Afghanistan
Un an après l’assassinat de Massoud, Karzaï échappe à un attentat
Tragique journée de jeudi, pour l’Afghanistan. Tragique en raison du bilan particulièrement lourd de l’attentat à la voiture piégée perpétré à Kaboul ; tragique également car la seconde attaque, contre le chef de l’exécutif à Kandahar, démontre la vulnérabilité des plus hautes autorités de l’Etat, en dépit des mesures exceptionnelles prises pour assurer leur sécurité. Et révèle la fragilité du processus politique engagé en décembre, après la conférence de Bonn, et réaffirmé en juin, lors de la convocation de l’assemblée traditionnelle, la Loya Jirga.
Les Taliban sont défaits, mais la guerre se poursuit en Afghanistan. C’est le premier enseignement des événements qui ont marqué la journée de jeudi, avec l’attentat à la voiture piégée à Kaboul et la tentative d’assassinat contre le président à Kandahar. L’explosion avait été précédée d’une première déflagration, de moindre puissance, destinée selon la police à attirer les badauds afin de rendre l’attentat encore plus meurtrier. Officiellement l’attaque a fait au moins seize morts et cent cinquante blessés. «C’était le chaos», rapporte le correspondant de l’agence Reuters.
Le deuxième acte eut lieu quelques heures plus tard, à Kandahar, où le président Hamid Karzaï s’était rendu pour assister au mariage de son jeune frère. Son véhicule a essuyé les coups de feu d’un homme en uniforme, membre de l’armée nationale, mais tout nouvellement recruté, selon un responsable de la police locale. Le président s’en est miraculeusement tiré sain et sauf, mais au moins un membre de sa garde est tombé sous les balles de l’agresseur avant qu’il ne soit lui-même tué par les hommes des services spéciaux américains chargés de la sécurité rapprochée d’Hamid Karzaï.
Vendredi, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’arrestation du propriétaire de la voiture-piégée, un taxi. C’est un Afghan qui «n’a encore fait aucune déclaration permettant de penser qu’il était impliqué d’une façon ou d’une autre dans les explosions», a précisé Taj Mohammad Wardak. En revanche les autorités afghanes sont convaincues que ces attentats sont l’œuvre d’Al Qaïda et des talibans. C’est une piste vraisemblable. La guerre n’est en effet pas terminée : les forces spéciales américaines poursuivent leur traque dans l’Est du pays et, pratiquement un an après le 11 septembre, Oussama Ben Laden et le mollah Omar courent toujours. Mais il faut aussi considérer la piste intérieure. Gulbudin Hekmatyar, ancien premier ministre éconduit par la nouvelle administration, a radicalisé son discours et appelé cette semaine à une «guerre sainte» contre les Etats-Unis et leurs alliés. Il pourrait drainer avec lui le mécontentement des notables pachtounes, dont il est, et qui entretiennent de nombreux griefs à l’endroit de l’actuelle direction accusée de trahir la communauté. Cette dimension du problème nous renvoie aux rivalités ethniques dont, selon les rumeurs en circulation à Kaboul, la direction afghane ne parvient pas à se débarrasser pour, enfin, asseoir une autorité véritablement nationale dans ce pays.
Etendre le mandat de l’Isaf ?
Si les attentats de jeudi surviennent dans une atmosphère saturée de menaces, ils ne sont que les ultimes épisodes d’une longue série qui a marqué la vie politique nationale au cours de ces derniers mois et qui montre que la question de la sécurité en Afghanistan reste un véritable casse-tête. Certes un contingent de cinq mille hommes de la Force internationale d’assistance et de sécurité (Isaf) contrôle la capitale. Mais, hors les murs, on ne peut encore compter sur le professionnalisme de la future armée nationale, en cours de formation : celle-ci ne dispose encore que d’un effectif très insuffisant de trois mille hommes pour faire régner l’ordre dans le pays. Il y a quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères déclarait qu’il n’était pas favorable à une extension du mandat de l’Isaf hors de la capitale. Jeudi, après les attentats, le ministère de la Défense américain se déclarait désormais favorable à un éventuel élargissement du mandat des soldats étrangers hors de Kaboul, sous réserve que les soldats américains ne participent pas à ces nouvelles missions.
