Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Justice internationale

De la Sierra Leone au Liban, les casques bleus en sursis

Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU doit se prononcer dans la nuit sur la reconduction de sa mission en Bosnie-Herzégovine, la Force intérimaire des Nations unies au Liban pourrait bien être, fin juillet, la prochaine victime du bras de fer entre Washington et la CPI.
Depuis dimanche, l’opposition des Etats-Unis à l’instauration de la Cour pénale internationale (CPI) donne lieu à une épreuve de force qui menace l’ensemble des missions de l’ONU dans le monde. Depuis le 1er juillet, date de l’entrée en vigueur de la Cour, les présumés-responsables des crimes les plus graves peuvent être déférés devant cette première cour criminelle dont la principale originalité réside dans son indépendance. Plus de soixante-dix pays l’ont ratifiée. Les Etats-Unis comptent parmi les grands absents. Mais ils ne se sont pas satisfaits de ne simplement pas le faire. Désormais ils s’inscrivent dans une lutte acharnée dont le dernier épisode est le veto qu’ils ont mis, dimanche, à la poursuite de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH), dans laquelle ils sont engagés à hauteur de quarante-six hommes. Leur crainte est qu’ils puissent un jour commettre des actes relevant de la Cour et qu’ils soient déférés devant elle. La justice n’échappe pas, en effet, à la conception isolationniste que Washington applique dans ses relations au reste du monde, et, du point de vue américain, il n’est pas envisageable qu’un américain soit traduit devant un tribunal qui ne serait pas américain. C’est un droit constitutionnel. Exit, donc, l’idée même d’une justice internationale.

Bons princes, et bien conscients de l’impopularité de leur démarche, les Américains ont toutefois laissé un délai de grâce de soixante-douze heures à leurs partenaires du Conseil de sécurité pour envisager les modalités de la fin de la mission que celui-ci envisageait de reconduire séance tenante et, éventuellement, la formule qu’il conviendrait d’adopter pour qu’un vide préjudiciable à la paix civile ne s’installe en Bosnie-Herzégovine au cours de ces six prochains mois. Le Conseil dispose encore de quelques heures, jusqu’à minuit, heure de New York, pour négocier un compromis. Des propositions circulent. L’une d’entre elle consiste à appliquer par anticipation aux soldats de l’ONU l’article 16 de la CPI, qui consiste, à la demande du Conseil de sécurité, à surseoir aux poursuites contre les présumés-coupables de crimes relevant de la compétence du tribunal.

La FINUL, prochaine victime du veto américain ?

La disparition de la MINUBH n’est pas insurmontable : cette mission devait de toute façon cesser à la fin de l’année et ne pas être reconduite sous l’autorité des Nations Unies. Il était en revanche prévu que l’Union européenne devait reprendre l’affaire en mains et remplir la mission de formation des policiers bosniaques qui était jusqu’alors celle de l’ONU. En revanche cet épisode révèle un problème de fond qui est autrement plus embarrassant pour la communauté internationale : il est clair désormais que, pour manifester son opposition à la CPI, Washington ne joue plus sur son seul pouvoir d’influence au niveau bilatéral, mais s’inscrit dans une stratégie globale de blocage des institutions onussiennes qui pourrait, à terme, paralyser toutes les missions de l’organisation internationale. La paix résisterait-elle à un désengagement de la Sierra Leone, du Kosovo, du Timor Oriental, de la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie, pour ne citer que ces exemples-là ?

Dans quelques jours, le secrétaire général de l’ONU présentera son rapport sur la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) et demandera la prorogation de son mandat. Il n’y a aucun américain au sein de cette force. Néanmoins, Washington peut bloquer, en utilisant son veto, son renouvellement et le 31 juillet les trois mille six cent trente casques bleus et cent cinquante membres civils de la mission, appartenant à huit pays, devront quitter le sud-Liban avec armes et bagages. Ce serait alors la fin d’une mission démarrée en 1978 (au titre de la résolution 425).

De l’avis général, la FINUL n’a jamais brillé par son efficacité, ni à empêcher les attaques israéliennes contre le Liban, ni à dissuader les incursions du Hezbollah contre Israël. D’ailleurs sa mission n’est que d’observer. En conséquence, Beyrouth estime qu’elle apporte des témoignages utiles et n’a jamais réclamé son départ, bien au contraire. Dans la capitale libanaise, tant au siège de la mission des Nations Unies qu’au ministère libanais des Affaires étrangères, on ne faisait aucun commentaire ce mercredi soir sur une telle éventualité.



par Georges  Abou

Article publié le 03/07/2002