Maroc
Le Maroc se prépare aux législatives
Les tensions maroco-espagnoles, attisées ces dernières semaines par la crise de l’îlot du Persil, semblent n’avoir que peu de conséquences sur la préparation des législatives au Maroc. Il faut dire que ces élections sont annoncées comme «transparentes», une première dans le Royaume, si bien que leur mise en place a, jusqu’à présent, fait office de campagne électorale.
De notre correspondante à Rabat
Si des voix s’élèvent ça et là pour réclamer une «Marche Bleue» pour libérer les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ou encore pour exiger que la vérité soit dite sur les motivations réelles de la prise de l’îlot Leïla par la gendarmerie marocaine, l’essentiel de la «campagne» électorale pour les législatives prévues à l’automne concerne toujours les dispositions électorales.
Rien que pendant les trois premiers mois cette année, cinq partis politiques nouveaux ont vu le jour, oscillant entre libéralisme, régionalisme ou mouvance populaire. Début juillet, ce sont près de trente-cinq partis politiques qui composent le paysage marocain, alors que les législatives précédentes, celles de novembre 1997, avaient vu la participation de seize partis. Leur nombre a donc plus que doublé en cinq ans, même si parmi les «partis» recensés plusieurs formations islamistes ne sont pas encore reconnues et ne le seront vraisemblablement pas. La plus ancienne et la plus médiatisée d’entre elles est le mouvement «Al Adl wa Lihsane» (Équité et Bienfaisance) de Cheikh Yacine, toujours très surveillé.
La multiplication des partis, issus de scissions ou nés d’une ambition personnelle, ne facilite pas les pronostics concernant l’issue de ces élections. Une seule certitude, les deux grandes coalitions ne devraient pas survivre. Celle des partis dits «administratifs» n’a déjà plus aucune existence, tandis que le bloc démocratique, la «Koutla», est moribond. Des cinq partis qui composèrent cette alliance en 1992, quatre demeurent aujourd’hui, l’USFP, le parti socialiste du Premier ministre, Abderhamane Youssoufi, l’Istiqlal, le parti conservateur le plus ancien du Maroc, le PPS (Parti du Progrès et du Socialisme), ex-communiste, et l’OADP (Organisation de l’Action Démocratique et Populaire), parti de la gauche radicale.
Ce dernier parti vient en effet de décider, lors de son congrès extraordinaire des 28 et 29 juin de cette année, sa propre dissolution et son projet de fusion dans la GSU (Gauche Socialiste Unifiée). L’entreprise de fusion de quatre partis de la gauche radicale fait figure d’exception dans un paysage politique où les scissions se multiplient. Pour le nouveau parti, qui a vu le jour le 15 juillet, il s’agit de sortir de l’immobilisme dû au clientélisme du pouvoir en place ou au refus de toute action politique. On le voit, les législatives n’en sont encore qu’à l’acte I, celui où les protagonistes se mettent en place. Le débat sur les programmes de gouvernement est jusqu’à maintenant pratiquement absent de la scène.
Les questions du moment concernent l’organisation d’un scrutin exempt de fraude ; les alliances risquent donc de ne se conclure qu’une fois les résultats connus.
Mise en place complexe
Découpage, mode de scrutin et «quotas de femmes», tout est donc nouveau, ou presque. L’ensemble du territoire a été découpé en quatre-vingt-onze circonscriptions, qui enverront chacune de deux à cinq représentants à la Chambre des Représentants, la seconde chambre, celle des Conseillers, étant constituée de membres uniquement sélectionnés selon un système de quotas. Les trois cent vingt-cinq sièges seront distribués à la proportionnelle et au plus fort reste, un système complexe, qui risque de favoriser les gros partis, du moins dans les circonscriptions où peu de sièges sont disponibles. Le nouveau système électoral devant assurer l’élection d’au moins trente femmes (elles sont aujourd’hui trois à la Chambre des Représentants), il a fallu là encore innover. Finalement, une «liste nationale» a été ajoutée au découpage électoral. La circonscription nationale comporte donc trente sièges. Tous sont réservés aux femmes, mais afin de ne pas entrer en contradiction avec la constitution, qui prévoit l’égalité des conditions d’éligibilité, elle n’est pas intitulée «liste féminine», mais les partis sont priés de n’y inscrire les hommes qu’en position de non éligibilité, soit en fin de liste. Cette liste nationale figurera donc sur le bulletin unique qui passera entre les mains de l’électeur. Il y cochera sa liste «régionale» et sa liste «nationale». Et comme 60% de Marocains sont encore analphabètes, les partis seront repérables par une couleur et un symbole graphique. On le voit, les procédures de simplification pour un électorat débutant, débouchent sur une mise en place complexe.
Le dernier rebondissement en matière de loi électorale concerne l’éligibilité des SAP (Sans Appartenance Politique). Le Conseil Constitutionnel a, le 25 juin, demandé au gouvernement de revoir sa copie, qui interdisait aux SAP de se porter candidats aux législatives, une ségrégation jugée anticonstitutionnelle. Le 2 juillet, le Conseil de Gouvernement a donc décidé que les SAP devraient présenter un programme électoral écrit, ainsi qu’un relevé de financement de campagne et récolter cinq cents signatures d’électeurs dont 20% de parlementaires. Le projet a été adopté en cette dernière semaine de juillet par les chambres législatives, les 500 signatures ayant été ramenées à 100 par siège à pourvoir dans la circonscription du candidat.
La participation des SAP a fait couler beaucoup d’encre, certains y voient une brèche pour les islamistes et la corruption, d’autres un péril pour la démocratie si elle échappe aux politiques et d’autres, au contraire, un rempart pour les partis en place, en raison de la difficulté de réunir ces exigences. En attendant, le gouvernement réaffirme que ces élections auront bien lieu, ne reste qu’à fixer leur date.
