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Sénégal

Le MFDC appelle à des négociations en Casamance

Les indépendantistes casamançais du MFDC lancent un appel aux autorités de Dakar pour l’ouverture de négociations de paix. Pour la première fois, les deux leaders historiques du mouvement affirment «parler d’une seule voix».
De notre correspondant à Dakar

Alors que le gouvernement de Me Abdoulaye Wade est empêtré dans une crise sans précédent du monde paysan, une autre crise, plus ancienne et plus violente celle-là, la crise casamançaise, vient de se rappeler à son bon souvenir. En effet, dans une lettre en date du 21 août, les deux leaders historiques du mouvement rebelle MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance), l'abbé Diamacoune Senghor et Sidy Badji, demandent au gouvernement sénégalais l'ouverture de négociations de paix.
Vingt ans de conflit armé ont fini par faire de la crise casamançaise une «banalité» du paysage sénégalais. Me Wade, qui avait fait de la résolution de cette crise un de ses thèmes de campagne lors de l'élection présidentielle de 2002, en promettant une fois élu, de la résoudre en trois mois, donnait l'impression de la reléguer dans le registre des affaires non prioritaires. Officiellement, l'argument avancé était de ne négocier qu'avec un mouvement unifié pour «rendre crédibles» les décisions qui seraient prises.

Doutes sur la sincérité du MFDC

Contre toute attente, les frères ennemis, l'abbé Diamacoune Senghor, secrétaire général du MFDC, et Sidy Badji, l'ex-chef d'état-major du mouvement, sont parvenus à signer un texte commun sous les auspices du Réseau africain des droits de l'homme (Radho), une organisation non-gouvernementale, active sur cette question. Les deux figures de proue du mouvement indépendantiste, mettent le gouvernement devant le fait accompli en déclarant: «En ce qui nous concerne, nous faisons le serment de nous engager de toutes nos forces à oeuvrer unis et sincères pour parler d'une seule voix, afin que cet événement ardemment souhaité par la Casamance meurtrie, de même que toutes les populations de la sous-région, soit un grand succès». Et de conclure: «Nous ne doutons nullement que cet appel solennel trouve dans les meilleurs délais, l'écho attendu par l'opinion politique nationale et internationale».
Trois jours après cet appel, le gouvernement de Me Wade est resté muet. Aucune déclaration officielle n' a été faite. Le gouvernement, outre la surprise de l'unité retrouvée entre les deux chefs rebelles, peut estimer qu’il ne s’agit que d’un énième appel à des négociations de la part du MFDC. Mais l'argument risque de ne pas prospérer auprès de l'opinion qui a toujours pensé que c'est le mouvement indépendantiste qui ne voulait pas de la paix.

Il reste que le gouvernement a des raisons de douter de la sincérité des responsables du MFDC. En effet, une semaine auparavant, le 17 août, l'abbé Diamacoune Senghor, dans une lettre à un des chefs du maquis, Salif Sadio, (ex-chef d'état-major du maquis, qu'on dit mort sans aucune preuve), exhortait celui-ci à continuer le combat jusqu'à «la libération nationale de la Casamance, notre mère à nous tous». Ce qui laisse entendre que le vieux prélat, non seulement n'a pas renoncé à la revendication indépendantiste, mais aussi qu'il souffle le chaud et le froid. Ce qui ne fait que rendre encore plus méfiantes les autorités sénégalaises.
Jusqu'ici, on prêtait au gouvernement de vouloir jouer sur la pourriture du mouvement qui est divisé depuis deux ans aussi bien militairement que civilement. Le seul problème, c'est que les différentes factions continuent de se réclamer de l'abbé Diamacoune et dans une moindre mesure de Sidy Badji. L'alliance scellée entre les deux hommes pourrait aussi rapprocher les frères ennemis du maquis qui écument les routes de la région sud du Sénégal.

Tout porte à croire que le les responsables du MFDC entendent piéger le gouvernement en faisant des offres de négociation. Que le gouvernement refuse de répondre favorablement à l'offre, il apparaîtrait aux yeux d'une opinion excédée par un conflit vieux de vingt ans, comme celui qui ne veut de la paix. Surtout que les deux responsables du MFDC, convoquent l'actualité en déclarant qu'il «se dégage un peu partout en Afrique, une tendance lourde vers la résolution des conflits par la négociation» en citant le Soudan, la RDC, la région des Grands lacs, l'Angola, etc. Et récemment, on se le rappelle, le président Wade s'est illustré dans la médiation dans la crise malgache. On comprendrait mal qu'il laisse pourrir un conflit à l'intérieur des frontières de son propre pays.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 23/08/2002