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Etats-Unis

Pas d'exécution pour les attardés mentaux

La Cour suprême américaine vient de rendre un jugement qui qualifie «d'anticonstitutionnelle» l'exécution des meurtriers handicapés mentaux. Cette décision marque une étape importante dans le combat pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis.
En vertu du huitième amendement de la Constitution américaine qui stipule que «des châtiments cruels et inhabituels» ne doivent pas être infligés, les juges de la Cour suprême ont pris la décision d'interdire l'exécution des meurtriers handicapés mentaux.

Il s'agit d'un véritable revirement de la position de cette instance sur un sujet particulièrement sensible dans l'opinion américaine. La dernière position qui avait été prise, en 1989, établissait, en effet, que la peine capitale pouvait être appliquée aux attardés. Pour le juge John Paul Stevens, cette évolution est à mettre sur le compte «du changement important intervenu ces treize dernières années dans le paysage législatif américain».

En 1989, en effet, seuls deux Etats avaient pris la décision d’interdire l’exécution des handicapés mentaux. Aujourd’hui, ils sont dix-huit à avoir adopté la même attitude. De nombreuses associations luttent contre l’application de la peine de mort et le cas des meurtriers attardés était devenu emblématique de ce combat. Pour Richard Dieter, directeur exécutif du Centre d’information sur la peine de mort, le jugement de la Cour suprême «met fin à une pratique que la plupart des Américains et le reste du monde trouvent odieuse». Même le président George W. Bush, pourtant ferme partisan de la peine de mort lorsqu’il était gouverneur du Texas, s’est prononcé contre l’exécution des handicapés mentaux : «Nous ne devrions jamais exécuter quelqu’un qui est retardé… Notre système juridique doit protéger les gens qui ne comprennent pas la nature du crime qu’ils ont commis».

Même George Bush est contre

Aujourd’hui, la Cour suprême estime donc que «la capacité limitée des délinquants handicapés mentaux requiert une reconsidération de la loi pour les préserver d’une éventuelle condamnation à mort». C’est l’examen du cas de Daryl Renard Atkins, un jeune handicapé mental reconnu coupable de l’enlèvement et l’assassinat d’un militaire américain en 1996, condamné à mort dans l’Etat de Virginie, qui a permis à la Cour de rendre ce jugement. Les avocats du condamné ont fait valoir que le quotient intellectuel de Daryl Atkins n’était que de 59 sur 150, ce qui limitait sa capacité à évaluer la portée de ses actes. Ils ont obtenu gain de cause. Dorénavant, les handicapés mentaux ne pourront plus être exécutés dans les quelque 20 Etats qui autorisaient encore l’application de cette sentence. Mais il est très difficile d’évaluer le nombre de condamnés auxquels ce jugement évitera d’entrer dans le couloir de la mort. A titre indicatif, sur les 775 meurtriers exécutés depuis 1976 aux Etats-Unis, environ 35 montraient des signes de retard mental.

Cette décision n’a pas fait l’unanimité au sein de la Cour suprême. Sur les neuf juges concernés, trois s’y sont opposés. Parmi eux, le très conservateur William Rehnquist qui a estimé que la majorité «s’était gravement trompée» en accordant trop d’importance à la pression internationale et aux groupes d’opinion. Pour son confrère, Antonin Scalia, il est «aisé de feindre» une maladie mentale et ce jugement laisse le champ libre aux simulateurs.

L’association du Barreau américain a, quant à elle, salué cette décision et appelé à «trouver les moyens d’identifier les handicapés mentaux condamnés à mort qui n’ont pas été diagnostiqués comme tels», c’est à dire tous ceux dont le quotient intellectuel se situe sous la barre des 70.



par Valérie  Gas

Article publié le 21/06/2002