Développement durable
Les sans-terre au sommet
Les paysans sans-terre d’Afrique s’invitent ce samedi au sommet sur le développement durable qui se tient à Johannesbourg. En marge du défilé des ONG, ils doivent marcher par milliers vers le centre officiel de la conférence avec l’espoir d’attirer l’attention des congressistes sur une situation particulièrement explosive. Depuis une semaine, les sans-terre ont installé leur campement dans un ancien parc d’attraction à 40 kilomètres du centre de la ville.
De notre envoyé spécial
Julia ne connaît pas le mot anglais qui indique l’Est. Pointant sans hésiter le doigt vers le levant, elle explique qu’elle est venue de là-bas, avec sept autres paysannes de la province d’Umpumalanga. Pour l’heure, avec les femmes du camp, elle prépare en plein air un déjeuner pour 600 personnes, un ragoût qui mijote dans de grands chaudrons noircis par la fumée. Son tee-shirt rouge est barré d’une grande inscription en lettres noires : «Pour en finir avec la pauvreté : de la terre, de la nourriture, un travail.»
Après plus de 50 ans passés à travailler pour le compte d’un fermier blanc, Julia estime qu’il est grand temps d’en finir avec l’apartheid économique. «Les Blancs qui ont pris la terre de nos ancêtres nous donnent un peu de maïs, du sel, et 50 rands par mois (5 Euros). Comment voulez-vous qu’on vive avec ça ! On ne peut même pas envoyer nos enfants à l’école». Une mélopée s’élève soudain, Julia joint aussitôt sa voix au chœur des paysannes qui commencent à chalouper des hanches. Plus loin, c’est un cercle d’hommes qui écoute en silence un orateur. Une fois son exposé terminé, le bras levé, ce dernier entonne un vieil air, la foule répond.
Les Sud-Africains attendent une véritable réforme agraire
C’est à l’intérieur que les sans-terre tiennent les débats «officiels», dans un immense bâtiment blanc tout droit sorti d’un décor de cinéma, compromis improbable entre une hacienda mexicaine et une médina marocaine. Mais ce n’est certainement pas pour faire de la figuration que les paysans ont entrepris ce long voyage. A l’image de Julia, tous attendent désormais du gouvernement sud-africain des changements radicaux: réforme agraire, droit de posséder des terres, droit de travailler sur ces terres. Des revendications explosives alors même que, dans le Zimbabwe voisin, le gouvernement somme les fermiers blancs de quitter leur ferme. Près de 300 d’entre eux ont déjà été arrêtés pour avoir refusé de laisser leur exploitation aux mains de Noirs.
Le gouvernement sud-africain saura-t-il éviter un tel blocage ? «Nous ne voulons pas prendre cette terre aux Blancs, tempère Julia. Nous voulons pouvoir y faire pousser notre production, la vendre, et enfin vivre décemment. Pour ça, nous devons discuter avec les propriétaire blancs, être ensemble, partager cette terre.» Certains fermiers blancs, une poignée à vrai dire, ont déjà montré la voie. Thierry Alban Revert, Français naturalisé sud-africain, mène sur son exploitation de 6000 hectares une expérience pilote de partage des terres soutenue par le gouvernement. L’idée est de rétrocéder progressivement une grande partie du territoire aux Noirs, sous le contrôle des institutions. «On va dans le mur, avertit ce fermier. Il faut empêcher à temps les sans-terre de vouloir reprendre violemment leur terre alors qu’ils n’ont pas l’éducation pour la reprendre ou la cultiver, ce qui serait une plus grande catastrophe encore».
Lors de cette journée de manifestation ce samedi, ce sont les sans-terre qui seront les plus nombreux à défiler. Pourtant, ils n’ont pas obtenu le soutien espéré des Organisations non gouvernementales présentes pour le contre-sommet. Seuls les membres et délégués de Via Campesina, une ONG qui regroupe 80 organisations dans 53 pays, seront à leurs côtés, casquette verte sur la tête.
Julia ne connaît pas le mot anglais qui indique l’Est. Pointant sans hésiter le doigt vers le levant, elle explique qu’elle est venue de là-bas, avec sept autres paysannes de la province d’Umpumalanga. Pour l’heure, avec les femmes du camp, elle prépare en plein air un déjeuner pour 600 personnes, un ragoût qui mijote dans de grands chaudrons noircis par la fumée. Son tee-shirt rouge est barré d’une grande inscription en lettres noires : «Pour en finir avec la pauvreté : de la terre, de la nourriture, un travail.»
Après plus de 50 ans passés à travailler pour le compte d’un fermier blanc, Julia estime qu’il est grand temps d’en finir avec l’apartheid économique. «Les Blancs qui ont pris la terre de nos ancêtres nous donnent un peu de maïs, du sel, et 50 rands par mois (5 Euros). Comment voulez-vous qu’on vive avec ça ! On ne peut même pas envoyer nos enfants à l’école». Une mélopée s’élève soudain, Julia joint aussitôt sa voix au chœur des paysannes qui commencent à chalouper des hanches. Plus loin, c’est un cercle d’hommes qui écoute en silence un orateur. Une fois son exposé terminé, le bras levé, ce dernier entonne un vieil air, la foule répond.
Les Sud-Africains attendent une véritable réforme agraire
C’est à l’intérieur que les sans-terre tiennent les débats «officiels», dans un immense bâtiment blanc tout droit sorti d’un décor de cinéma, compromis improbable entre une hacienda mexicaine et une médina marocaine. Mais ce n’est certainement pas pour faire de la figuration que les paysans ont entrepris ce long voyage. A l’image de Julia, tous attendent désormais du gouvernement sud-africain des changements radicaux: réforme agraire, droit de posséder des terres, droit de travailler sur ces terres. Des revendications explosives alors même que, dans le Zimbabwe voisin, le gouvernement somme les fermiers blancs de quitter leur ferme. Près de 300 d’entre eux ont déjà été arrêtés pour avoir refusé de laisser leur exploitation aux mains de Noirs.
Le gouvernement sud-africain saura-t-il éviter un tel blocage ? «Nous ne voulons pas prendre cette terre aux Blancs, tempère Julia. Nous voulons pouvoir y faire pousser notre production, la vendre, et enfin vivre décemment. Pour ça, nous devons discuter avec les propriétaire blancs, être ensemble, partager cette terre.» Certains fermiers blancs, une poignée à vrai dire, ont déjà montré la voie. Thierry Alban Revert, Français naturalisé sud-africain, mène sur son exploitation de 6000 hectares une expérience pilote de partage des terres soutenue par le gouvernement. L’idée est de rétrocéder progressivement une grande partie du territoire aux Noirs, sous le contrôle des institutions. «On va dans le mur, avertit ce fermier. Il faut empêcher à temps les sans-terre de vouloir reprendre violemment leur terre alors qu’ils n’ont pas l’éducation pour la reprendre ou la cultiver, ce qui serait une plus grande catastrophe encore».
Lors de cette journée de manifestation ce samedi, ce sont les sans-terre qui seront les plus nombreux à défiler. Pourtant, ils n’ont pas obtenu le soutien espéré des Organisations non gouvernementales présentes pour le contre-sommet. Seuls les membres et délégués de Via Campesina, une ONG qui regroupe 80 organisations dans 53 pays, seront à leurs côtés, casquette verte sur la tête.
par Laurent Berthault
Article publié le 31/08/2002