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Immigration

«Partir aujourd’hui»

Nous publions aujourd’hui le deuxième volet d’une série de trois reportages de Catherine Potet consacrés à «l’immigration vue d’Afrique». Vendredi 14 nous publierons le troisième et dernier volet de la série.
Au Sénégal, les émigrés qui sont partis en France dans les années 60 et 70 se souviennent d’y avoir trouver du travail en quelques jours. Epoque depuis longtemps révolue. Mais pour les jeunes sénégalais, le rêve perdure. Adama a vint-sept ans, il a un petit travail de chauffeur et vit pauvrement avec sa famille dans la région de Tambacounda : «Pour moi, la France c’est le paradis», dit-il, «tous mes amis qui sont là-bas sont heureux et ils ont fait construire une maison ici. Moi, je vis toujours dans une case». Mais Adama a bien peu de chances de voir son rêve de partir en France se réaliser un jour. «Ce ne sont pas les plus pauvres qui partent», explique Baganda Sakho, aujourd’hui animateur rural et lui-même ancien émigré. En effet, les jeunes qui ont le «profil» du candidat à l’émigration n’obtiennent généralement pas de visa, même de courte durée, pour aller en France. Ces jeunes n’ont, la plupart du temps, qu’une solution : tenter de passer en Europe clandestinement via, par exemple, le détroit de Gibraltar. «Et pour cela, il faut payer des passeurs», ajoute Baganda Sakho, «et compter, au minimum deux millions de francs CFA, soit trois mille euros».

Clandestinité et expulsion

David a 33 ans. Il a tenté sa chance en 1989. Il a réussi à rentrer sur le territoire belge sans titre de séjour, mais il l’a payé cher : dix-neuf mois sans papier, sans argent, sans domicile. L’aventure s’est terminée par une expulsion au printemps 1991. «Quand je suis arrivé à l’aéroport de Dakar», raconte-t-il, «j’ai appelé mon oncle, il est venu me chercher. Il m’a donné des habits et de l’argent. Certaines personnes n’ont même pas su que j’avais été expulsé». Rentrer les mains vides, et qui plus est après une expulsion, est une expérience douloureuse, vécue souvent comme une humiliation. Aujourd’hui, David travaille dans une petite entreprise commerciale. Il dit que son séjour en Belgique, où il a souffert «du froid et de la faim», lui a donné beaucoup d’expérience. Et il se dit prêt à repartir en Europe dès demain, si c’est possible. La destination qui le fait rêver ? Les Pays-Bas : «là-bas», dit-il, «on respecte les droits de l’homme». Sa motivation ? La même qu’il y a douze ans : «gagner de l’argent. Pour moi et surtout pour ma famille».

(A suivre)

Ecouter le deuxième volet



par Catherine  Potet

Article publié le 13/06/2002