
Tout autour de l’usine Métaleurop, de petites fleurs roses et blanches frétillent au bout de leurs frêles tiges d’une vingtaine de centimètres. Ces plantes sauvages, on en trouve nulle part ailleurs dans la région, à vrai dire elles sont même assez rares en général. Et pour cause : pour grandir, l’armeria et la cardaminopsis ont besoin…de plomb, de beaucoup de plomb. Ici, les sols en sont saturés, jusqu’à dix fois la norme autorisée pour les terres agricoles.
Pendant plus d’un siècle, l’usine a craché dans l’atmosphère des tonnes et des tonnes de particules qui ont imprégné les champs et les jardins ouvriers des communes situées dans un rayon de deux à trois kilomètres. Toute la chaîne alimentaire a été contaminée, les nappes phréatiques sont menacées. «Pendant des années, dans l’industrie on ne se préoccupait que de produire, produire, sans se soucier du reste», constate le porte parole du groupe Michel Trabuc. Le bilan sanitaire est sans surprise: 5 études médicales ont révélé la présence de plomb dans le sang de salariés et des riverains, allant jusqu’à des cas de saturnisme chez des enfants(troubles nerveux provoqués par une intoxication au plomb).
C’est en découvrant aux abord de l’usine les plantes gourmandes en plomb que des chercheurs locaux ont imaginé une solution simple et peu onéreuse pour nettoyer les sols : il suffit de planter sur de grandes surfaces des plantes qui accumulent des métaux et qui surtout fournissent beaucoup plus de matières végétales (feuillage et tige). A 500 mètres de l’usine, Tauw Environnement, agence spécialisée dans les processus de dépollution, va faucher en septembre sa première récolte -fortement plombée- de moutarde, luzerne et fromental. Le foin sera ensuite incinéré, puis, les cendres traitées dans l’usine Métaleurop afin d’y récupérer…le plomb. Retour à l’envoyeur, en quelque sorte.
Une technique adaptable au climat africain
Il faudra pourtant dix à quinze ans pour rendre ces terres à l’agriculture conventionnelle. De plus, les champs les plus éloignés, donc moins pollués, sont paradoxalement plus difficiles à traiter. «Dans ce cas, ça ne sert à rien d’essayer de dépolluer. On peut y faire pousser des produits agricoles non-alimentaires, par exemple du lin pour le textile», suggère Thierry Imbert, de Tauw Environnement.
Peu onéreuse et facile à mettre en oeuvre, la dépollution du sol par les plantes s’avère particulièrement efficace dans les zones intertropicale et équatoriale. A raison de deux à trois récoltes par an, les terres sont dépolluées plus vite qu’en Europe. De plus, le fort ensoleillement et une température élevée permettent de récupérer facilement les métaux par une technique d’arrosage et de fermentation du compost constitué par les matières végétales.
A l’inverse de techniques onéreuses d’excavation de la terre, ce procédé de dépollution par les plantes présente l’avantage de la simplicité et de l’économie. Mais avant d’avoir pu obtenir de planter la première graine de moutarde aux portes de l’usine, les écologistes locaux, emmenés par Danielle Poliautre (Environnement et Développement Alternatif) ont d’abord dû batailler plus de vingt ans contre les dirigeants du groupe qui s’obstinaient à nier la gravité de cette pollution. Il y a trois ans, brusque revirement de Metaleurop. A cette date, l’entreprise -qui vient de réorienter son activité vers le recyclage du plomb des batteries- décide de prendre contact avec les écologistes. Aujourd’hui, à l’heure de l’entreprise citoyenne et du développement durable, elle assure consacrer 30% de ses investissements à l’environnement. Après avoir soldé leurs ultimes démêlés judiciaires, Métaleurop et E.D.A viennent même de signer une convention qui a donné naissance au premier «Espace Biotique», centre de documentation unique en Europe consacré aux dépollutions industrielles.
