Etats-Unis
Colin Powell, une voix discordante dans l’administration Bush
Sans doute plus conscient que n’importe qui d’autre au sein de l’administration Bush des dangers de la politique unilatérale des Etats-Unis, le secrétaire d’Etat Colin Powell apparaît aujourd’hui, à l’étranger, comme la voix de la raison dans un gouvernement en «croisade contre le mal». Si le chef de la diplomatie américaine a pris soin jusqu’à présent de dissimuler son désaccord avec la ligne dure prônée par les principaux conseillers de George Bush, il ne cache plus aujourd’hui son intention de démissionner à la fin du mandat présidentiel en 2005 et cela même si George Bush est reconduit. L’un de ses proches affirme même que seule l’imminence d’une victoire diplomatique majeure au Proche-Orient pourrait le pousser à rester un peu plus longtemps.
La Maison Blanche a eu beau écarter l’idée de l’existence d’une quelconque tension avec le département d’Etat en affirmant notamment que les deux administrations parlaient d’«une même voix», personne n’est aujourd’hui dupe sur les importantes divergences de point de vue qui opposent désormais Colin Powell aux faucons du gouvernement Bush que sont le vice-président Dick Cheney, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld et la conseillère en matière de sécurité nationale, Condoleezza Rice. Ces désaccords, latents depuis des mois, se sont particulièrement illustrés dans le dossier irakien avec d’un côté les partisans d’une offensive militaire destinée à renverser le régime de Saddam Hussein et de l’autre une diplomatie qui, redoutant les conséquences de l’isolement grandissant des Etats-Unis, tente vaille que vaille de freiner les ardeurs des «va-t-en guerre» de l’administration Bush. Colin Powell, qui a gardé le silence plusieurs semaines sur la question irakienne, a donc officiellement pris le contre-pied des positions musclées martelées ces derniers temps par Dick Cheney. Le chef de la diplomatie américaine a en effet estimé que le retour sans conditions des inspecteurs en Irak devait être «la première étape» d’un règlement de la crise irakienne avant toute intervention militaire, le vice-président ayant pour sa part affirmé auparavant qu’un tel retour n’interférerait pas dans la détermination de Washington à renverser Saddam Hussein.
Les tentatives de la Maison Blanche de minimiser les tensions entre les proches collaborateurs de George Bush n’ont servi qu’à alimenter la polémique qui fait rage depuis plusieurs semaines aux Etats-Unis quant à la nécessité ou non d’intervenir en Irak. Elles sont intervenues alors qu’un sondage a révélé que Colin Powell restait le membre le plus populaire de l’administration Bush avec 78% d’opinions favorables, loin devant le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld qui obtient 51% d’avis positifs ou le vice-président Dick Cheney soutenu par seulement 49% des Américains. Le chef de la diplomatie, qui continue à avoir l’oreille du président Bush et qui est largement soutenu par des personnalités aussi bien du clan républicain que démocrate, est convaincu qu’une intervention en Irak risquerait de faire voler en éclat la coalition anti-terroriste de l’après-11 septembre. Un argument massue qui pourrait expliquer les tentatives de Washington de se concilier ses alliés européens et du monde arabe, inquiets de voir se dégrader la situation dans la région. George Bush devra également convaincre les Américains du bien fondé d’une telle offensive alors que seulement 51% d’entre eux sont favorables à une attaque contre Bagdad. Ils étaient 70% en décembre dernier.
Deux visions du monde qui s’affrontent
Si les tensions au sein de l’administration américaine se sont cristallisées autour de la question irakienne, d’autres dossiers font également l’objet de discordes entre les proches conseillers de George Bush. Ainsi, dans la crise israélo-palestinienne, le président américain semble avoir, en écartant Yasser Arafat, privilégié la position des faucons de son administration. Son soutien sans faille à la politique d’Ariel Sharon, qui a été reçu cinq fois à la Maison Blanche, a mis à plusieurs reprises son chef de la diplomatie, soucieux de ménager les alliés arabes et européens, dans des situations délicates. La position de Washington sur le conflit au Proche-Orient est d’ailleurs plus que jamais vécue comme une politique de deux poids deux mesures par la rue arabe et certains de ses dirigeants qui n’ont de cesse de dénoncer la complaisance américaine à l’égard de l’Etat hébreu.
Ces divergences d’opinions au sein du gouvernement américain illustrent en fait l’affrontement de deux visions du monde. Il y a d’une part ceux, qui comme le vice-président Dick Cheney, estiment que la recherche d’un consensus sur un dossier n’est pas fondamentale. Seule importe pour eux la vision américaine et une fois que les Etats-Unis s’engageront sur le terrain, le reste du monde suivra. Et puis il y a ceux, qui comme Colin Powell, estiment que la concertation avec les partenaires européens et arabes est nécessaire, car bien que puissants les Etats-Unis ne parviendront à leur but qu’avec le soutien de leurs alliés.
Les tentatives de la Maison Blanche de minimiser les tensions entre les proches collaborateurs de George Bush n’ont servi qu’à alimenter la polémique qui fait rage depuis plusieurs semaines aux Etats-Unis quant à la nécessité ou non d’intervenir en Irak. Elles sont intervenues alors qu’un sondage a révélé que Colin Powell restait le membre le plus populaire de l’administration Bush avec 78% d’opinions favorables, loin devant le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld qui obtient 51% d’avis positifs ou le vice-président Dick Cheney soutenu par seulement 49% des Américains. Le chef de la diplomatie, qui continue à avoir l’oreille du président Bush et qui est largement soutenu par des personnalités aussi bien du clan républicain que démocrate, est convaincu qu’une intervention en Irak risquerait de faire voler en éclat la coalition anti-terroriste de l’après-11 septembre. Un argument massue qui pourrait expliquer les tentatives de Washington de se concilier ses alliés européens et du monde arabe, inquiets de voir se dégrader la situation dans la région. George Bush devra également convaincre les Américains du bien fondé d’une telle offensive alors que seulement 51% d’entre eux sont favorables à une attaque contre Bagdad. Ils étaient 70% en décembre dernier.
Deux visions du monde qui s’affrontent
Si les tensions au sein de l’administration américaine se sont cristallisées autour de la question irakienne, d’autres dossiers font également l’objet de discordes entre les proches conseillers de George Bush. Ainsi, dans la crise israélo-palestinienne, le président américain semble avoir, en écartant Yasser Arafat, privilégié la position des faucons de son administration. Son soutien sans faille à la politique d’Ariel Sharon, qui a été reçu cinq fois à la Maison Blanche, a mis à plusieurs reprises son chef de la diplomatie, soucieux de ménager les alliés arabes et européens, dans des situations délicates. La position de Washington sur le conflit au Proche-Orient est d’ailleurs plus que jamais vécue comme une politique de deux poids deux mesures par la rue arabe et certains de ses dirigeants qui n’ont de cesse de dénoncer la complaisance américaine à l’égard de l’Etat hébreu.
Ces divergences d’opinions au sein du gouvernement américain illustrent en fait l’affrontement de deux visions du monde. Il y a d’une part ceux, qui comme le vice-président Dick Cheney, estiment que la recherche d’un consensus sur un dossier n’est pas fondamentale. Seule importe pour eux la vision américaine et une fois que les Etats-Unis s’engageront sur le terrain, le reste du monde suivra. Et puis il y a ceux, qui comme Colin Powell, estiment que la concertation avec les partenaires européens et arabes est nécessaire, car bien que puissants les Etats-Unis ne parviendront à leur but qu’avec le soutien de leurs alliés.
par Mounia Daoudi
Article publié le 03/09/2002