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Guinée

L’opposition divisée face aux législatives

Le gouvernement guinéen confirme la tenue des élections législatives, le 30 juin. Initialement prévues en septembre 2000, ces élections plusieurs fois reportées, ont été aussi à plusieurs reprises boycottées par de nombreux partis politiques. Les mêmes appellent encore à boycotter cette consultation, mais l’unité, autrefois affichée par les partis d’opposition, n’est plus aujourd’hui de rigueur.
Sept-cent soixante-neuf candidats briguent les 114 sièges de députés du parlement guinéen. Douze partis politiques décident de participer à cette consultation et servent de caution au pouvoir du général-président Lansana Conté. Ils font tous partie de la mouvance présidentielle, mais peuvent se réjouir de la participation de trois partis de l’opposition, l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR) de Siradiou Diallo, l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG) de Jean-Marie Doré et le Parti du peuple de Guinée (PPG) de Charles-Pascal Tolno. Ces trois partis se défendent d’être des faire-valoir et choisissent de ne pas laisser la «voie royale» au pouvoir organisé autour du parti du président le PUP (Parti de l’unité et du progrès).

L’opposition qui conteste cette démarche s’organise dans une nouvelle alliance politique pour appeler au boycott du scrutin du 30 juin. Ce Front républicain pour l’alternance démocratique (FRAD) comprend six partis dont le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) du professeur Alpha Condé, emblématique opposant du pouvoir guinéen. De nombreuses autres personnalités animent cette nouvelle alliance dont El-hadj Boubacar Biro Diallo, le président de l’Assemblée sortante. Sa participation au front du refus apporte un poids supplémentaire à cette nouvelle alliance politique qui annonce déjà l’organisation très prochaine de marches dans les rues «pour protester et pour défendre la démocratie et l’Etat de droit en danger Guinée».

L’Union européenne s’abstient

Les conditions d’organisation du scrutin ne sont pas dignes d’une démocratie selon le FRAD qui estime que le nouveau Conseil national électoral (CNE) ne dispose ni des moyens ni du temps nécessaire pour organiser les élections et encore moins de l’autonomie indispensable pour une telle structure chargée de superviser le scrutin. Dans sa logique du boycott, le FRAD reçoit un appui inattendu de l’Union européenne qui refuse de financer cette consultation. Elle se garde aussi d’envoyer des observateurs à ces élections en invoquant «une incertitude de transparence des opérations de vote». L’Union européenne demande au gouvernement guinéen de reprendre le processus électoral par «des discussions avec les partis politiques et la société civile» pour la mise en place d’un nouveau conseil électoral aux pouvoirs «élargis et renforcés». Seule la Chine a promis 60 000 dollars comme participation aux frais de financement des élections alors que le montant estimé par le gouvernement est de 4 millions de dollars.

La réaction du gouvernement, comme dans le bon vieux temps sous la dictature de Sékou Touré, est passée par les médias officiels qui parlent «d’immixtion dans les affaires intérieures guinéennes». A la radio nationale et la télévision des éditoriaux condamnent cette ingérence et, dans des termes élogieux, flattent l’action conduite par Lansana Conté à la tête de l’Etat. Avant même l’échéance électorale du 30 juin, il renforce son pouvoir et son autorité en nommant de très proches collaborateurs à la présidence de la république qui ont rang de ministres. Il s’agit du ministre secrétaire général de la présidence, du ministre-conseiller chargé des relations avec les institutions républicaines, du ministre-conseiller politique et du ministre-directeur de cabinet.

Cette dernière nomination du ministre-directeur de cabinet intervient quelques temps avant la démission de madame Mahawa Bangoura, ministre des Affaires étrangères. Elle a été remplacée par François Lonseny Fall, ambassadeur de Guinée auprès de l’ONU. Toutes ces nominations n’ont fait l’objet d’aucune explication de la part du pouvoir tout comme la décision de fermeture de tous les établissements scolaires et universitaires alors que les vacances sont normalement prévues pour la fin juin. Les milieux scolaire et universitaire sont des bastions traditionnels de la contestation qui risquent de poser quelques problèmes en ces moments d’élections controversées, alors le gouvernement a pris la décision arbitraire des vacances prématurées.



par Didier  Samson

Article publié le 11/06/2002