Ecouter également:
Ecoutez le reportage de Laurent Berthault
Liens utiles:
www.metaleurop.fr
www.tauw.fr
Tout autour de l’usine Métaleurop, de petites fleurs roses et blanches frétillent au bout de leurs frêles tiges d’une vingtaine de centimètres. Ces plantes sauvages, on en trouve nulle part ailleurs dans la région, à vrai dire elles sont même assez rares en général. Et pour cause : pour grandir, l’armeria et la cardaminopsis ont besoin…de plomb, de beaucoup de plomb. Ici, les sols en sont saturés, jusqu’à dix fois la norme autorisée pour les terres agricoles.
Pendant plus d’un siècle, l’usine a craché dans l’atmosphère des tonnes et des tonnes de particules qui ont imprégné les champs et les jardins ouvriers des communes situées dans un rayon de deux à trois kilomètres. Toute la chaîne alimentaire a été contaminée, les nappes phréatiques sont menacées. «Pendant des années, dans l’industrie on ne se préoccupait que de produire, produire, sans se soucier du reste», constate le porte parole du groupe Michel Trabuc. Le bilan sanitaire est sans surprise: 5 études médicales ont révélé la présence de plomb dans le sang de salariés et des riverains, allant jusqu’à des cas de saturnisme chez des enfants(troubles nerveux provoqués par une intoxication au plomb).
C’est en découvrant aux abord de l’usine les plantes gourmandes en plomb que des chercheurs locaux ont imaginé une solution simple et peu onéreuse pour nettoyer les sols : il suffit de planter sur de grandes surfaces des plantes qui accumulent des métaux et qui surtout fournissent beaucoup plus de matières végétales (feuillage et tige). A 500 mètres de l’usine, Tauw Environnement, agence spécialisée dans les processus de dépollution, va faucher en septembre sa première récolte -fortement plombée- de moutarde, luzerne et fromental. Le foin sera ensuite incinéré, puis, les cendres traitées dans l’usine Métaleurop afin d’y récupérer…le plomb. Retour à l’envoyeur, en quelque sorte.
Une technique adaptable au climat africain
Il faudra pourtant dix à quinze ans pour rendre ces terres à l’agriculture conventionnelle. De plus, les champs les plus éloignés, donc moins pollués, sont paradoxalement plus difficiles à traiter. «Dans ce cas, ça ne sert à rien d’essayer de dépolluer. On peut y faire pousser des produits agricoles non-alimentaires, par exemple du lin pour le textile», suggère Thierry Imbert, de Tauw Environnement.
Peu onéreuse et facile à mettre en oeuvre, la dépollution du sol par les plantes s’avère particulièrement efficace dans les zones intertropicale et équatoriale. A raison de deux à trois récoltes par an, les terres sont dépolluées plus vite qu’en Europe. De plus, le fort ensoleillement et une température élevée permettent de récupérer facilement les métaux par une technique d’arrosage et de fermentation du compost constitué par les matières végétales.
A l’inverse de techniques onéreuses d’excavation de la terre, ce procédé de dépollution par les plantes présente l’avantage de la simplicité et de l’économie. Mais avant d’avoir pu obtenir de planter la première graine de moutarde aux portes de l’usine, les écologistes locaux, emmenés par Danielle Poliautre (Environnement et Développement Alternatif) ont d’abord dû batailler plus de vingt ans contre les dirigeants du groupe qui s’obstinaient à nier la gravité de cette pollution. Il y a trois ans, brusque revirement de Metaleurop. A cette date, l’entreprise -qui vient de réorienter son activité vers le recyclage du plomb des batteries- décide de prendre contact avec les écologistes. Aujourd’hui, à l’heure de l’entreprise citoyenne et du développement durable, elle assure consacrer 30% de ses investissements à l’environnement. Après avoir soldé leurs ultimes démêlés judiciaires, Métaleurop et E.D.A viennent même de signer une convention qui a donné naissance au premier «Espace Biotique», centre de documentation unique en Europe consacré aux dépollutions industrielles.
Ecouter également:
Ecoutez le reportage de Laurent Berthault
Liens utiles:
www.metaleurop.fr
www.tauw.fr
par Laurent Berthault
Article publié le 02/06/2002