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Entreprises

Opération «comptes propres» aux Etats-Unis

Les autorités américaines et la Commission de sécurité boursière (SEC) joignent leurs efforts pour enrayer la vague de délinquance en col blanc qui éclabousse des entreprises de premier plan. Le but est de redonner confiance aux investisseurs afin de mettre un terme à la baisse inquiétante des cours boursiers.
Il n’est plus un jour où n’éclate aux Etats-Unis une affaire de faillite frauduleuse ou de «maquillage» des comptes d’entreprises pour s’attirer les bonnes grâces de Wall Street. Dans le collimateur, les chefs d’entreprises qui se laissent aller à donner à leurs résultats financiers un aspect plus présentable que reflétant la réalité aux actionnaires, et, par contrecoup, les cabinets d’audit qui certifient ces comptes embellis.

Après les chutes retentissantes de Enron, courtier en énergie, et de WorldCom, opérateur de télécommunications, le sixième câblo-opérateur américain Adelphia, aujourd’hui en faillite, relance le débat. Il n’est pas si fréquent, en effet, de voir cinq hauts dirigeants d’une entreprise, dont le PDG-fondateur John Rigas, arrêtés menottes aux poignets sous les caméras des télévisions. On reproche à la famille Rigas: corruption, manquement aux obligations fiduciaires, gaspillage d’actifs d’entreprise, enrichissement malhonnête.

La SEC marque sa volonté de resserrer les boulons en matière d’orthodoxie comptable des entreprises cotées et enquête actuellement sur la filiale de services internet AOL et une douzaine de banques d’investissement. Ces affaires illustrent bien les deux aspects du problème actuellement au coeur de la crise de confiance des investisseurs en bourse.

Les sacro-saintes «attentes du marché»

Tout d’abord, l’obligation faite aux chefs d’entreprise d’atteindre les objectifs de rentabilité, parfois surestimés, fixés par les actionnaires et appelés «les attentes du marché». Le conflit d’intérêt, ensuite, qui pèse sur les analystes financiers chargés de publier des rapports sur les entreprises qui sont également clientes de leur activité d’audit comptable.

Dans le cas d’AOL, le quotidien Washington Post a entraîné l’ouverture d’une enquête de la Commission de sécurité boursière après avoir révélé que le chiffre d’affaires était gonflé d’au moins 270 millions de dollars entre 2000 et 2002 pour ne pas décevoir les attentes des investisseurs. En ce qui concerne les douze banques d’investissement de Wall Street les recherches portent sur l’éventualité de pressions sur leurs analystes afin qu’ils publient des rapports exagérément optimistes sur des sociétés afin qu’elles concèdent de juteux contrats à leur firme d’investissement. Déjà Merrill Lynch a dû verser 100 millions de dollars d’amende parce que ses analystes émettaient des opinions contradictoires entre ses rapports publics et ses courriers électroniques confidentiels. Pour remédier à cela la SEC vient d’adopter de nouvelles dispositions obligeant les analystes à certifier que leurs écrits reflètent bien leur opinion personnelle.

Face à cette opération «comptes propres» le gouvernement Bush et le Congrès américain ne se veulent pas en reste. Un compromis sur la réforme de la comptabilité des entreprises, proposée par la Maison-Blanche, est intervenu entre les deux chambres et la justice devrait d’ici peu réprimer plus sévèrement les patrons qui enfreignent la loi. Les chefs d’entreprises devront certifier la véracité de leur comptabilité et les sociétés d’audit comptable seront elle-mêmes contrôlées par une commission indépendante. Effet de cette manifestation de fermeté ? Les marchés américains ont réalisé une spectaculaire remontée dès l’annonce de cet accord et les bourses européennes semblaient reprendre quelques couleurs, jeudi, dans la foulée.

Lire également:
Wall Street: les bons, les brutes et les truands
l'éditorial économique de Norbert Navarro



par Francine  Quentin

Article publié le 25/07/2002