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Etats-Unis

Un juge donne une leçon de démocratie à Bush

Un juge fédéral vient de donner quinze jours au gouvernement pour publier la liste des personnes arrêtées et détenues au secret après les attentats du 11 septembre.
C’est un coup dur qui vient d’être porté à la politique de secret menée par l’administration Bush dans sa «guerre contre la terreur» : vendredi, un juge fédéral de Washington a donné deux semaines au gouvernement américain pour publier les noms des personnes arrêtées en relation avec les attentats du 11 septembre 2001. Il y a, bien sûr, les prisonniers retenus sur la base de Guantanamo, qualifiés de «combattants illégaux» par les autorités américaines, mais surtout, les centaines de personnes, pour la plupart des immigrés ou des Américains d’origine arabe ou de confession musulmanes arrêtées et détenues au secret au nom d’impératifs de «sécurité nationale».

C’est précisément ce que conteste, dans sa décision, la juge Gladys Kessler : Certes, reconnaît-elle, il est de la responsabilité du pouvoir exécutif de garantir la sécurité des citoyens américains, mais «la première priorité du pouvoir judiciaire est de s’assurer que notre gouvernement opère toujours dans un cadre légal et constitutionnel qui distingue une démocratie d’une dictature». Contrairement à son habitude, le département de la Justice a immédiatement réagi à la décision de la juge Kessler. Dans un communiqué, le ministre adjoint de la Justice l’accuse de «compromettre l’une des plus importantes enquêtes judiciaires de l’histoire, de mettre en danger les efforts pour traduire en justice les responsable de l’attaque haineuse du 11 septembre et d’accroître les risques à venir d’attaques terroristes contre notre nation». Il ne fait guère de doute que le département de la Justice va faire appel de cette décision.

Plus de 1 200 personnes arrêtées après le 11 septembre

Précédemment, une cour d’appel du New Jersey a donné raison au gouvernement dans une affaire similaire, mais à l’inverse, une autre cour d’appel, dans le Michigan, cette fois, a rejeté le huis clos dans des procédures d’expulsion liées aux enquêtes sur les attentats. La décision de Gladys Kessler répond à une requête formulée par une vingtaine d’organisations de défenses des droits de l’homme, parmi lesquelles Amnesty International, Human Rights Watch, ainsi que des associations d’Arabes américains au nom de la loi sur la liberté de l’information.

Toutefois, dans son jugement, la magistrate fédérale admet quelques exceptions, à condition que les détenus eux-mêmes demandent par écrit que leurs noms ne soient pas communiqués. Le nombre de ces derniers est un mystère. L’Attorney Général (ministre de la Justice) John Ashcroft a lui-même «un millier» d’arrestations. Au total, plus de 1 200 personnes ont ainsi fait l’objet d’arrestations à la suite des attentats. La plupart ont été depuis libérées ou expulsées des États-Unis. Mais le nombre de ceux qui demeurent incarcérés au secret est inconnu, et, pour la juge Kessler, en contradiction avec la loi et la constitution des États-Unis. On évoquait, à la mi-juin, le chiffre de 73 dont seul, le nom de Zacarias Moussaoui est public.

Dans le passé, John Ashcroft a justifié ce secret non seulement par le souci de ne pas compromettre les enquêtes en cours, mais également par le fait que la publication de leurs noms «violerait la vie privée» des personnes arrêtées.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 03/08/2002