Soudan
La coalition américaine anti-Khartoum prête à revoir sa stratégie
Depuis le 12 août, le gouvernement du Soudan et les rebelles sudistes sont à nouveau réunis au Kenya pour approfondir les termes du protocole d’accord, signé fin juillet. Cette nouvelle étape, qui s’annonce délicate, pourrait amener les organisations non-gouvernementales américaines à revoir leur stratégie d’opposition à Khartoum.
La puissante coalition américaine anti-Soudan, qui regroupe des membres républicains et démocrates du Congrès, des juristes, militants chrétiens et des droits de l’homme joue avec le feu: le 30 juillet dernier, l’une de ses têtes pensantes, Nina Shea, annonçait à un journaliste de l’agence UPI, qu’«à la lumière du protocole de Machakos», ses partenaires, et le Centre pour les libertés religieuses qu’elle dirige, renonçait à leur campagne de soutien au Sudan Peace Act.
Le Sudan Peace Act, présenté au Sénat en juillet 1999, tout en rappelant l’importance du pétrole dans le développement du Soudan, exigeait, dans sa version initiale, que toute société nationale ou étrangère, qui investissait dans ce pays en guerre et qui ferait appel aux actionnaires américains, rende des comptes précis sur le volet social et humanitaire de ses activités. A cette époque, le gouvernement de Khartoum avait déjà lancé une vaste opération d’expulsion des villageois habitant les zones pétrolières, en se servant des infrastructures des compagnies exploitantes.
L’information sur le revirement des militants américains n’a pas été confirmée ou infirmée pour l’instant. La prudence reste donc de mise. La juriste américaine a précisé que ce changement d’attitude devait avoir ses contreparties: un cessez-le-feu décrété dans les six mois, le libre accès des organisations humanitaires à toutes les régions du Sud, et si, durant cette période, le Sudan Peace Act était voté par les congressistes, la coalition réclamerait la mise sous tutelle internationale des revenus du pétrole soudanais.
Faire monter la pression sur les négociateurs
En agissant ainsi, les organisations abandonnent leur principal levier de pression juridique sur Khartoum et font monter d’un cran la tension qui entoure les négociations actuelles.
Le texte final fût voté par les Sénateurs en janvier 2000, dans une version édulcorée, et excluant cette clause, avant d’être renvoyé à la Chambre des représentants. Après de longues tergiversations, la Chambre réintroduisit l’amendement, renforcé par des sanctions sévères contre les sociétés. Depuis bientôt un an, le Sudan Peace Act est bloqué au Sénat qui refuse d’entériner cette nouvelle mouture.
Au début du mois de juin dernier, lors d’audiences du Congrès, consacrées au Soudan, Walter Kansteiner, le secrétaire d’Etat chargé des Affaires africaines, au nom du gouvernement de George Bush, dénonça «ces interférences politiques dans le marché des capitaux», et provoqua, du même coup, l’ire des organisations non gouvernementales.
L’abandon de la version de la Chambre du Sudan Peace Act par la coalition anti-Soudan serait un pari risqué. Certes, on peut deviner le désir de voir aboutir rapidement les pourparlers de paix au Kenya –il est vrai qu’ils constituent un rapprochement spectaculaire entre le Nord et le Sud- mais il y a également la volonté d’utiliser la campagne électorale américaine pour exiger des candidats, des engagements fermes à l’égard du gouvernement de Omar Al-Bachir. Ce mélange des genres est, en général, plutôt explosif. Outre que l’obtention d’un cessez-le-feu dans une guerre qui dure depuis bientôt vingt ans, paraît difficilement réalisable en six mois tout comme un accès rapide et illimité au Sud-Soudan, la mise sous tutelle internationale des revenus du pétrole, une idée proposée initialement par l’envoyé spécial de George Bush, mobiliserait une trentaine de pays arabes contre les Etats-Unis
Le Sudan Peace Act, présenté au Sénat en juillet 1999, tout en rappelant l’importance du pétrole dans le développement du Soudan, exigeait, dans sa version initiale, que toute société nationale ou étrangère, qui investissait dans ce pays en guerre et qui ferait appel aux actionnaires américains, rende des comptes précis sur le volet social et humanitaire de ses activités. A cette époque, le gouvernement de Khartoum avait déjà lancé une vaste opération d’expulsion des villageois habitant les zones pétrolières, en se servant des infrastructures des compagnies exploitantes.
L’information sur le revirement des militants américains n’a pas été confirmée ou infirmée pour l’instant. La prudence reste donc de mise. La juriste américaine a précisé que ce changement d’attitude devait avoir ses contreparties: un cessez-le-feu décrété dans les six mois, le libre accès des organisations humanitaires à toutes les régions du Sud, et si, durant cette période, le Sudan Peace Act était voté par les congressistes, la coalition réclamerait la mise sous tutelle internationale des revenus du pétrole soudanais.
Faire monter la pression sur les négociateurs
En agissant ainsi, les organisations abandonnent leur principal levier de pression juridique sur Khartoum et font monter d’un cran la tension qui entoure les négociations actuelles.
Le texte final fût voté par les Sénateurs en janvier 2000, dans une version édulcorée, et excluant cette clause, avant d’être renvoyé à la Chambre des représentants. Après de longues tergiversations, la Chambre réintroduisit l’amendement, renforcé par des sanctions sévères contre les sociétés. Depuis bientôt un an, le Sudan Peace Act est bloqué au Sénat qui refuse d’entériner cette nouvelle mouture.
Au début du mois de juin dernier, lors d’audiences du Congrès, consacrées au Soudan, Walter Kansteiner, le secrétaire d’Etat chargé des Affaires africaines, au nom du gouvernement de George Bush, dénonça «ces interférences politiques dans le marché des capitaux», et provoqua, du même coup, l’ire des organisations non gouvernementales.
L’abandon de la version de la Chambre du Sudan Peace Act par la coalition anti-Soudan serait un pari risqué. Certes, on peut deviner le désir de voir aboutir rapidement les pourparlers de paix au Kenya –il est vrai qu’ils constituent un rapprochement spectaculaire entre le Nord et le Sud- mais il y a également la volonté d’utiliser la campagne électorale américaine pour exiger des candidats, des engagements fermes à l’égard du gouvernement de Omar Al-Bachir. Ce mélange des genres est, en général, plutôt explosif. Outre que l’obtention d’un cessez-le-feu dans une guerre qui dure depuis bientôt vingt ans, paraît difficilement réalisable en six mois tout comme un accès rapide et illimité au Sud-Soudan, la mise sous tutelle internationale des revenus du pétrole, une idée proposée initialement par l’envoyé spécial de George Bush, mobiliserait une trentaine de pays arabes contre les Etats-Unis
par Marion Urban
Article publié le 20/08/2002