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Immigration

Vers une police européenne des frontières

Les ministres de l'Intérieur de 28 pays européens, réunis jeudi à Rome, ont lancé un projet visant à coordonner les actions de l’ensemble des polices des frontières du continent, afin de lutter contre l’immigration clandestine.
Une police européenne des frontières ? C’est «faisable», a assuré le ministre français de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Mais, a précisé la Commission européenne, cela «prendra du temps». Et le commissaire à la Justice et à l'Intérieur, Antonio Vittorino, d’ajouter que «la création d'un corps de garde-frontières européens pourrait être le résultat final d’une politique commune de contrôle, mais pas son point de départ».

Telles sont les conclusions du grand rendez-vous de Rome, où se sont réunis jeudi les ministres de l'Intérieur de 28 pays européens, dont les quinze de l'Union européenne, leurs homologues des douze pays candidats et le ministre turc. Ils ont étudié jeudi une série de mesures communes destinées à mieux contrôler leurs frontières extérieures, afin d'endiguer l'immigration clandestine. Comme prévu, aucune décision n'a été prise, mais une synthèse de leurs réflexions sera présentée lors de la prochaine réunion des ministres de la Justice et de l'Intérieur des Quinze les 13 et 14 juin à Luxembourg, afin de «pouvoir prendre des mesures immédiates», a annoncé le ministre espagnol.

En ligne de mire, la création de cette fameuse police européenne des frontières, dont les dirigeants veulent faire une priorité au moment où l’Europe voit la droite populiste remporter d’importants succès électoraux. Pour autant, il n’est pas question, pour les Européens, de transformer leur continent en bunker. «L'Union européenne, a insisté le ministre grec des Affaires étrangères, ne peut pas être une forteresse, mais doit être un lieu ouvert de démocratie et de respect des droits de l'Homme et des minorités». Rappelant la tradition humanitaire de la France, Nicolas Sarkozy a précisé qu’«il ne s'agit pas de durcir sa position mais de faire respecter les règles. Nous ne sommes pas condamnés à choisir entre le laxisme et une Europe forteresse».

Les aéroports sont les zones les plus vulnérables

Les ministres ont pris connaissance d’une étude dirigée par l'Italie, en collaboration avec l'Espagne, la France, l'Allemagne et la Belgique. Il en ressort que, même si de nombreux immigrés clandestins débarquent sur les côtes méditerranéennes des Etats membres, les zones les plus vulnérables sont les aéroports internationaux. L'effort se portera donc en priorité sur les zones aéroportuaires, points d'entrée de la majorité des futurs clandestins, arrivés munis de visas de tourisme.

Une opération pilote a été menée pendant quinze jours. Des experts en sécurité se sont rendus dans les pays de l'Union et les pays candidats. Les résultats sont édifiants: 4.500 immigrés entrés illégalement en Europe ont été appréhendés dans 24 aéroports européens au cours du mois dernier, selon le ministre espagnol Mariano Rajoy, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne. La plupart de ces clandestins venaient de Chine, d'Equateur, mais également du Brésil, d'Angola, du Nigeria et du Sénégal. Les principaux aéroports de départ sont Pékin, Quito, Hong Kong, Rio de Janeiro, Sao Paulo et Lagos. Les grands aéroports européens de transit sont ceux de Paris, Milan, Amsterdam et Lisbonne. Quant aux destinations finales les plus fréquentes, il s’agit encore de Paris, Londres, Dublin et Madrid.

Les ministres sont tombés d’accord pour procéder par étapes, par rapprochement successifs des procédures et des concepts juridiques. Les accords bilatéraux sont également jugés très positifs, comme les mesures de contrôles qui viennent d'être décidées pour la frontière franco-belge, les accords conclus entre Français et Allemands, ou les avancées qui se profilent entre Paris et Londres à propos du dossier conflictuel du centre de réfugiés de Sangatte.

Concrètement, verra-t-on dans tous les aéroports d’Europe des policiers vêtus du même uniforme et soumis à une hiérarchie unique ? Ce n’est pas la direction à prendre, a expliqué le ministre italien. «L'harmonisation du travail des polices des différents pays est capitale pour garantir la sécurité en Europe. L'objectif final n'est pas tant une police des frontières unique, mais l'interconnexion des données et des informations, ainsi qu'une formation commune pour les policiers».

Les Européens veulent se montrer déterminés. Lors du dîner officiel offert mercredi par le gouvernement italien aux ministres, le chef du gouvernement Silvio Berlusconi a insisté sur «la nécessité de trouver une solution commune, qui soit celle de toute l'Europe». De son côté, le Premier ministre britannique Tony Blair a proposé que le renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine soit discuté en priorité au prochain sommet de l'UE les 21 et 22 juin à Séville (Espagne), dont la réunion de Rome servait de préparation.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 30/05/2002