Si des voix s’élèvent ça et là pour réclamer une «Marche Bleue» pour libérer les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ou encore pour exiger que la vérité soit dite sur les motivations réelles de la prise de l’îlot Leïla par la gendarmerie marocaine, l’essentiel de la «campagne» électorale pour les législatives prévues à l’automne concerne toujours les dispositions électorales.
Rien que pendant les trois premiers mois cette année, cinq partis politiques nouveaux ont vu le jour, oscillant entre libéralisme, régionalisme ou mouvance populaire. Début juillet, ce sont près de trente-cinq partis politiques qui composent le paysage marocain, alors que les législatives précédentes, celles de novembre 1997, avaient vu la participation de seize partis. Leur nombre a donc plus que doublé en cinq ans, même si parmi les «partis» recensés plusieurs formations islamistes ne sont pas encore reconnues et ne le seront vraisemblablement pas. La plus ancienne et la plus médiatisée d’entre elles est le mouvement «Al Adl wa Lihsane» (Équité et Bienfaisance) de Cheikh Yacine, toujours très surveillé.
La multiplication des partis, issus de scissions ou nés d’une ambition personnelle, ne facilite pas les pronostics concernant l’issue de ces élections. Une seule certitude, les deux grandes coalitions ne devraient pas survivre. Celle des partis dits «administratifs» n’a déjà plus aucune existence, tandis que le bloc démocratique, la «Koutla», est moribond. Des cinq partis qui composèrent cette alliance en 1992, quatre demeurent aujourd’hui, l’USFP, le parti socialiste du Premier ministre, Abderhamane Youssoufi, l’Istiqlal, le parti conservateur le plus ancien du Maroc, le PPS (Parti du Progrès et du Socialisme), ex-communiste, et l’OADP (Organisation de l’Action Démocratique et Populaire), parti de la gauche radicale.
Ce dernier parti vient en effet de décider, lors de son congrès extraordinaire des 28 et 29 juin de cette année, sa propre dissolution et son projet de fusion dans la GSU (Gauche Socialiste Unifiée). L’entreprise de fusion de quatre partis de la gauche radicale fait figure d’exception dans un paysage politique où les scissions se multiplient. Pour le nouveau parti, qui a vu le jour le 15 juillet, il s’agit de sortir de l’immobilisme dû au clientélisme du pouvoir en place ou au refus de toute action politique. On le voit, les législatives n’en sont encore qu’à l’acte I, celui où les protagonistes se mettent en place. Le débat sur les programmes de gouvernement est jusqu’à maintenant pratiquement absent de la scène.
Les questions du moment concernent l’organisation d’un scrutin exempt de fraude ; les alliances risquent donc de ne se conclure qu’une fois les résultats connus.
Mise en place complexe
Découpage, mode de scrutin et «quotas de femmes», tout est donc nouveau, ou presque. L’ensemble du territoire a été découpé en quatre-vingt-onze circonscriptions, qui enverront chacune de deux à cinq représentants à la Chambre des Représentants, la seconde chambre, celle des Conseillers, étant constituée de membres uniquement sélectionnés selon un système de quotas. Les trois cent vingt-cinq sièges seront distribués à la proportionnelle et au plus fort reste, un système complexe, qui risque de favoriser les gros partis, du moins dans les circonscriptions où peu de sièges sont disponibles. Le nouveau système électoral devant assurer l’élection d’au moins trente femmes (elles sont aujourd’hui trois à la Chambre des Représentants), il a fallu là encore innover. Finalement, une «liste nationale» a été ajoutée au découpage électoral. La circonscription nationale comporte donc trente sièges. Tous sont réservés aux femmes, mais afin de ne pas entrer en contradiction avec la constitution, qui prévoit l’égalité des conditions d’éligibilité, elle n’est pas intitulée «liste féminine», mais les partis sont priés de n’y inscrire les hommes qu’en position de non éligibilité, soit en fin de liste. Cette liste nationale figurera donc sur le bulletin unique qui passera entre les mains de l’électeur. Il y cochera sa liste «régionale» et sa liste «nationale». Et comme 60% de Marocains sont encore analphabètes, les partis seront repérables par une couleur et un symbole graphique. On le voit, les procédures de simplification pour un électorat débutant, débouchent sur une mise en place complexe.
Le dernier rebondissement en matière de loi électorale concerne l’éligibilité des SAP (Sans Appartenance Politique). Le Conseil Constitutionnel a, le 25 juin, demandé au gouvernement de revoir sa copie, qui interdisait aux SAP de se porter candidats aux législatives, une ségrégation jugée anticonstitutionnelle. Le 2 juillet, le Conseil de Gouvernement a donc décidé que les SAP devraient présenter un programme électoral écrit, ainsi qu’un relevé de financement de campagne et récolter cinq cents signatures d’électeurs dont 20% de parlementaires. Le projet a été adopté en cette dernière semaine de juillet par les chambres législatives, les 500 signatures ayant été ramenées à 100 par siège à pourvoir dans la circonscription du candidat.
La participation des SAP a fait couler beaucoup d’encre, certains y voient une brèche pour les islamistes et la corruption, d’autres un péril pour la démocratie si elle échappe aux politiques et d’autres, au contraire, un rempart pour les partis en place, en raison de la difficulté de réunir ces exigences. En attendant, le gouvernement réaffirme que ces élections auront bien lieu, ne reste qu’à fixer leur date.
par Isabelle Broz
Article publié le 03/08/2002