En dépit de cette situation, les autorités afghanes doivent continuer à manifester la volonté et la présence de l’Etat fort qu’elles veulent construire. Cet aspect passe par une visibilité présidentielle d’autant plus grande que la situation est mauvaise. Rien ne serait pire, en terme d’image et de communication, que de donner l’impression que le gouvernement ne gouverne que la capitale, et encore : sous haute protection étrangère. Le président et ses ministres doivent se montrer tant au sein de leur pays qu’à l’extérieur, ce qui renforce leur vulnérabilité. Bien que, dans le contexte actuel, voyager est dangereux, depuis son installation à la tête du gouvernement de transition, début décembre, Hamid Karzaï s’est beaucoup déplacé. Et son agenda, pour ces prochains jours, reste chargé. Le chef de l’Etat ira se recueillir sur la tombe d’Ahmed Shah Massoud, dans la vallée du Panshir. Il est ensuite attendu à New York le 11 septembre pour participer aux commémorations marquant le premier anniversaire de l’attaque contre l’Amérique et à l’assemblée générale des Nations unies.
Le deuxième acte eut lieu quelques heures plus tard, à Kandahar, où le président Hamid Karzaï s’était rendu pour assister au mariage de son jeune frère. Son véhicule a essuyé les coups de feu d’un homme en uniforme, membre de l’armée nationale, mais tout nouvellement recruté, selon un responsable de la police locale. Le président s’en est miraculeusement tiré sain et sauf, mais au moins un membre de sa garde est tombé sous les balles de l’agresseur avant qu’il ne soit lui-même tué par les hommes des services spéciaux américains chargés de la sécurité rapprochée d’Hamid Karzaï.
Vendredi, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’arrestation du propriétaire de la voiture-piégée, un taxi. C’est un Afghan qui «n’a encore fait aucune déclaration permettant de penser qu’il était impliqué d’une façon ou d’une autre dans les explosions», a précisé Taj Mohammad Wardak. En revanche les autorités afghanes sont convaincues que ces attentats sont l’œuvre d’Al Qaïda et des talibans. C’est une piste vraisemblable. La guerre n’est en effet pas terminée : les forces spéciales américaines poursuivent leur traque dans l’Est du pays et, pratiquement un an après le 11 septembre, Oussama Ben Laden et le mollah Omar courent toujours. Mais il faut aussi considérer la piste intérieure. Gulbudin Hekmatyar, ancien premier ministre éconduit par la nouvelle administration, a radicalisé son discours et appelé cette semaine à une «guerre sainte» contre les Etats-Unis et leurs alliés. Il pourrait drainer avec lui le mécontentement des notables pachtounes, dont il est, et qui entretiennent de nombreux griefs à l’endroit de l’actuelle direction accusée de trahir la communauté. Cette dimension du problème nous renvoie aux rivalités ethniques dont, selon les rumeurs en circulation à Kaboul, la direction afghane ne parvient pas à se débarrasser pour, enfin, asseoir une autorité véritablement nationale dans ce pays.
Etendre le mandat de l’Isaf ?
Si les attentats de jeudi surviennent dans une atmosphère saturée de menaces, ils ne sont que les ultimes épisodes d’une longue série qui a marqué la vie politique nationale au cours de ces derniers mois et qui montre que la question de la sécurité en Afghanistan reste un véritable casse-tête. Certes un contingent de cinq mille hommes de la Force internationale d’assistance et de sécurité (Isaf) contrôle la capitale. Mais, hors les murs, on ne peut encore compter sur le professionnalisme de la future armée nationale, en cours de formation : celle-ci ne dispose encore que d’un effectif très insuffisant de trois mille hommes pour faire régner l’ordre dans le pays. Il y a quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères déclarait qu’il n’était pas favorable à une extension du mandat de l’Isaf hors de la capitale. Jeudi, après les attentats, le ministère de la Défense américain se déclarait désormais favorable à un éventuel élargissement du mandat des soldats étrangers hors de Kaboul, sous réserve que les soldats américains ne participent pas à ces nouvelles missions.
En dépit de cette situation, les autorités afghanes doivent continuer à manifester la volonté et la présence de l’Etat fort qu’elles veulent construire. Cet aspect passe par une visibilité présidentielle d’autant plus grande que la situation est mauvaise. Rien ne serait pire, en terme d’image et de communication, que de donner l’impression que le gouvernement ne gouverne que la capitale, et encore : sous haute protection étrangère. Le président et ses ministres doivent se montrer tant au sein de leur pays qu’à l’extérieur, ce qui renforce leur vulnérabilité. Bien que, dans le contexte actuel, voyager est dangereux, depuis son installation à la tête du gouvernement de transition, début décembre, Hamid Karzaï s’est beaucoup déplacé. Et son agenda, pour ces prochains jours, reste chargé. Le chef de l’Etat ira se recueillir sur la tombe d’Ahmed Shah Massoud, dans la vallée du Panshir. Il est ensuite attendu à New York le 11 septembre pour participer aux commémorations marquant le premier anniversaire de l’attaque contre l’Amérique et à l’assemblée générale des Nations unies.
par Georges Abou
Article publié le 06/09/2002