Justice
Echange de frère au parloir
Pas de sang, pas de violence. L'évasion d'un membre d'ETA, Ismaël Berasategui Escudero, de la prison de la Santé, à Paris, s'est déroulée dans la plus grande discrétion. Dans le parloir, le frère du prisonnier a pris sa place. Les gardiens n'y ont vu que du feu et ont reconduit en cellule un homme qui n'avait rien à y faire. Pendant que le vrai terroriste sortait tranquillement de l'enceinte de la prison. Cette affaire pose la question des contrôles et de la sécurité dans les établissements carcéraux.
La supercherie n’a été découverte qu’au bout de cinq jours. Et encore, parce que le frère d’Ismaël Berasategui Escudero a enfin révélé qu’il avait pris la place de ce dernier, membre présumé de l’organisation terroriste basque ETA, mis en examen pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, port d’arme prohibé, recel de vol». Jusque-là, aucun des gardiens de la prison de la Santé, à Paris, dans laquelle Berasategui était incarcéré n’avait eu le moindre doute sur l’identité de la personne ramenée, samedi, en cellule après son parloir.
Certes, les deux hommes se ressemblent… comme deux frères à peu près du même âge (33 et 34 ans) mais, selon les premiers témoignages, pas du tout comme deux jumeaux. Et quand bien même, des mesures de contrôle sont censées être là pour éviter de semblables tentatives de substitution. La procédure prévoit, en effet, que tous les visiteurs sont soumis à une vérification d’identité, passent sous un portique de détection métallique et déposent un permis de visite. Les détenus doivent, quant à eux, se soumettre à une fouille au corps et être marqués sur le dos de la main avec une encre indélébile et invisible.
Faute professionnelle ou dysfonctionnement du système carcéral ?
La découverte de cette substitution réussie, qui est la quatrième du genre recensée dans les prisons françaises depuis 1998, a fait du bruit et a provoqué une riposte immédiate des syndicats de gardiens qui ont estimé qu’il n’y avait pas eu de faute professionnelle de la part des fonctionnaires présents ce jour-là. Ils mettent, par contre, en cause la surpopulation carcérale qui empêche les surveillants de connaître physiquement tous les détenus, le manque d’effectifs et la configuration des parloirs à la Santé. Ces deniers sont, en effet, constitués de petites cabines à l’intérieur desquelles il n’y a aucune séparation entre le détenu et son visiteur. Les portes restent ouvertes pour permettre une surveillance mais les gardiens ne sont pas assez nombreux pour tout voir et tout entendre. Certains détenus refusent aussi d’être marqués et il semble même que l’empreinte à l’encre invisible puisse être transférer sur une autre main après humidification. Autant de facteurs qui pourraient expliquer comment le détenu a pu se faire la belle ni vu, ni connu.
Pour Emmanuel Gauthrain, secrétaire général de FO-Pénitentiaire, la responsabilité de l’évasion est donc à mettre sur le dos de l’administration pénitentiaire. «Est-ce qu’un terroriste d’ETA, présenté comme un haut responsable, a sa place dans une maison d’arrêt surpeuplée, une des plus vétustes de France ?» Car Ismaël Berasategui Escudero qui est âgé de 33 ans n'est, en effet, pas le premier détenu venu. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international et a été interpellé en mai 2002 à Annonay, en Ardèche, à l'occasion d'un contrôle de police. Il est soupçonné d'être l'un des chefs d'un commando d'ETA, Behorburu («tête de cheval» en basque), responsable de plusieurs attentats à la voiture piégée en Espagne, et de faire partie des bases arrières de l’organisation terroriste installées en France pour assurer l’approvisionnement en armes. Malgré ce curriculum vitae particulièrement chargé, Berasategui ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière dans la prison de la Santé et s’est rendu au parloir comme les autres détenus.
Une enquête est menée par la division nationale anti-terroriste (DNAT) pour faire la lumière sur cette évasion et essayer de retrouver Berasategui. Une inspection des services pénitentiaires a aussi été demandée pour établir avec précision les circonstances dans lesquelles le prisonnier s’est évaporé, s’il n’a pas bénéficié de complicité dans la prison et sinon, quels dysfonctionnements du système carcéral expliquent que, pendant cinq jours, le frère d’un détenu a pu rester à sa place dans une cellule de la Santé sans que l’alerte soit donnée. Il est vrai que les premières investigations ont mis en évidence que le co-détenu de Berasategui était lui aussi membre d’ETA, ce qui est contraire à toutes les règles en vigueur en matière d’incarcération.
