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Développement durable

Surinam : adieu Amazonie!

Il y a 10 ans, au Sommet de la Terre, à Rio, le monde s’était alarmé des menaces qui pesaient sur l’Amazonie, «le poumon vert» de la planète. Dix ans plus tard, cette forêt, représentative de l’état de santé de notre monde, est en voie de disparition rapide et définitive. Globalement c’est 80% des forêts primaires de notre planète qui sont détruites ou dégradées à une vitesse de destruction croissante qui est actuellement de 10 millions d’hectares par an, soit l’équivalent d’un terrain de football qui disparaît toutes les 2 secondes, alors que ces forêts abritent 50 à 90% des espèces animales et végétales de la planète et qu’elles sont toutes habitées par des populations autochtones dont l’avenir est intimement lié à celui de la forêt. Dans la partie encore préservée de l’Amazonie, il y a ce qu’on appelle la grande forêt de l’Atlantique dont pratiquement la seule surface restante se trouve au Surinam, mais ce petit pays d’Amérique du Sud doit faire face à de gros problèmes économiques et mise tout son développement sur l’exploitation de sa forêt. Une situation inquiétante qui confirmerait par la disparition des forêts du Surinam, la fin de la grande Amazonie.
De notre envoyé spécial au Surinam

Ecouter l'émission Fréquence Terre d'Arnaud Jouve 20mn

Le Surinam qui est indépendant depuis 1975, a connu une histoire mouvementée dont une guerre civile de 1986 à 1992, qui a plongé le pays dans une situation économique difficile mais qui d’une certaine manière a protégé la forêt. Mais aujourd’hui le gouvernement a besoin d’argent et propose son territoire à qui veut. La principale ressource, le bauxite, ne suffit plus au pays, les cours se sont effondrés et l’activité minière s’est recentrée sur l’or, exploité principalement par certaines grosses compagnies étrangères comme Cambior et Golden Star et par une nuée de petits exploitants qui créent un peu partout des chantiers clandestins et occasionnent dans la forêt, hors contrôle, de nombreuses nuisances.

Les chercheurs d’or terrorisent les populations forestières avec qui ils ont régulièrement des conflits violents qui se soldent souvent par des morts. Ils détruisent la forêt et polluent les rivières notamment avec du mercure. Le Surinam ayant proposé il y un peu plus de deux ans un permis de travail pour les étrangers pour 200 dollars, de nombreux chercheurs d’or sont venus principalement du Brésil à tel point qu’ils représentent actuellement 10% de la population du pays.

Aujourd’hui le Surinam mise sur l’exploitation forestière et parcellise son espace pour rendre ses forêts accessibles à des compagnies étrangères. Ces concessions correspondent parfois à des territoires de vies de populations autochtones qui se retrouvent dépossédées de leurs terres, sans aucune forme de dédommagement et en conflit direct avec la compagnie qui s’est installé chez eux, et avec un Etat qui considère souvent que ces populations forestières doivent participer au développement national.

Des entreprises chinoises abattent la forêt

L’exemple le plus significatif étant celui de certaines compagnies forestières chinoises qui déforestent de manière brutale les parcelles qu’elles ont obtenues, ne prélevant que deux ou trois espèces d’arbres après coupe et laissant pourrir le reste au sol. Situation terrifiante pour les populations locales qui assistent impuissantes à la destruction totale de leur environnement, indispensable à leur survie.

C’est le cas chez les Saramaka, une population de Noirs Marrons* qui vit dans le centre du pays sur des terres négociées par traités avec les autorités hollandaises de l’époque. Du jour au lendemain, les Saramaka n’ont plus pu rentrer dans leur forêt, où se trouvent leur plantations, leurs lieux de culte, de chasse, de pêche… Ils y ont trouvé des militaires armés du gouvernement qui leur ont interdit l’accès à leur forêt leur disant que cela ne leur appartenait plus et que l’Etat avait vendu cet espace à une compagnie chinoise du nom de Yi Sheng. Un couvre-feu est imposé aux Saramaka que les militaires ont menacé de mort si ils les trouvaient dans les périmètres des exploitations après 19h00, l’accès à la zone étant de toute façon totalement interdit.

De nombreux témoignages sur place et dans la capitale font même état de prisonniers Chinois déportés de Chine qui serviraient de main d’œuvre à cette entreprise, mais à ce jour il n’existe aucune preuve de cela. Cependant un avocat a été saisi par le biais d’associations de Saramaka et une plainte a été déposée à la Cour interaméricaine des droits de l’homme à Washington pour le vol de la terre et pour toutes les atteintes aux droits de l’homme qui ont été observées dans cette affaire. La Chine, suite à de graves inondations il y a deux ans, a interdit l’exploitation systématique du bois sur son territoire, et pour satisfaire sa demande intérieure, elle va chercher le bois dont elle a besoin ailleurs .

Personne ne sait exactement la superficie que ces compagnies chinoises, qui appartiennent souvent au même groupe, ont pu négocier en Amazonie. On sait qu’ils ont choisi le Surinam pour les facilités que ce gouvernement leur octroie, mais tout le monde se demande si ce pays, qui jusqu'à présent a été un modèle de conservation arrivera à concilier préservation et développement durable.

* Noirs Marrons : descendants d’esclaves affranchis qui se sont réfugiés dans la forêt après une guerre de 100 ans avec les Hollandais et ont finalement obtenu leur liberté et leurs territoires.

A écouter :
La déforestation en Amazonie
Magazine Fréquence terre, présenté par Arnaud Jouve, le 01/09/2002.



par Arnaud  Jouve

Article publié le 30/08/2002