Immigration
Chirac veut réformer le droit d’asile
Le 14 juillet, le président Chirac a annoncé une réforme prochaine du droit d’asile. Il veut réduire à un mois le délai d’examen de chaque dossier.
«Il faut immédiatement réformer le droit d’asile (…). Aujourd’hui, quand quelqu’un demande le droit d’asile, la décision demande dix-huit mois, c’est absurde et cela ne sert à rien». Rapporté à une heure d’entretien en face à face avec trois journalistes, cet épisode de la déclaration présidentielle a pu passer inaperçu, voire obscur pour une majorité de téléspectateurs. Pourtant cette réforme n’est pas une surprise et on note que Jacques Chirac reprend là les projets du gouvernement précédent.
En l’état, les réactions à la courte déclaration du président de la République sur la réforme du droit d’asile sont modérées. Actuellement les organisations de défense des droits de l’homme sont unanimes pour dénoncer la longueur d’une procédure qualifiée «d’absurde» par Jacques Chirac et qui aboutit, dans plus de 80% des cas, à un rejet de la demande... mais au bout d’un an ou deux, ce qui rend extrêmement difficile un retour au pays volontaire et, finalement, fabrique des clandestins. Pour autant, le nouveau délai suggéré par le chef de l’Etat pour procéder à l’examen des cas, «un temps inférieur à un mois», provoque une certaine perplexité. Pour le directeur général de l’association France-Terre d’asile, Pierre Henry, la réforme est nécessaire, la réduction des délais indispensable, mais là, «c’est irréaliste !». A moins d’adopter une procédure expéditive et arbitraire, ou de poursuivre sur le registre actuel qui érige le droit d’asile en «industrie du refus». En conséquence, tous les spécialistes interrogés s’accordent sur une réduction des délais à six mois. Ce qui reviendrait à appliquer la circulaire signée en 1991 par le premier ministre de l’époque, Edith Cresson !
Mais pourquoi diable le droit d’asile, conventionnellement et constitutionnellement reconnu, fait-il débat au point qu’il se manifeste à l’attention du peuple français lors d’un rendez-vous annuel avec son président ? En 2001, bien qu’en constante augmentation, il ne concernait que quarante-sept mille personnes. Par ailleurs, «il correspond a quelque chose d’essentiel qui est totalement dans notre culture et dans notre histoire», a rappelé dimanche Jacques Chirac. Et, en toute logique, aucune polémique ne devrait venir troubler la sérénité des fonctionnaires qui ont la lourde charge de l’attribuer ou le refuser. Mais, avec la fermeture de plus en plus hermétique des frontières, il se trouve que le statut de réfugié est devenu la dernière porte d’entrée légale dans les pays du Nord. Et, forts de cette constatation, les pouvoirs publics s’y intéressent de très près depuis maintenant plusieurs années. C’est ainsi que des procédures accélérées, dites «prioritaires», ont été instaurées, en 1998, pour les pays réputées «sûrs». De ce fait, depuis l’avènement de la démocratie en Pologne et au Mali, par exemple, le demandeur d’asile originaire de l’un de ces deux états devra soumettre à l’Office français pour les réfugiés et apatrides (Ofpra) un dossier ne laissant planer aucun doute sur la réalité du danger qu’il court. Car il sera a priori suspect d’appartenir à cette caste d’indésirables que sont devenus les réfugiés économiques et sera donc débouté. Contrairement aux ressortissants des pays n’ayant pas acquis ce statut de «pays-sûrs», aucune aide matérielle ne lui sera accordée en attendant la décision de l’Ofpra et, une fois prise, celle-ci sera immédiatement exécutoire.
En attendant l’Europe
En tout état de cause il faudra prendre en considération l’environnement politique européen. Le travail démarré lors du dernier sommet de l’Union, à Séville le mois dernier, a jeté les bases d’une politique commune contre l’immigration clandestine. L’harmonisation se poursuivra dans le registre du droit d’asile pour lequel l’essentiel est déjà fait. Il reste toutefois encore, dans ce domaine, à établir des règles communautaires visant à dissuader les demandeurs de se livrer à ce que les spécialistes appellent un «shopping», c’est-à-dire à se rendre là où les législations sont les plus souples en matière d’accompagnement des demandeurs. Le cas de la Grande-Bretagne, avec le dossier du camp de réfugiés de Sangatte, est le plus éloquent. Les candidats à l’asile qui attendent de traverser clandestinement la Manche sont moins attirés par les standards de qualité de vie britanniques que par les mesures dont bénéficient les demandeurs dès lors qu’ils sont enregistrés comme tels. Bien avant que leurs cas ne soient examinés, ils profitent des aides sociales diverses qui leur assurent de quoi subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille dans la mesure où le regroupement familial n’est pas soumis à l’obtention du statut de réfugié.
Mais lors de son intervention sur ce problème de l’immigration et du droit d’asile, le président de la République a également rappelé deux principes. D’une part, «l’immigration est nécessaire», a-t-il rappelé. A ce stade de la réflexion officielle on ignore encore si le chef de l’Etat nous prépare à une inéluctable ouverture des portes à une immigration de travail, compte tenu de la faiblesse démographique de la «vieille Europe». En tout cas, c’est une sérieuse brèche ouverte dans le mythe «immigration zéro», régulièrement brandi par la frange la plus populiste des politiciens hexagonaux. D’autre part, Jacques Chirac a saisi l’occasion pour réaffirmer que «l’aide au développement est la seule réponse que le monde riche peut et doit apporter aux pays qui sont à l’origine de ces flux».
