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Immigration

Partir : un mythe tenace

Nous publions aujourd’hui le premier volet d’une série de trois reportages de Catherine Potet consacrés à «l’immigration vue d’Afrique». Jeudi 13 et vendredi 14 nous publierons les deux autres volets de la série.
«A Tambacounda, comme partout au Sénégal, on reconnaît facilement la maison de l'émigré. Tout simplement parce qu'elle est plus belle et plus grande que les autres» : Baganda Sakho sait de quoi il parle, il est lui-même un «ancien émigré», rentré au Sénégal en 1987. Il est aujourd'hui animateur rural, et tente de retenir les jeunes qui veulent quitter Tambacounda (est du Sénégal) pour partir en France. Baganda Sakho croit que l'avenir de ces jeunes est bel et bien chez eux et non pas en Europe. Et il leur dit que la vie d'émigré n'est pas si facile : «un fils d'imam ou de grand chef, balayeur dans le 18ème arrondissement de Paris, ce n'est pas glorieux», explique Baganda Sakho, «mais quand ils rentrent au Sénégal, les émigrés ne racontent pas quelle est exactement la réalité de leur vie en France». Ceci étant, les candidats au départ sont souvent sourds à ce type d'arguments : c'est le cas d'Adama, vingt-sept ans, qui vit de petits boulots à Tambacounda. Tout ce qu'il voit c'est que ses amis qui sont partis en France «ont une belle maison et aussi une femme», alors que lui vit dans une case et n'est même pas fiancé. Adama ne sait ni lire ni écrire et il se désole de n'avoir jamais eu accès à internet.

Une époque révolue

A Kothiary, petit village proche de Tambacounda, les Kante savent bien ce que l'émigration peut changer dans l'histoire d'une famille. Les trois frères Kanté ont quitté le Sénégal pour la France, dans les années 60 et 70. Avec leurs salaires d'ouvriers, ils ont permis à leur famille (une cinquantaine de personnes), de vivre mieux, dans une grande maison. Ce n'est pas la fortune, mais leur niveau de vie est nettement supérieur à celui des familles qui vivent sans le soutien financier d'un émigré. Chez les Kante, l'aîné, Walli, a 62 ans. Dans 3 ans, il sera à la retraite et il voudrait que son fils de 31 ans, soudeur comme lui, prenne sa suite en Europe. Mais les temps ont changé : la France ne fait plus, depuis longtemps, appel à la main d’œuvre étrangère, comme c'était le cas dans les années 60 et 70.

Le fils Kante ne parvient pas à obtenir de papiers pour aller travailler en France. Entre colère et désespoir, il ne comprend pas pourquoi ce qui était possible pour son père ne l'est pas pour lui. Son oncle, Abdoulaye (le frère de Walli), se désespère lui aussi. Il a vécu 15 ans en France avant de rentrer au Sénégal en 1986, avec l'aide au retour : une somme de 20 000 francs français (versée par l'Etat français), en échange de laquelle il a renoncé à son titre de séjour en France. Avec ces vingt mille francs (3 050 euros), Abdoulaye a tenté de monter une petite entreprise, mais il a échoué. Aujourd'hui, il gagne 45 euros par mois, et regrette amèrement de ne pouvoir retourner travailler en France.

(A suivre)

Ecouter le premier volet



par Catherine  Potet

Article publié le 12/06/2002