Si Ismaël Berasategui Escudero est retrouvé, il ne fera vraisemblablement pas l’objet de poursuites spécifiques pour cette évasion car celle-ci a été réalisée sans aucune violence, ni dégradation. Il ne sera donc pas condamné à une peine supplémentaire. Son frère aîné, José Antonio, qui a été interrogé par la police risque, lui, de perdre beaucoup dans cette histoire. Son sens de «l’intérêt familial», l’argument qu’il a invoqué pour expliquer son geste, pourrait lui coûter une inculpation pour «participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Avec une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’incarcération à la clef.
Certes, les deux hommes se ressemblent… comme deux frères à peu près du même âge (33 et 34 ans) mais, selon les premiers témoignages, pas du tout comme deux jumeaux. Et quand bien même, des mesures de contrôle sont censées être là pour éviter de semblables tentatives de substitution. La procédure prévoit, en effet, que tous les visiteurs sont soumis à une vérification d’identité, passent sous un portique de détection métallique et déposent un permis de visite. Les détenus doivent, quant à eux, se soumettre à une fouille au corps et être marqués sur le dos de la main avec une encre indélébile et invisible.
Faute professionnelle ou dysfonctionnement du système carcéral ?
La découverte de cette substitution réussie, qui est la quatrième du genre recensée dans les prisons françaises depuis 1998, a fait du bruit et a provoqué une riposte immédiate des syndicats de gardiens qui ont estimé qu’il n’y avait pas eu de faute professionnelle de la part des fonctionnaires présents ce jour-là. Ils mettent, par contre, en cause la surpopulation carcérale qui empêche les surveillants de connaître physiquement tous les détenus, le manque d’effectifs et la configuration des parloirs à la Santé. Ces deniers sont, en effet, constitués de petites cabines à l’intérieur desquelles il n’y a aucune séparation entre le détenu et son visiteur. Les portes restent ouvertes pour permettre une surveillance mais les gardiens ne sont pas assez nombreux pour tout voir et tout entendre. Certains détenus refusent aussi d’être marqués et il semble même que l’empreinte à l’encre invisible puisse être transférer sur une autre main après humidification. Autant de facteurs qui pourraient expliquer comment le détenu a pu se faire la belle ni vu, ni connu.
Pour Emmanuel Gauthrain, secrétaire général de FO-Pénitentiaire, la responsabilité de l’évasion est donc à mettre sur le dos de l’administration pénitentiaire. «Est-ce qu’un terroriste d’ETA, présenté comme un haut responsable, a sa place dans une maison d’arrêt surpeuplée, une des plus vétustes de France ?» Car Ismaël Berasategui Escudero qui est âgé de 33 ans n'est, en effet, pas le premier détenu venu. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international et a été interpellé en mai 2002 à Annonay, en Ardèche, à l'occasion d'un contrôle de police. Il est soupçonné d'être l'un des chefs d'un commando d'ETA, Behorburu («tête de cheval» en basque), responsable de plusieurs attentats à la voiture piégée en Espagne, et de faire partie des bases arrières de l’organisation terroriste installées en France pour assurer l’approvisionnement en armes. Malgré ce curriculum vitae particulièrement chargé, Berasategui ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière dans la prison de la Santé et s’est rendu au parloir comme les autres détenus.
Une enquête est menée par la division nationale anti-terroriste (DNAT) pour faire la lumière sur cette évasion et essayer de retrouver Berasategui. Une inspection des services pénitentiaires a aussi été demandée pour établir avec précision les circonstances dans lesquelles le prisonnier s’est évaporé, s’il n’a pas bénéficié de complicité dans la prison et sinon, quels dysfonctionnements du système carcéral expliquent que, pendant cinq jours, le frère d’un détenu a pu rester à sa place dans une cellule de la Santé sans que l’alerte soit donnée. Il est vrai que les premières investigations ont mis en évidence que le co-détenu de Berasategui était lui aussi membre d’ETA, ce qui est contraire à toutes les règles en vigueur en matière d’incarcération.
Si Ismaël Berasategui Escudero est retrouvé, il ne fera vraisemblablement pas l’objet de poursuites spécifiques pour cette évasion car celle-ci a été réalisée sans aucune violence, ni dégradation. Il ne sera donc pas condamné à une peine supplémentaire. Son frère aîné, José Antonio, qui a été interrogé par la police risque, lui, de perdre beaucoup dans cette histoire. Son sens de «l’intérêt familial», l’argument qu’il a invoqué pour expliquer son geste, pourrait lui coûter une inculpation pour «participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Avec une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’incarcération à la clef.
par Valérie Gas
Article publié le 23/08/2002