En l’état, les réactions à la courte déclaration du président de la République sur la réforme du droit d’asile sont modérées. Actuellement les organisations de défense des droits de l’homme sont unanimes pour dénoncer la longueur d’une procédure qualifiée «d’absurde» par Jacques Chirac et qui aboutit, dans plus de 80% des cas, à un rejet de la demande... mais au bout d’un an ou deux, ce qui rend extrêmement difficile un retour au pays volontaire et, finalement, fabrique des clandestins. Pour autant, le nouveau délai suggéré par le chef de l’Etat pour procéder à l’examen des cas, «un temps inférieur à un mois», provoque une certaine perplexité. Pour le directeur général de l’association France-Terre d’asile, Pierre Henry, la réforme est nécessaire, la réduction des délais indispensable, mais là, «c’est irréaliste !». A moins d’adopter une procédure expéditive et arbitraire, ou de poursuivre sur le registre actuel qui érige le droit d’asile en «industrie du refus». En conséquence, tous les spécialistes interrogés s’accordent sur une réduction des délais à six mois. Ce qui reviendrait à appliquer la circulaire signée en 1991 par le premier ministre de l’époque, Edith Cresson !
Mais pourquoi diable le droit d’asile, conventionnellement et constitutionnellement reconnu, fait-il débat au point qu’il se manifeste à l’attention du peuple français lors d’un rendez-vous annuel avec son président ? En 2001, bien qu’en constante augmentation, il ne concernait que quarante-sept mille personnes. Par ailleurs, «il correspond a quelque chose d’essentiel qui est totalement dans notre culture et dans notre histoire», a rappelé dimanche Jacques Chirac. Et, en toute logique, aucune polémique ne devrait venir troubler la sérénité des fonctionnaires qui ont la lourde charge de l’attribuer ou le refuser. Mais, avec la fermeture de plus en plus hermétique des frontières, il se trouve que le statut de réfugié est devenu la dernière porte d’entrée légale dans les pays du Nord. Et, forts de cette constatation, les pouvoirs publics s’y intéressent de très près depuis maintenant plusieurs années. C’est ainsi que des procédures accélérées, dites «prioritaires», ont été instaurées, en 1998, pour les pays réputées «sûrs». De ce fait, depuis l’avènement de la démocratie en Pologne et au Mali, par exemple, le demandeur d’asile originaire de l’un de ces deux états devra soumettre à l’Office français pour les réfugiés et apatrides (Ofpra) un dossier ne laissant planer aucun doute sur la réalité du danger qu’il court. Car il sera a priori suspect d’appartenir à cette caste d’indésirables que sont devenus les réfugiés économiques et sera donc débouté. Contrairement aux ressortissants des pays n’ayant pas acquis ce statut de «pays-sûrs», aucune aide matérielle ne lui sera accordée en attendant la décision de l’Ofpra et, une fois prise, celle-ci sera immédiatement exécutoire.
En attendant l’Europe
En tout état de cause il faudra prendre en considération l’environnement politique européen. Le travail démarré lors du dernier sommet de l’Union, à Séville le mois dernier, a jeté les bases d’une politique commune contre l’immigration clandestine. L’harmonisation se poursuivra dans le registre du droit d’asile pour lequel l’essentiel est déjà fait. Il reste toutefois encore, dans ce domaine, à établir des règles communautaires visant à dissuader les demandeurs de se livrer à ce que les spécialistes appellent un «shopping», c’est-à-dire à se rendre là où les législations sont les plus souples en matière d’accompagnement des demandeurs. Le cas de la Grande-Bretagne, avec le dossier du camp de réfugiés de Sangatte, est le plus éloquent. Les candidats à l’asile qui attendent de traverser clandestinement la Manche sont moins attirés par les standards de qualité de vie britanniques que par les mesures dont bénéficient les demandeurs dès lors qu’ils sont enregistrés comme tels. Bien avant que leurs cas ne soient examinés, ils profitent des aides sociales diverses qui leur assurent de quoi subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille dans la mesure où le regroupement familial n’est pas soumis à l’obtention du statut de réfugié.
Mais lors de son intervention sur ce problème de l’immigration et du droit d’asile, le président de la République a également rappelé deux principes. D’une part, «l’immigration est nécessaire», a-t-il rappelé. A ce stade de la réflexion officielle on ignore encore si le chef de l’Etat nous prépare à une inéluctable ouverture des portes à une immigration de travail, compte tenu de la faiblesse démographique de la «vieille Europe». En tout cas, c’est une sérieuse brèche ouverte dans le mythe «immigration zéro», régulièrement brandi par la frange la plus populiste des politiciens hexagonaux. D’autre part, Jacques Chirac a saisi l’occasion pour réaffirmer que «l’aide au développement est la seule réponse que le monde riche peut et doit apporter aux pays qui sont à l’origine de ces flux».
par Georges Abou
Article publié le 15/07/2002