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Etats-Unis

Les juges ne peuvent plus condamner à mort

La Cour suprême vient de rendre un arrêt qui annule les condamnations à la peine capitale prononcées par un juge et non par un jury populaire. Dans le système américain, en effet, tous les Etats n’appliquent pas les mêmes règles.
En moins de huit jours, la Cour suprême a pris deux décisions majeures concernant l’application de la peine de mort aux Etats-Unis. Dans un premier temps, les juges ont estimé la semaine dernière qu’il était anticonstitutionnel d’exécuter des meurtriers handicapés mentaux. Lundi, ils ont rendu un arrêt par lequel ils annulent les condamnations à mort prononcées par un juge et non un jury populaire.

La Cour suprême s’est appuyée sur le sixième amendement, qui garantit le droit des accusés à être jugés par un jury, pour prendre sa décision. Elle a donc estimé qu’une sentence imposée par un juge violait la constitution après avoir examiné la requête présentée par les avocats de Timothy Ring, un homme qui avait été reconnu coupable du meurtre d’un convoyeur de fond en 1994 mais pour lequel les jurés avaient estimé qu’il n’y avait pas préméditation. Selon la loi de l’Arizona, l’Etat dans lequel il était jugé, il ne pouvait donc pas être condamné à une peine allant au-delà de la prison à vie. Le juge avait pourtant ensuite trouvé des circonstances aggravantes et prononcé une condamnation à la peine capitale. Pour Ruth Ginsburg qui a rendu compte de la décision de la Cour suprême, «l’Arizona ne présente pas de raisons spécifiques pour enlever aux accusés passibles de la peine de mort les protections constitutionnelles accordées en général aux accusés», c’est à dire le droit «à un procès rapide et public par un jury impartial».

Changement de cap

La Cour suprême revient ainsi sur une de ses précédentes décisions. En 1990, en effet, elle avait estimé qu’un juge était habilité à assumer seul la décision de condamner quelqu’un à mort. Ce changement de cap de la part d’une instance qui n’a jamais remis en cause la peine de mort, montre qu’il existe une volonté d’infléchir l’application de la peine capitale dans le sens d’une plus grande vigilance et d’une meilleure garantie des droits des accusés.

Le débat sur la peine de mort est, en effet, en train d’évoluer aux Etats-Unis sous l’influence internationale et celle des associations. Dans ce contexte, les récentes décisions prises par la Cour suprême ouvrent une brèche et préparent le terrain pour un réexamen plus global de la question. David Elliot, le porte-parole de la Coalition nationale pour l’abolition de la peine de mort, ne s’est pas trompé sur l’importance de l’enchaînement de ces annonces : «Il s’agit de la décision la plus favorable de la Cour suprême en un quart de siècle». Brenda Browser, du Centre d’information sur la peine de mort, fait la même analyse. «Il est très révélateur que la Cour suprême ait exprimé aujourd’hui d’extrêmes réserves à propos de la manière dont la peine de mort est appliquée».

Dans cinq Etats américains sur les 38 qui autorisent encore les condamnations à mort, les jurys se prononçaient jusqu’à présent uniquement sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé alors que le choix de la peine appartenait à un juge unique (Arizona, Idaho, Montana) ou à un collège de juges (Colorado, Nebraska). Dans quatre autres Etats (Alabama, Delaware, Floride, Indiana), les membres des jurys pouvaient faire des recommandations sur la peine mais les juges tranchaient en dernier recours.

L’arrêt de la Cour suprême va modifier la situation en donnant aux jurés la responsabilité de déterminer la peine. Pour Richard Dieter du Centre d’information sur la peine de mort, cette décision «affecte potentiellement des centaines de condamnés à mort et démontre combien il est devenu important de revoir la totalité de la procédure de condamnation à la peine capitale». Le cas de quelque 800 personnes, soit près du cinquième du total des meurtriers actuellement en attente d’une exécution dans le pays (3 700), pourrait ainsi être réexaminé par un jury. Et leur peine pourrait être commuée en détention à vie.



par Valérie  Gas

Article publié le 25/06/2002